ET AVEC LES OREILLES, QU’EST-CE QUE VOUS FAITES ?
France – 1974
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Eddy Matalon
Acteurs : Jean-Gabriel Nordmann, Didier Sauvegrain, Nathalie Zeiler, Nanette Corey, Louis Navarre, Chantal Aba, …
Musique : Richard Alexandre
Durée : 87 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français & Anglais
Editeur : Le Chat Qui Fume
Date de sortie : 26 août 2021
LE PITCH
Deux amis, Arthur et Jérôme, souhaitent réaliser un film. Après bien des hésitations, ils renoncent à leurs aspirations premières et optent pour un thème dans l’air du temps : l’érotisme ! Bénéficiant d’une coquette somme d’argent, il ne leur reste plus qu’à trouver le casting idéal. Mais le tandem est loin d’imaginer que ce projet un peu fou va complètement modifier leur existence, …
La puce à l’oreille
Comédie coquine moins potache que son titre ne le laisse suggérer, Et avec les oreilles qu’est-ce que vous faîtes ? est l’un des nombreux inédits du réalisateur Eddy Matalon restauré par Le Chat Qui Fume et proposé dans une édition à prix doux. Une jolie découverte.
Il suffit de jeter un rapide coup d’œil à la fiche wikipedia lapidaire et incomplète (le titre qui nous intéresse ici n’est même pas mentionné) d’Eddy Matalon pour s’apercevoir de l’oubli un tout petit peu méprisant dans lequel certains artisans français du cinéma populaire français des 70’s sont tombés. Que des éditeurs indépendants veille au grain pour réhabiliter des œuvres à même de satisfaire les nostalgiques et les cinéphiles curieux rassure. On ne remerciera donc jamais assez Le Chat Qui Fume pour son travail de mémoire, passionné et appliqué.
Un temps distribué sous le titre Arthur et Jérôme, du nom de ses deux protagonistes principaux, Et avec les oreilles qu’est-ce que vous faîtes ? raconte l’histoire de jeunes talents idéalistes engagés par un producteur roublard pour transformer un scénario sur Jeanne d’Arc en vaudeville cochon low cost. Exhibant les charmes de sa peu farouche secrétaire (qu’il verrait bien en tête d’affiche, coût de production oblige), le mogul de la fesse enferme les deux compères dans un bureau spartiate pour qu’il puisse réécrire en paix et dans des délais plus que serrés, embobine l’un de ses créanciers venu réclamer le paiement de ses dettes et séduit la tante très bourgeoise du plus timide de ses aspirants cinéastes pour s’assurer du précieux financement. Derrière les rires, la nudité et la bonne humeur générale, Matalon lève le voile sur les pratiques obscures et rocambolesques du cinéma d’exploitation d’alors. La création, l’angoisse de la page blanche, la révolution sexuelle et la perte de l’innocence sont les thèmes abordés. Avec fantaisie certes, mais dans un contexte qui sent le vécu.
On aura vraiment tout vu
Impossible, au fur et à mesure que l’histoire progresse, de ne pas penser à une certaine comédie de Georges Lautner qui sortira deux ans plus tard, en 1976 : On aura tout vu. Le réalisateur des Tontons Flingueurs y confrontait un Pierre Richard naïf et romantique à un pornocrate sans scrupules incarnés par Jean-Pierre Marielle et le scénario d’une bluette on ne peut plus chaste se voyait retitré sauvagement en « La Vaginale » ! Moins subtil mais plus vendeur. Ne disposant ni du casting talentueux, ni du budget confortable de Georges Lautner, Eddy Matalon fait preuve en revanche d’une inventivité constante et d’une audace bienveillante. La grande pièce blanche dans laquelle Jean-Gabriel Nordmann et Didier Sauvegrain inventent leur nouvelle histoire se transforme en terrain de jeu abstrait où l’imagination se matérialise en saynètes polissonnes où le rire fait jeu égal avec l’érotisme. Par ailleurs, le film oppose les clichés d’une sexualité décomplexée forcément de gauche à une pudibonderie castratrice forcément de droite tout en soulignant que l’indépendance des femmes est bien au-delà de cette guéguerre des sexes très politique. D’autres scènes étonnent encore, comme ce moment très « gaulois » où le producteur et un vieux machiniste mime une scène de sexe devant nos deux héros débutants. Jusqu’à un final salé-sucré où ces derniers se voient totalement dépossédés de leur « œuvre » pour finir devant la caméra comme de simples pantins.
Sans prétention mais avec un vrai savoir-faire, des actrices tout à fait sexy et un vrai propos qui se tient de bout en bout, Et avec les oreilles qu’est-ce que vous faîtes ? dépasse assez vite son statut de micro-budget à l’interprétation maladroite pour s’imposer comme une preuve supplémentaire du charme discret du bis à la française.
Image
Ce master issu d’une restauration en 4k à partir du négatif original est une véritable exclusivité mondiale, une de plus pour les aventuriers de la pellicule du Chat Qui Fume. Avec son rendu au naturel respectueux du grain et des couleurs d’époque et sa propreté à rendre jaloux les studios d’authoring les plus cotés, l’image de ce tout petit film tourné avec le budget saucisson d’une comédie de Frank Dubosc est au-dessus du moindre reproche.
Son
Un très léger souffle, à peine perceptible, fait office d’ombre au tableau pour un mixage mono très clair et vivant. Post-synchronisation d’époque oblige, les dialogues prennent évidemment le pas sur les ambiances et la musique.
Interactivité
On aimerait voir autant d’éditions à petit prix proposer la même interactivité que celle qui nous est ici proposée. Nichée dans un boîtier amaray sobre mais élégant, la précieuse galette propose d’ouvrir les hostilités par une présentation du long-métrage aussi fraîche qu’érudite assurée par la comédienne et metteur en scène Jessica Jhean. Sitôt le film visionné, il est impératif de se jeter sur l’entretien avec Eddy Matalon lui-même, compilation de souvenirs précieux racontés avec une bonne humeur forcément attachante.
Liste des bonus
Présentation du film par Jessica Jhean (4’), Une vie de cinéma (41’), une nouvelle interview avec Eddy Matalon, Bandes annonces.