ET SABATA LES TUA TOUS
Un par de asesinos – Italie, Espagne – 1970
Support : Bluray
Réalisateur : Rafael Romero Marchent
Acteurs : Gianni Garko, Guglielmo Spoletini, Maria Silva, Andrès Mejuto, Raf Baldassare, Charly Bravo…
Musique : Marcello Giombini
Durée : 85 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 mono Français, Anglais & Italien
Sous-titres : Français
Editeur : Éléphant Films
Date de sortie : 5 novembre 2024
LE PITCH
Après avoir échappé de justesse aux forces de l’ordre, Sabata et son associé Marcos se lancent à la recherche du magot que leur ont volé les frères Burton après un braquage de banque. Maria, une prostituée, se joint au duo…
Viva Espana !
Exemple finalement assez rare d’un cinéaste espagnol ayant évolué main dans la main avec le cinéma populaire italien, Rafael Romero Marchent signe avec Et Sabata les tua tous (titre français quelque peu trompeur) un western spaghetti de seconde division plaisant mais vain et qui annonce le tournant semi-parodique de la série des Trinita réalisée par Enzo Barboni, avec Terence Hill et Bud Spencer.
Terrain de jeu idéal du western italien, privé par la force des choses des infrastructures hollywoodiennes et de ses décors historiques, l’Espagne est parvenue à imposer dans l’imaginaire collectif ses paysages arides et hostiles. Cette rencontre artistique et économique entre l’Italie et l’Espagne a par conséquent donné lieu à un échange significatif entre cinéastes transalpins et techniciens et acteurs hispaniques. Il n’est donc pas surprenant que des réalisateurs locaux se soit à leur tour lancés dans l’aventure du western spaghetti, y apportant leur vision et leur savoir-faire. Rafael Romero Marchent fut de ceux-là. Issu d’une grande famille artistique (son père est écrivain, son frère est scénariste et réalisateur, un autre est acteur et réalisateur et sa sœur est monteuse), ce natif de Madrid résiste un temps à l’appel du 7ème Art en poursuivant des études en médecine avant de rejoindre pour de bon le milieu des « saltimbanques ». Avec une prédilection certaine pour le western, un genre où il se fait les dents dès 1965 avec Dans les mains du Pistolero, alors que les films de Sergio Leone cartonnent au box-office international.
Artisan humble et compétent, Rafael Romero Marchent surfe sur la vague du western spaghetti, s’accommodant de petits budgets avec la seule ambition de satisfaire le public et ses créanciers, sans désirs profonds d’en révolutionner les fondamentaux. La preuve, une fois encore, avec Et Sabata les tua tous, l’intrigue reposant sur la quête d’un gros pactole, menée par un duo de flingueurs sans scrupules, une recette qui a fait ses preuves depuis Le Bon, la Brute et le Truand. Soit l’association toute en ironie et coups bas d’un pro de la gâchette qui pourrait être le fils caché de Clint Eastwood et de Franco Nero (Gianni Garko) et d’un péon qui emprunte sa verve populaire à Tomas Milian, Tony Musante et Eli Wallach (Guglielmo Spoletini).
What’s my name ?
Passée une entrée en matière un peu cheap mais amusante où les deux compères sont assiégés dans une vieille bicoque par un chasseur de prime et ses hommes, tapant le carton pendant que les balles leur volent au-dessus de la tête, la dynamique du film oscille entre l’intrusion d’une femme forte et indépendante qui vient perturber les objectifs du duo Santana (et non pas Sabata, roublardise commerciale de la VF) / Carlos et la fuite meurtrière des frères Burton, les psychopathes en possession du fameux grisbi. Malgré une poignée de scènes intéressantes (un face à face tendu dans une auberge qui aura forcément inspiré le Quentin Tarantino des 8 Salopards, la traversée d’un désert en chariot et un moment d’allégresse, libertaire et anarchique, où le désormais trio se réjouit de sa bonne fortune), Et Sabata les tua tous hésite constamment entre l’humour, l’action et un ton plus sombre, sans parvenir à marier les trois au fil d’un scénario routinier et prévisible.
La mise en image de Rafael Romero Marchent n’arrange rien à l’affaire et se contente de faire le taf. C’est propre mais sans inspiration particulière, avec une musique qui pioche sans scrupule chez Ennio Morricone et Luis Bacalov, une photographie solaire et poussiéreuse qui remplit le scope convenablement, quelques gueules patibulaires et moult zoom arrière et avant pour donner un semblant d’énergie aux scènes de fusillade. N’ayant bien évidemment rien à voir avec la trilogie des Sabata de Gianfranco Parolini mais s’inscrivant au contraire dans la sous-catégorie des Santana et autres Sartana, Et Sabata les tua tous n’a de remarquable que son glissement progressif vers le buddy-movie à la Terrence Hill et Bud Spencer, avec deux héros que tout oppose et quasiment invincibles, le spectacle résidant davantage dans leurs prises de bec homériques que dans une vision au vitriol de l’Ouest américain. Pour cette fois-ci, il faudra s’en contenter.
Image
Passager clandestin d’une poignée de « séries » de westerns spaghetti (les Sabata, les Santana, les Sartana), le film de Rafael Romero Marchent n’a été proposé que dans peu d’éditions vidéo de par le monde et n’avait pas su trouvé sa place dans le fabuleux coffret Sartana paru en 2022 chez les anglais d’Arrow. Eléphant Films n’est donc pas loin de l’exclusivité mondiale et nous sert un master solide, à la définition louable (respect du grain, compression ad hoc, toussa) et à la colorimétrie plus que généreuse, surtout lors des scènes en intérieurs avec un rendu surprenant des différents costumes. Une restauration à minima tout à fait convaincante.
Son
Bel effort, Eléphant a inclus les doublages français, anglais et italien pour une restitution sonore à peu près équivalente quel que soit le mixage. S’il ne fallait en retenir qu’un seul, le doublage français supplante ses petits camarades d’une courte tête, avec un choix des voix plus adéquats. Dans chaque cas, en revanche, du souffle et des craquements persistent, avec plus ou moins de discrétion.
Interactivité
Et Sabata les tua tous vient se nicher au sein d’une collection dédiée au western spaghetti, à la sauce Elephant Films. Comme ce fut les cas avec les poliziottesco édités il y a quelques mois, chaque film est donc proposé dans un futurepack (un steelbook, quoi) au design original à défaut d’être esthétiquement agréable, avec un livret d’expert et un DVD pour les collectionneurs qui restent attachés à ces belles petites galettes. Un traitement somme tout luxueux pour des films qui n’en demandaient sûrement pas tant. Co-auteur d’un très bon essai consacré à Mario Bava et grand consommateur de péloches transalpines devant l’éternel, Romain Vandestichele creuse la maigre matière du film de Romero Marchent avec un enthousiasme admirable, analysant la place de ce western dans les modes de l’époque, sa production, ses thématiques et la musique composée par Marcello Giombini. Pas si mal.
Liste des bonus
Le film par Romain Vandestichele (25’), Bande-annonce d’époque.