FATA MORGANA
Fata/Morgana – Espagne, Allemagne – 1966
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Experimental
Réalisateur : Vicente Aranda
Acteurs : Teresa Gimpera, Marianne Benet, Marcos Marti, Antonio Ferrandis
Musique : Antonio Pérez Olea
Image : 1.66 16/9
Son : Espagnol PCM 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 87 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 02 mai 2023
LE PITCH
Dans une ville évacuée de sa population pour d’obscures raisons, quelques personnes ont décidé de rester. La mannequin Gim n’a pas voulu quitter son compagnon, Alvaro, qui vit dans une somptueuse villa avec des personnalités excentriques. On apprend alors qu’un assassin récidiviste a décidé de frapper à nouveau, et qu’il choisit ses victimes parmi les plus belles femmes de la ville. Le Professeur, un expert en criminologie, est le seul capable d’aider Gim à échapper au meurtrier.
« Viens petite fille dans mon comic strip »
Une dizaine d’année après l’onirique adaptation de Le Fanu, La Mariée sanglante, Artus Films distribue le premier long métrage de Vicente Aranda (A coups de crosse) : Fata Morgana. Un curieux essai surréaliste qui s’inscrivait dans une nouvelle vague espagnole totalement pop.
Forcément très influencé par son homologue français mais aussi par les expérimentations plus yéyé des camarades anglais ou de l’explosion fumetti du coté italien, même écrasé sous la coupe idéologique de Franco, le cinéma espagnol tentait lui aussi sa petite révolution dans les années 60. Et un film comme Fata Morgana s’y inscrit pleinement, venant reprendre à la fois le titre (et l’esprit) du célèbre Poème d’André Breton, tout en tissant des liens avec les deux origines de ce même terme : d’un côté la fée Morgane tour à tour sorcière tentatrice et symbolique féministe, et de l’autre une illusion lumineuse s’apparentant aux mirages. Le Fata Morgana de Vicenta Aranda (dont c’est là la première réalisation solo après un Brillante porvenir partagé et aujourd’hui invisible) croise ainsi toutes ses aspirations en jouant sur une mise en scène excessivement épurée, travaillée par des décors vides et simplifiés, que traversent des personnages volontairement désincarnés, archétypaux plus que réalistes. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une étrange BD, introduisant autant l’apparentée esthétique d’un métrage très « fumetti » et l’enjeu pseudo dramatique du film : une femme doit être assassinée par un tueur récidiviste et un homme est envoyé la retrouver et la protéger. Sur place, la sublime Gim (Marianne Benet vue dans le Operation Re-Mida de Jess Franco) est l’objet de toutes les convoitises, admirée pour sa beauté par certains, désirée, convoitée, menacée, haie, poursuivie et constamment aiguillé par un Professeur qui change de visage comme Fantomas.
Femme produit
Entre faux film d’espionnage et giallo (avec une lame poisson phallique), mais aussi avec des éléments de films d’anticipation (toute la ville a été évacuée…. Pour qui ? pourquoi ?), l’objet filmique ne cesse de brouiller les pistes, de s’égarer volontairement entre les vagues restes d’un thriller européen et des dialogues nébuleux cultivant les relectures philosophiques et symboliques. Le monde de Fata Morgana n’existe pas. Il n’est là que vous illustrer une réflexion qui se tisse au gré de l’inspiration. On n’est jamais bien loin ici des premières œuvres de Godard, à la fois sur-signifiantes et ludiques où l’expérimentation de la forme accompagne constamment le dialogue, mais avec tout de même une précision et une maitrise naturellement moins prononcée. Le film se perd autant qu’il perd le spectateur en courant après un crime qui n’a pas encore été commis dans une multiplication de scénette comme autant de planches reliées entre elles sur le principe du cadavre exquis.
Un film un peu pompeux parfois, sincèrement kitch mais toujours intriguant, où l’on reconnait immédiatement la présence toujours intéressante que Vicente Aranda offre à ses personnages féminins, centraux, à la fois moteurs et victimes résistantes. Gim n’est ainsi ni plus ni moins qu’une métaphore de la condition féminine, réduite bien souvent à sa qualité physique et aux fantasmes que les hommes projettent sur elle. Ce n’était peut-être pas la façon la plus simple de l’illustrer, mais Fata Morgana n’en est pas moins une sympathique curiosité filmique.
Image
Remasterisation 2K inédite pour Fata Morgana de toute façon inédit par chez nous. Un métrage qui n’a pas forcément été parfaitement préservé et dont la copie a semble-t-il été nettoyée uniquement par quelques filtres numériques. Le métrage retrouve un semblant de jeunesse avec des couleurs bien vives et des contrastes solides, et se montre assez généreux sur les détails dans les séquences les plus lumineuses. Mais on note aussi malheureusement un lissage parfois un peu lourd sur les cadres (particulièrement visible sur des arrière-plans blancs ondulants) et a forcément laissé passer une ou deux déchirures très marquées dues à une source sans doute trop abimée.
Son
Le film est présenté uniquement en espagnol (le doublage français n’existe sans doute même pas) dans sa version 2.0 non compressée la plus proche des intentions monos d’origines. Sans fioritures ni effets, la restitution est nette, claire et propre.
Interactivité
Proposé dans un fin digipack avec fourreau cartonné, Fata Morgana est accompagné sur les disques Bluray et DVD d’une présentation signée Christian Lucas. L’occasion de rappeler les origines du terme « fata morgana » et d’évoquer les autres films partageant le même titre, avant bien entendu de se tourner plus sérieusement vers les caractéristiques du film en question ici, les thèmes féministes récurrents de la filmographie du cinéaste et la carrière de la mannequin Teresa Gimpera. Efficace. On y trouve aussi une version légèrement différente de l’introduction « BD » et la bande annonce.
Liste des bonus
« Mirages et illusions » : présentation par Christian Lucas (2023, 22’47”), Générique alternatif (0’40”, VOST), Diaporama d’affiches et photos (1’24”), Bande-annonce originale (1’34”, VO).