F FOR FAKE
France, Iran, Allemagne – 1973
Support : Blu-Ray
Genre : Docu-fiction
Réalisateur : Orson Welles
Acteurs : Orson Welles, Oja Kodar, François Reichenbach, Elmyr de Hory, Clifford Irving, Laurence Harvey, Joseph Cotten…
Musique : Michel Legrand
Durée : 89 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Potemkine Éditions
Date de sortie : 21 mars 2023
LE PITCH
Un film d’essai d’Orson Welles sur « le délicieux mensonge » de l’œuvre d’art, une variation sur les rapports du créateur avec sa création et toute la vérité sur un des plus grands faussaires, Elmyr de Hory…
Jeux de dupes
Tour à tour jubilatoire et chaotique, gracieux et malicieux, F for Fake – Vérités et mensonges, sans être une œuvre majeure de Orson Welles, demeure un témoignage indispensable pour les amoureux du génie américain. Car derrière ce « documenteur » consacré aux faussaires, c’est en filigrane sa propre histoire que nous raconte l’un des plus grands représentants du septième art.
Avant-dernier film officiel réalisé par Orson Welles, F for Fake ressort de l’ombre dans une belle version restaurée permettant d’apprécier à juste titre l’un des derniers pieds de nez du géant américain. Bien que faisant mine de délaisser la fiction pour le documentaire, le cinéaste signe ici une sorte d’OFNI, un docu-fiction où Vérités et mensonges (son titre français) s’imbriquent pour tourner en dérision la raison de vivre du réalisateur de Citizen Kane : l’Art.
Coréalisé avec le documentariste François Reichenbach (Oscar du meilleur film documentaire en 1970 pour L’amour de la vie – Artur Rubinstein), la compagne de Welles Oja Kodar et son directeur de la photographie Gary Graver, F for Fake nous conte différentes histoires de faussaires sous le regard malicieux du cinéaste, véritable chef d’orchestre de ce qui ressemble bel et bien à une mascarade ! D’abord consacré au « peintre » Elmyr de Hory, célèbre faussaire spécialiste des reproductions de Modigliani entre autres, le documentaire s’intéresse également à d’autres prétendus tricheurs comme le magnat touche-à-tout Howard Hughes ainsi que l’écrivain Clifford Irving… responsable justement de biographies contestées de Hughes et De Hory ! Mélangeant images d’archives, séquences contemporaines tournées en France (Chartres, la gare d’Orsay…) et à Ibiza (lieu de « refuge » de Elmyr de Hory recherché par Interpol et de nombreuses juridictions), le long-métrage donne ainsi la parole à ces bonimenteurs nous expliquant que tant que l’Art sera un marché comme un autre, appuyé par les avis de pseudos experts, il donnera obligatoirement naissance à des faux et restera ainsi un éternel jeu de dupes….
L’illusionniste
Convoquant le souvenir de Pablo Picasso pour une dernière partie réjouissante mettant en vedette sa désirable compagne Oja Kodar, Orson Welles semble prendre un malin plaisir à nous mener par le bout du nez avec notamment cette première séquence magique où il joue l’illusionniste face à des enfants dans le hall de la Gare d’Orsay. Et on peut se demander finalement si celui qui avait fait croire aux américains que les extra-terrestres envahissaient leur pays lors d’une émission de radio historique en 1938 (il s’agissait en fait d’une adaptation de La Guerre des mondes de Herbert George Wells) n’est pas en train de nous raconter sa propre histoire d’artiste remplie de mensonges et de légendes en tout genre.
Bien que parfois bancal, F for Fake demeure un film surprenant et inclassable à l’image de son auteur. Montant et démontant son histoire à sa guise, il démontre une nouvelle (et dernière?) fois son génie, cette fois-ci dans l’art de la manipulation. Alors que de nos jours, le « Fake » semble s’être immiscé partout, remettant en cause et détournant la moindre information ou « vérité officielle », on se dit qu’Orson Welles aurait eu bien du matériel pour consacrer une suite à son docu-fiction…
Séducteur et menteur patenté, ayant laissé un nombre incroyable de films inachevés suite à diverses promesses à ses ennemis les producteurs, Welles nous laisse avec ses Vérités et mensonges un film testament à son image, indispensable pour les aficionados de son Œuvre complexe et multiple.
Image
Restaurée par La Cinémathèque Française et Les films de l’Astrophore au laboratoire Hiventy, la copie présentée ici a été réalisée à partir du négatif original. Dépoussiérée, elle présente une belle définition, des cadres stables et de belles couleurs. Toutefois, le film utilisant différentes images de diverses sources, l’ensemble manque logiquement de cohérences entre archives et celles tournées par Welles et Reichenbach.
Son
Également restauré, à partir des pistes magnétiques 35mm, le Master Audio 2,0 Mono permet une écoute confortable grâce à un mixage faisant la part belle à la musique composée par Michel Legrand.
Interactivité
Potemkine Éditions conclut cette édition avec deux bonus de qualité rendant hommage au maître. Passionnant de bout en bout, le documentaire Orson Welles de François Reichenbach et Frédéric Rossif est un patchwork composé d’images d’archives, d’extraits d’interview nous permettant de voir les mille facettes de l’artiste, tantôt jovial et enjoué, puis triste et profondément complexe. Jeanne Moreau y déclame son amour pour le cinéaste, tandis que celui-ci nous apprend qu’il ne va quasiment jamais au cinéma par peur de voir un bon film qui le chamboulerait…
Plus surprenant, la présence du documentaire d’Alain Cavalier, Vies, est également un véritable plus pour appréhender les différentes facettes du géant. Consacré aux amis de Cavalier (un chirurgien, un sculpteur, un boucher…), le film se consacre à la mémoire de Welles seulement dans ces 26 dernière minutes avec le témoignage déroutant de Françoise Widhoff, monteuse et productrice, tourné dans les ruines de la maison de Welles près de Paris. Entre admiration et déception, ses propos mettent en lumière un personnage manipulateur et menteur ne payant jamais ses impôts (la fameuse « phobie administrative) et ayant terminé sa vie dans une certaine misère. Assistante de Welles pendant deux années où aucun projet n’aboutira, elle déclare ainsi : « Avec Orson, j’ai découvert la vacuité, le temps perdu…on ne savait même plus nous-même ce que l’on attendait. Sa vie était comme ce jardin laissé à l’abandon : un amas de ronces inextricable. »
Liste des bonus
« Orson Welles » : documentaire de François Reichenbach et Frédéric Rossif (1968, 41’), « Vies » : film d’Alain Cavalier, autour de quatre de ses amis, un chirurgien, un sculpteur, un boucher et Françoise Widhoff qui témoigne de son travail d’assistante et de productrice d’Orson Welles, dans la maison même du cinéaste, près de Paris (2000, 86’).