EYE FOR AN EYE 1&2

目中无人, 目中无人:以眼还眼 – Chine – 2022, 2024
Support : Bluray
Genre : Action
Réalisateur : Bingia Yang
Acteurs : Miao Xie, Weiman Gao, Hao Xiang, Ben Liu, Enyou Yang, Tao Huang…
Musique : Zhu Jin Tai
Image : 1.85 16/9
Son : Mandarin DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 77 et 90 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 12 décembre 2024
LE PITCH
Eye for an Eye : Un mystérieux épéiste aveugle vient en aide à une viticultrice humiliée dont la vie a été détruite. Au fur et à mesure qu’il s’implique dans cette vengeance au nom de la justice, sa véritable identité est révélée…
Eye for an Eye 2 : L’épéiste chasseur de prime est de retour et prend sous son aile un orphelin qui veut venger le massacre de sa famille.
Au pays des borgnes, l’aveugle est roi
Dans le marché florissant des DTV chinois, pour la plupart produits pour les différentes plateformes de diffusion en streaming propres au pays, rares sont les œuvres qui réussissent à subsister dans le temps et à connaitre une vraie carrière à l’international. Les deux Eye for an Eye de Bingia Yang sont deux de ces exceptions, et ce n’est pas pour rien.
Si le marché du DTV chinois affiche une productivité assez affolante, il est cependant régi par des réalités économiques et un cadre extrêmement rigide (censure d’état, mais pas que) qui en limite forcément la portée et la qualité. Pour ceux qui se sont amusé à plonger un peu la tête dedans, l’essentiel des films produits reproduit inlassablement les mêmes codes, histoires et personnages, souvent copier-coller d’anciens vrais cartons mais réduits à des micro-divertissements (les films dépassent tout juste les 60 minutes) sans ambitions et sans vagues. Un constat plus évident encore du coté des films d’actions et des wuxia dont émerge pourtant le diptyque Eye for an Eye.
Exécution !
Et à priori le premier opus s’inscrit totalement dans le mouvement ne dépassant pas les 77 minutes générique compris, jouant esthétiquement les cache-misères en dissimulant souvent les décors sous des effets de neige et de pluie esthétisants, limitant l’exploration des personnages à des figures assez stéréotypées et facilement identifiables. Il croise aussi ouvertement d’illustres références allant du western italien aux films de sabres crépusculaires des années 90, sans compter bien entendu sa figure du sabreur aveugle au légendaires Zatoichi bien japonais. Cependant, le jeune réalisateur Bingia Yang, qui s’était fait un petit nom comme scénariste sur Mutant Tiger, Destruction of Opium at Humen ou Fight Against Evil, approche le programme avec beaucoup de soin délivrant des tableaux tout à fait convaincants, esthétiques mais sans fioritures, où s’ébattent effectivement des protagonistes maintes et maintes fois vus, mais non dénués de charisme. En particulier l’acteur Miu Tse (qui se souvient de lui à 10 ans dans The New Legend of Shaolin aux côtés de Jet Li ?), très convaincant en chasseur de prime misanthrope et alcoolique autant qu’impressionnant dans les nombreuses scènes d’action. Si quelques personnages secondaires traversent l’écran et l’histoire, en particulier la joueuse de luth trop peu exploitée, Eye for an Eye va surtout à l’essentiel déclinant son récit de vengeance meurtrière essentiellement par les affrontements sabres à la main. Là encore, si le découpage et les effets de montage dissimulent par leur frénésie les limites budgétaires et un tournage sans doute express, les scènes d’arts martiaux sont d’une fluidité appréciable. Brutales, violentes, nerveuses et parfois même inventives, mais toujours avec aspect presque réaliste, sauvage, qui crédibilise les toutes petites envolées wuxia (mouvements exacerbés, ennemis bondissants, « pouvoirs » à la Daredevil du héros…).
Rédemption
Une belle surprise donc, dont le succès mérité va aboutir à peine deux ans plus tard à une seconde aventure qui réussit le coup de faire encore mieux. Désormais doté d’une durée un poil plus conséquente (90 minutes), Bingia Yang, également scénariste, peut se permettre d’approfondir son univers et surtout sa figure centrale qu’il va pousser à retrouver une certaine humanité au contact d’une gamine dont la famille a été massacrée par un gang criminel. Une relation qui passe du rejet à celle de maitre et élève puis père et fille qui n’est bien entendu pas sans rappeler parfois l’iconique saga Baby Cart. Véritable cœur du film, ce nouveau duo apporte alors à la fois plus de légèreté au film, mais aussi une bien meilleure implication dramatique. Même la photographie du film travaille désormais des teintes plus mordorées, joue de ses décors comme un authentique western et se laisserait presque aller à quelques accents lyriques, voir bucoliques. Un peu de tendresse dans un monde de brutes, puisque l’essence de Eye for an Eye 2 repose toujours autant sur une description d’un univers cruel et particulièrement violent (femmes, enfants et innocents tombent comme des mouches) et la mise en place de combats électrisants. Sans doute encore mieux maitrisés que dans le premier film, ceux-ci mettent habilement en valeurs le handicap du mercenaire, tout en offrant des chorégraphies encore plus impressionnantes, à la fois sèches (jambes et nuques se brisent d’un rien), agiles et constamment lisibles. Le traquenard sur la barque de quelques pécheurs détrousseurs, le face-à-face resserré dans une seule et même pièce ou le grand final contre une bonne cinquantaine d’hommes de main avec la gosse tour à tour partenaire de jonglage ou poids attaché dans le dos, donnent vraiment de bons espoirs quant à un véritable retour en force de wuxia d’exploitation.
Eye for an Eye 1&2 sont pour l’instant ce qui se fait de mieux en films de sabre du côté de la masse de DTV chinois. Deux films bis méritant, dotés d’évidentes ambitions et d’un vrai amour du genre et intensément divertissant. Voilà qui promet du meilleur pour la carrière du réalisateur et un nouveau rebond pour celle de l’acteur Miu Tse.
Image
Qui dit DTV dit généralement une patine numérique très visible. C’est le cas ici avec deux master HD naturellement très propres, fermes et stables, mais qui des suites de quelques modifications dans la colorimétrie, des scènes nocturnes un poil artificielles et de très rares effets spéciaux en images de synthèse, connait quelques passages plus doux, voir parfois même des débuts de banding dans certains arrières plans. Des détails pour des copies idéles avec le plus généralement une définition solide, un piqué bien dessiné et des couleurs chaudes et contrastées.
Son
Les deux films sont accompagnés de pistes DTS HD Master Audio 2.0 idéales pour les installations les plus modestes, avec un rendu frontal mais déjà assez dynamique. Bien entendu les deux DTS HD Master Audio 5.1 mettent bien mieux en valeur l’énergie des mixages mandarins avec une nervosité bien plus développée et une spatialisation assez enveloppante. C’est ici l’action qui est le plus généreusement mis en avant.
Interactivité
Spectrum Films propose directement les deux épisodes dans la même édition. Un fourreau cartonné, un boitier scanavo avec jaquette réversible et deux disques Bluray qui chacun comportent une incontournable introduction signée Arnaud Lanuque. Il y revient sur le marché du DTV et des productions pour plateforme de streaming en Chine et de la réussite particulière de ces deux longs métrages. Il y est aussi question des principales inspirations, des chorégraphies, des trajectoires du réalisateur et de l’acteur principal.
Eye for an Eye 2 lui profite d’une étude de séquence d’action par Alex Rallo, qui décortique le rythme, les mouvements de caméra et les effets de montage pour souligner le contraste entre cette grammaire contemporaine et la vision plus fluide des années 80/90.
Enfin chacun des deux films est accompagné d’un commentaire audio enregistré par deux spécialistes américains du cinéma d’arts martiaux. Sous-titrés en français, ces pistes ont un petit coté « conversation entre potes cinéphiles » avec de nombreuses mises en perspectives des évolutions du genre wuxia.
Liste des bonus
Présentations de Arnaud Lanuque, Commentaires audio de Frankie Diaz et Peter Glagowski, Analyse de séquence par Alex Rallo et bande-annonces.