Méconnu par chez nous comme la plupart des cinéastes taiwanais de sa génération en dehors de l’illustre King Hu, Lee Hsing est cependant encore et toujours considéré comme l’un des plus grandes cinéastes de l’archipel. Il est d’ailleurs aussi l’un des auteurs les plus populaires des années 60/70 rencontrant un large enthousiasme autour de ses grands mélodrames, souvent romantiques, venant célébrer comme il se doit l’horizon lumineux qui se profile pour cette République de Chine alors marqué par une dictature droitière s’efforçant de s’imposer face au voisin et ennemi communiste. Ses films, comme beaucoup d’autres alors, rejoignent l’appellation du « réalisme sain » explorant la modernité de la société taiwanaise mais uniquement en montrant ses aspects les plus positifs, patriotiques et plein d’espoir. Surtout spécialisé dans les chroniques contemporaines donc, Lee Hsing surprend en 1972 avec Exécution en automne, grand film historique en costume, qui se déroule ouvertement sur les terres chinoises continentales et vient conter la dernière année de vie d’un repris de justice avant son exécution. Après s’être efforcé par tous les moyens de le faire sortir, sa grand-mère se rabat sur son devoir de fournir à la famille un héritier et le pousse à marier la jolie et délicate Lien Erh avec qui il a pourtant grandi. Des retrouvailles sentimentales qui vont bien entendu porter leurs fruits, admirablement illustrées par les interprétations sensibles du fiévreux Ou Wei et de la sublime Tang Bao-Yun alors véritable icône du cinéma local. 

Au nom du père

Mais sous cette relation doucereuse forcément hantée par l’inéluctabilité de la condamnation se joue surtout pour Lee Hsing une mise en valeur constante et presque aveugle des grandes valeurs confucéennes. Le respect de la famille et le devoir que le chinois doit avoir envers elle quitte à sacrifier son avenir et son corps, mais aussi une certaine forme d’abnégation, d’acception totale de l’autorité et de son destin. De personnage colérique, débraillé, éructant et suant à grosses gouttes, Wei Pang va peu à peu s’imprégner de l’honorable tradition, effectivement transfiguré par sa relation avec sa douce épouse, mais aussi éduqué par un geôlier bienveillant et paternaliste qui le fait souffrir pour son propre bien. Un message particulièrement étonnant en 1972 alors que l’atmosphère est à la rébellion, aux mouvements étudiants, à la remise en cause de la société imposée par les générations précédentes, et qui fait véritablement d’Exécution en automne une œuvre profondément réactionnaire et étriquée. Gênant pour le moins, voir même assez hallucinant dans l’abnégation et l’effacement total des personnages, mais qui n’enlève en rien aux qualités cinématographiques pures du film. Travaillant une réalisation contemplative mais minutieuse, le réalisateur impose un immense sens du cadre accompagné de lents mouvements de travellings qui viennent constamment creuser une sensation d’enfermement faisant échos aux réflexion intérieur du protagoniste.  Profitant de sublimes décors entièrement reconstitués en studios dont quelques jardins recouverts d’une lourde neige, Exécution en automne impose une photographie impériale et éloquente, versant presque noble du cousin de la Shaw Brother. Une beauté plastique qui fait plus de bien à l’âme que le discours du film.