FEAR AND DESIRE
Etats-Unis – 1953
Support : Bluray & DVD
Genre : Guerre
Réalisateur : Stanley Kubrick
Acteurs : Frank Silvera, Paul Mazursky, Kenneth Harp, Stephen Cit, Virginia Leith…
Musique : Gerald Fried
Durée : 62 minutes
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2,0
Sous-titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 07 décembre 2021
LE PITCH
Lors d’un conflit non nommé, dans un pays inconnu, 4 militaires se retrouvent coincés derrière les lignes ennemies. Après avoir massacré deux soldats, ils se rendent compte qu’une jeune femme a été témoin de la scène. Ils l’attachent à un arbre par peur d’être dénoncés…
La pièce manquante
On l’a longtemps cru disparu, chassé même de la filmographie de Kubrick par Stanley en personne, mais Fear and Desire, première vraie réalisation du futur auteur d’Orange mécanique et Full Metal Jacket, a refait surface. Moins un chef d’œuvre oublié que le témoignage de débuts tâtonnant d’un maître en devenir.
Longtemps attendu par certain comme la redécouverte d’une merveille oubliée de la grande œuvre de Stanley Kubrick, celui-ci était surtout jugé par le réalisateur comme une tentative prétentieuse et inepte. Et après une courte distribution dans quelques salles américaines, souvent présenté comme un film de guerre « sexy », il disparut des radars, bien aidé par son créateur qui souhaita le rendre invisible, le faire totalement oublier. Peine perdue bien entendu, reste que Fear and Desire est partagé par cette double identité, miraculé et honteux, qui finalement le caractérise à la perfection. Début des années 50, déjà petite célébrité du monde de la photographie, le jeune Stanley Kubrick a cependant surtout des aspirations cinématographiques qui l’amènent à signer quelques films commerciaux et deux documentaires, Flying Padre et Day of the Flight. Mais il va véritablement sauter le pas, et déjà imposer sa farouche indépendance, avec le projet The Trap, qui deviendra Shape of Fear puis enfin Fear and Desire. Des fonds récoltés du coté de sa famille et en particulier d’un oncle propriétaire d’une chaîne de pharmacie, une troupe de jeune acteurs inconnus du of Broadway, une équipe réduite au maximum (14 personnes, acteurs compris), une seul et unique caméra Mitchell souvent portée à bout de bras et une prise son absente, Kubrick s’imaginant gagner du temps et de l’argent en post production (ce ne sera pas le cas) …
La guerre en images
Le film est forcément marqué par son manque de moyen, des aspects parfois très bricolés comme ce vignetage dû à un objectif pas totalement compatible avec la caméra, et surtout un certain amateurisme, notamment concernant la direction d’acteur, excessive et parfois même ridicule. Œuvre de jeunesse, Fear and Desire et sa guerre non identifié qui se veut universelle se perd largement dans des considération pseudo philosophiques assenées lourdement par des dialogues bavards, empruntés voir pompeux, eux même lardés de références shakespeariennes présomptueuse. On reconnaît derrière les errances, la vision déjà très encrée d’une humanité animée par ses pulsions et ses certitudes mais on est ici justement à une grande distance de la capacité future du cinéaste à réduire le verbe au maximum, à faire de ses personnages de pures figures de cinéma. Une approche du cinéma héritée du cinéma muet qui l’a toujours passionné, et auquel il rend un vibrant hommage dans la plus belle scène du film, l’attaque brutale d’une cabane tenue par l’ennemi, où les cadrages et le montage renvoient à la symbolique picturale d’un Eisenstein. C’est bien là que le talent de Kubrick est déjà évident : l’image. Ses compositions sont d’une minutie éclatante, chaque plan s’agençant comme une démonstration picturale renforcée par une photographie lumineuse et radieuse. Ses fameux (très) gros plan, déjà très présents, tentent justement de compenser le sur-sens de la bande sonore (narrateur en ouverture, dialogues superposés, pensées omniprésentes…) en captant directement l’émotion et l’humanité des personnages dans leur frontalité physique.
Une réalisation souvent superbe, démonstrative encore, mais qui porte de manière évidente les germes de la grandeur du cinéma à venir. Même si ce n’est pas toujours propre, une naissance c’est toujours un peu émouvant.
Image
Longtemps invisible puis uniquement dans des sources incertaines et bricolées en mode bootleg … Une vraie copie 35mm avait finalement été retrouvé et racheté ni plus ni moins que par la Bibliothèque du congrès américain pour y apporter une restauration respectueuse et soignée. C’est cette copie qui se retrouve désormais distribué en Bluray à travers le monde, et chez Eléphant en France. Un résultat proche du miraculeux quand on connaît le passif du film avec quelques plans encore très marqués, des petits spots réguliers, mais une stabilité bien tenue, un superbe grain d’origine et des reflets argentiques à tomber. La définition surtout impose un piqué creusé, profond et délicat particulièrement sensible dans les nombreux gros plans du film.
Son
La piste mono originale anglaise (le film n’a bien entendu jamais été doublé) nous parvient dans un DTS HD Master Audio 2.0 qui porte avec clarté et simplicité une source aux effets sonores un peu datés et aux dialogues postsynchronisés.
Interactivité
Professeur d’analyse filmique à Paris 3, Nachiketas Wignesan propose une présentation très complète du film. Il replace le film aux débuts de la carrière artistique de Kubrick, raconte la gestation et la production du projet tout autant que sa distribution et le mépris du réalisateur pour son échec. Il propose surtout une vraie analyse du film, refusant de simplement faire les prévisibles parallèles avec la filmographie plus connue du cinéaste, pour se concentrer sur le film et ses aspects oniriques. Très intéressant.
Liste des bonus
Le film par Nachiketas Wignesan (29’), Bande-annonce.