FEMINA RIDENS
Italie – 1969
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Piero Schivazappa
Acteurs : Philippe Leroy, Dagmar Lassander, Lorenza Guerrieri
Musique : Stelvio Cipriani
Durée : 108 minutes
Image : 1.85
Son : Italien et français DTS HD Master Audio mono
Sous-titres : Français
Editeur : Frenezy
Date de sortie : 31 août 2022
LE PITCH
Le docteur Sayer (Philippe Leroy) dirige une grande fondation philanthropique. Riche et bien éduqué, il considère la femme comme un être inférieur qu’il se plaît à soumettre à sa domination totale… jusqu’à la mort. Un soir, il attire Maria (Dagmar Lassander), sa collaboratrice et la séquestre dans sa villa spécialement aménagée…
Elle est l’avenir de l’homme
Objet fantasmatique du cinéma italien, opus obscurs mais rapidement culte célébrant entre exploitation et volonté artistique une guerre des sexes jusqu’au-boutiste, Femina Ridens est un pur OFNI, parfois kitch, poseur, mais définitivement fascinant.
Exploité un temps par chez nous en VHS sous le titre crétin Le Duo de la mort, mais finalement surtout connu par les bisseux pour la bande originale totalement culte d’un Stelvio Cipriani au sommet de ses élans jazzy et easy listening, Femina Ridens a longtemps été rangé à tort dans la case fourre-tout du giallo. Même s’il travaille effectivement des références artistiques parfois très proches du futur L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento (en particulier dans l’ouverture de celui-ci), cette étrange production vogue surtout du coté d’une sexploitation qui se serait laissé pousser une conscience, ou en tout cas dont les auteurs aurait sobrement fait éclater les barrières de l’« exploitation » pour en discuter et perturber les ingrédients les plus voyeuristes et machistes.
Des pellicules érotiques où les donzelles se dandinent en petites tenues et sont placées à la merci d’un mâle dominant mais irrésistiblement séducteur, Femina Ridens en prend astucieusement la route dans sa première partie, croisant Le Voyeur (1960) de Michel Powell et La Prisonnière (1968) de Clouzot, en plaçant la délicieuse Dagma Lassander (Une Hache pour la lune de miel, Si Douce, Si Perverse…) sous le joug d’un Philippe Leroy (Le Château des morts-vivants, Une Femme mariée…) consommant les femmes comme des objets et épanchant sa haine des nouvelles féministes par des pratiques SM douteuses. Kidnappée, prise en otage, subissant quelques légères tortures et plus notables humiliations, la voici obligée de copuler avec un double statufié du docteur Sayer ou de subir un jet ininterrompu (symbolique, quand tu nous tiens) prostrées au fond d’une piscine. Mais les rapports de force sont fluctuants et rapidement le prédateur va tomber sous le charme de sa victime et même s’épancher sur un étrange trauma qui lui a fait craindre les rapports charnels toutes sa vie.
le choix du missionnaire
Duel aux armes, aux sens et aux échanges presque philosophiques, Femina Ridens met en image la guerre des sexes ouverte par la libéralisation sexuelle et renvoit, naturellement, ces braves petits hommes bravaches et paternalistes à leur place de petits garçons angoissés, pétrifiés devant l’image d’une mère dévoreuse et la menace de la putain castratrice. Conscient de jouer sur des stéréotypes et un discours allégorique, le film ne se laisse pourtant que difficilement cerner, s’amusant que quelques sorties de route presque paillardes comme lorsque des femmes jouant de la clarinette sur un train accompagnent une fellation furtive à un passage à niveau, et surtout entremêlant les points de vue pour tirer de cette oppositions phallocratie / gynocratie ver un final plus mystérieux qu’autre chose. Deux monstres en huis clos, deux personnalités perverses célébrées dans un décorum lumineux et une architecture ultra moderne qui devance même par son imprégnation des lignes et structures du Pop Art et autres Op Art, certaines des prouesses formelles du fabuleux Orange mécanique de Stanley Kubrick.
Si malheureusement calmé par l’échec relatif du film en salle et surtout l’abandon en cours de tournage de Crepa padrone, crapa tranuillo par suite du départ d’Alain Delon, Piero Schivazappa n’aura jamais vraiment eu une vraie carrière de cinéaste, il démontrait avec cette unique grande réussie une irrévérence jubilatoire, une tonalité atypique et un grand sens du surréalisme ironique. La preuve avec cette séquence onirique et psychanalytique où Serge Leroy pénètre le vagin béant et denté d’une célèbre sculpture géante imaginée par Niki de Saint Phalle pour être remplacé par un squelette : difficile de savoir si l’on doit se vautrer dans l’analyse sémiologique ou pouffer devant l’excès assumé du tableau.
Image
Encore un titre longtemps invisible par chez nous, Femina Ridens nous parvient directement dans un nouveau master HD de toute beauté. Une restauration effectuée à partir d’un scan 4k des négatifs originaux permettant au film de retrouver son cadre initial (à priori légèrement tronqué sur des Bluray américains précédents) et surtout une propreté simplement inédite. Les cadres ont été admirablement nettoyés, débarrassés de la moindre petite imperfection notable (taches, point blancs….) retrouvant à la fois leur grain d’origine, bien marqué et organique, et des reflets argentiques très appréciables. Les couleurs surtout se débarrassent d’un halo jaunâtre longtemps présent pour imposer définitivement des teintes contrastées et légèrement pastel. Bien entendu la définition est finement ciselée et les quelques séquences aux reliefs plus doux semblent uniquement résulter de la captation d’époque.
Son
L’éditeur propose les versions italienne et française dans leur mono d’origine, mais rafraîchis par un DTS HD Master Audio sobre mais confortable. Le doublage français est de qualité mais est cependant marqué par un léger écho là où la version originale se montre beaucoup plus ferme. Étrange par contre de ne pas avoir proposé ici la post-synchronisation anglaise, seule s’étendant sur le montage complet du film et venant donc combler quelques trous dans les pistes présentes.
Interactivité
Quatrième titre édité par le jeune Frenezy mais une nouvelle preuve de leur implication et de leur sérieux. Le fourreau cartonné contient ainsi le boitier bluray avec sa jaquette réversible et surtout ses deux blurays. L’un comprend la version complète du film, l’autre le montage légèrement ratiboisé de la distribution française dans une même copie 4K.
Les suppléments proprement dit sont répartis sur les deux galettes avec deux segments hérités d’éditions étrangères. La rencontre avec le compositeur Stelvio Cipriani et l’actrice Dagmar Lassander. Si finalement le premier passe assez vite sur Femina Ridens, au milieu de cette évocation de sa carrière, la seconde lui offre une belle place, le présentant comme l’une des productions dont elle est la plus fière, même lorsqu’elle enchaîne ensuite sur ses autres collaborations italiennes et en particulier celles avec Mario Bava.
Mais Frenezy a bien entendu produit quelques bonus maison dont une nouvelle présentation, toujours éclairée et pertinente de Mr Jean-François Rauger, mais aussi des interventions de deux spécialistes. Catherine Francblin vient explorer les connexions évidentes ou non entre le film et l’œuvre de Niki de Saint Phalle, tandis que Pauline Mari le met en perspective avec les courants artistiques de son époque et souligne les nombreux emprunts à l’op art et autre courants expérimentaux des 60’s. Très complet.
Liste des bonus
Femina Art : entretien avec Catherine Francblin, critique d’art et biographe de Niki de Saint Phalle (35 min / vf), Femina Design : entretien avec Pauline Mari, historienne de l’art et spécialiste de l’art cinétique (25 min. / vf), Femina Femina : interview-carrière de Dagmar Lassander (18 min / vost), Femina Giallo : décryptage du film par Jean-François Rauger (15 min / vf), Femina Music : entretien avec le compositeur Stelvio Cipriani (15 min / vost), Femina Trailer : bande-annonce cinéma (vf / vost) – Femina Uncut : module sur la restauration du film.