FAUX MONNAYEURS
Outside The Law – États-Unis – 1956
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Jack Arnold
Acteurs : Ray Danton, Leigh Snowden, Grant Williams, Onslow Stevens, Raymond Bailey, Judson Pratt, …
Musique : Milton Rosen
Durée : 81 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Elephant Films
Date de sortie : 11 juillet 2023
LE PITCH
Berlin 1946. Un homme engagé dans l’armée d’occupation américaine est assassiné. La police fédérale engage Johnny Salvo, ami de la victime, pour faire la lumière sur ce crime. L’enquête les met sur la piste d’une bande de faux-monnayeurs, installée en Californie…
L’Homme à tout faire
Le météore de la nuit, L’étrange créature du Lac Noir (et sa suite), Tarantula, L’homme qui rétrécit, … Jack Arnold fut un artisan à ce point précieux pour la science-fiction et le cinéma fantastique que l’on aurait tendance à en oublier le reste de sa carrière. Série B lorgnant vers le film noir, le mélodrame et le réalisme procédurier façon Badge 714 (Dragnet, pour les puristes), Faux-monnayeurs n’est certes pas un chef d’œuvre mais son efficacité met en évidence le savoir-faire d’un cinéaste avant tout attaché à la crédibilité des histoires qu’il met en scène.
Berlin à la tombée de la nuit, des hommes en uniforme qui échangent une cigarette et quelques banalités, un meurtre au coin d’une rue sombre et déserte et un cadavre abandonné sur la chaussée humide. L’ouverture de Faux-monnayeurs évoque Fritz Lang et Alfred Hitchcock et le thriller d’espionnage paranoïaque. Mais c’est à la faveur du générique d’ouverture que l’on s’envole (littéralement) vers un tout autre film. Au pénitencier de Saint Quentin, en Californie, Johnny Salvo (Ray Danton), l’un des deux militaires de la scène précédente, héros de guerre dont les médailles n’ont pas encore effacé le passé de délinquant juvénile, se voit offrir une belle opportunité : participer une enquête visant des trafiquants de fausse-monnaie contre un casier vierge. Pas de bol, Johnny doit travailler sous les ordres de son paternel (Onslow Stevens) qu’il déteste, un flic opiniâtre.
Nouveau changement d’ambiance et de ton lorsque Johnny se rapproche de la veuve (Leigh Snowden) de l’homme assassiné au tout début. Jack Arnold tente alors la romance et le triangle amoureux avec, dans le rôle du troisième larron, un truand jaloux et brutal (Grant Williams). Passé à tabac, Johnny est évacué de l’enquête (et du film) et le scénario se recentre longuement sur la traque de la police avec filatures, recherches d’indices, interrogatoires et toute la panoplie jusqu’à ce que les faux-monnayeurs soient coincés. Retour de Johnny et de la belle veuve Maria sur le devant de la scène pour un climax où se rejoignent tous les fils narratifs et qui aura forcément fait forte impression sur un certain Brian De Palma dans sa jeunesse. Le tout emballé en 81 petites minutes sans la moindre once de gras.
Du coq à l’âne
Faux-monnayeurs, c’est donc plusieurs films en un seul. C’est ce qui fait sa force mais aussi un petit peu sa faiblesse. On aurait préféré que le script de Danny Arnold (qui deviendra, quelques années plus tard, l’un des producteurs de Ma sorcière bien-aimée) fassent interagir ses différentes intrigues au lieu de les empiler les unes sur les autres de façon aussi scolaire. Malgré sa maîtrise du rythme, Jack Arnold ne peut totalement éviter le ventre mou qui amène au dernier acte. D’abord utilisée comme un prétexte pour établir la dynamique entre ses personnages et cimenter le cœur émotionnel du récit (amour filiale, jalousie), l’intrigue policière cannibalise si soudainement et si totalement le film que l’on ne peut que s’en détacher et attendre patiemment le retour de nos héros pour la conclusion. Habile, Jack Arnold parvient à compenser (un peu) ce déséquilibre scénaristique par la nervosité de son découpage et l’attention centrale portée aux personnages d’Alec Conrad (le père de Johnny, donc) et de Philip Bormann (le patron de Maria), usant de ces derniers comme substituts pour les absents, le premier suivant jusqu’au bout la piste fournit par son fils et le second cherchant à profiter de l’innocence et de la naïveté de sa secrétaire pour se poser en victime d’une erreur de la police.
Les qualités de Faux-monnayeurs sont finalement à chercher ailleurs. Dans sa mise en scène soignée tout d’abord, qui en dit plus par le choix des cadres, les axes de caméra et l’opposition entre plans d’ensemble et champs-contre champs que par ses dialogues. Par la qualité de sa direction d’acteurs, aussi. Le quatuor formé par Ray Danton, Leigh Snowden, Grant Williams et Onslow Stevens – pas de stars mais des acteurs solides – est impeccablement dirigé par un Jack Arnold qui veille au grain et qui se passe de tout cabotinage ou de coups d’éclat. On avouera un faible pour Leigh Snowden, blonde sensible, veuve pas du tout éplorée et femme indépendante, loin du stéréotype de l’oie blanche, et pour Grant Williams, belle gueule inquiétante et rongée par une jalousie maladive.
Image
Elephant Films poursuit l’exploration des coffres à trésors de la Universal pour sa collection Cinema Master Class et est parvenu à mettre la main sur une copie au noir et blanc très joliment restauré et tout à fait digne du support haute-définition. Quelques accrocs de pellicule et plans un peu plus abîmé témoigne cependant de l’âge et de la confidentialité du long-métrage.
Son
Un mono sans chichis, propre et clair, et au souffle si distant qu’il parvient à se faire totalement oublier.
Interactivité
À déguster après le visionnage pour cause de spoilers, la présentation du film par le critique Samir Ardjoum propose une analyse plutôt intéressante tournant essentiellement autour de la relation père/fils des personnages joués par Onslow Stevens et Ray Danton et des choix de mise en scène de Jack Arnold, esquissant le portrait d’un auteur complet plutôt que d’un habile faiseur. Repris du coffret Tarantula/L’homme qui rétrécit, le bref portrait du cinéaste par Jean-Pierre Dionnet incite fortement à poursuivre l’exploration de la filmographie de Jack Arnold.
Liste des bonus
Le film par Samir Ardjoum (2023, 11 minutes), « Jack Arnold, géant de la peur » par Jean-Pierre Dionnet (2017, 6 minutes), Bandes-annonces.