EOLOMEA
Allemagne, Bulgarie, URSS – 1972
Support : Bluray & DVD
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Herrmann Zschoche
Acteurs : Cox Habbema, Ivan Andonov, Rolf Hoppe, Vsevolod Sanaev, Petar Slabakov, Wolfgang Greese…
Musique : Günther Fischer
Image : 2.35 16/9
Son : Allemand LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 82 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 3 décembre 2024
LE PITCH
Dans un futur proche, les hommes ont colonisé la Lune et d’autres étoiles. La station Margot est le centre de relais le plus important de ces colonies. Un jour, huit astronefs partis en exploration disparaissent, et la liaison avec la station est rompue. Après avoir reçu un message codé déclarant « Eolomea », le professeur Maria Scholl, représentant le Conseil Suprême, ordonne un couvre-feu pour tous les vaisseaux, et se rend elle-même sur Margot pour découvrir ce qui se passe.
Tournés vers les étoiles
Comme les grands divertissements de science-fiction américains durant les années 60/70, l’équivalent venu du froid servait surtout à transmettre allégrement le message d’une réussite future et la gloire d’une idéologie naturellement victorieuse. Inédit en France, Eolomea semble pourtant, sous ses dehors de grosse machinerie au service du diktat, disséminer quelques idées d’évasions insubordonnées.
La conquête de l’espace s’est aussi jouée du coté de l’appareil de propagande et USA et URSS n’ont jamais hésité à produire quelques blockbusters maisons célébrant l’avenir rutilant et glorieux de leurs modèles de pensée. Pour le bloc de l’Est, la cible à atteindre était bien entendu l’excellence du magistral 2001 L’Odyssée de l’espace de Stanley Kubrick, apportant un sérieux et une crédibilité visible totalement inédite. Peu étonnant dès lors de voir débouler en 1972 deux propositions aussi ambitieuses que le magnifique Solaris d’Andrei Tarkovsky et surtout la grande coproduction de nations communistes qu’est ce Eolomea, essentiellement porté par la fameuse DEFA d’Allemagne de l’est, mais aussi, entre autres, la Mosfilm, firme d’état soviétique. Un partenariat qui permet ainsi de profiter d’un tournage au format 70mm digne des plus grandes productions hollywoodiennes, et de l’intervention de Boris Travkine, véritable maitre des effets spéciaux dont on a pu apprécier le travail sur Le Géant de la steppe, Soy Cuba ou L’Arc-en-ciel lunaire. Ici, il déploie un réalisme impressionnant dans son utilisation de superbes maquettes de vaisseaux aux designs réalistes (du moins pour l’époque), dans sa figuration d’une gigantesque planète minérale et dans les nombreuses scènes dans l’espace, toujours très efficaces. Une gageure spectaculaire, pourtant au service d’un scénario original imaginé par le romancier Angel Wagenstein, qui se tourne plus volontiers vers les atermoiements de ses personnages.
Loin d’ici
Ainsi en suivant l’enquête de la responsable de la station « centre-terre » (interprétée par la très belle actrice hollandaise Cox Habbema) sur une série de disparitions de navettes inquiétante, on découvre un petit monde finalement extrêmement pragmatique. Les décisions sont empêtrées dans les discussions politiques et déontologiques, et surtout la bureaucratie règne en maitre et a transformé l’aventure spatiale en métier laborieux et répétitif. Ainsi, nos deux braves cosmonautes coincés sur une planète lointaine et attendant patiemment un nouvel ordre de mission, palabrent sans cesse devant leur tableau de bord, regrettant les belles années de la terre verdoyante et une liberté disparue depuis longtemps. Le réalisateur allemand Herrmann Zschoche, plus versé généralement dans les grands drames sentimentaux, s’attarde sur les histoires d’amours rompues, la mélancolie des uns et des autres, les grandes missions scientifiques d’autrefois abandonnées pour cause de sens pratique et de budgets resserrés, et semble effectivement beaucoup plus à l’aise quand il filme au ralenti les amants qui profitent du soleil de la côte bulgare (remplaçant les Galapagos) qu’un robot carré et brinquebalant, déjà bien kitch. On peut alors forcément regretter que ce Eolomea ne soit jamais une proposition vraiment excitante, ne s’emballe pour un sens de l’aventure plus prononcé et plus généralement pour une mise en scène plus inspirée.
Mais c’est ce contraste étonnant entre le cadre initial et son traitement, que nait un regard plutôt critique envers les générations précédentes, envers le système en place, et se concrétise par une célébration d’une jeunesse s’évadant finalement enfin vers un horizon lointain, cette fameuse planète mythique Eolomea, censée être la sœur lointaine de la terre, lieu de promesses et de libertés nouvelles. Un message quasi hippie, presque rebelle, qui a étonnement passé le mur de la censure et qui donne à ce curieux Space Opera très terre-à-terre un petit charme indéniable.
Image
Eolomea fait partie des rares productions est-allemandes à avoir pu profiter du format très large, et très couteux, 70mm. Cette restauration luxueuse, manifestement à partir d’un scan 4K à la source, en retrouve toute la richesse et la splendeur, assurant une netteté spectaculaire et une définition pointue. En dehors d’une légère griffure verte horizontale persistant sur une ou deux séquences, les cadres sont d’une grande propreté et développent des couleurs éclatantes et contrastées. Une grande réussite.
Son
Jamais distribué en France, Eolomea n’est donc disponible que dans sa version allemande sous-titrée. Rien à redire sur ce mono direct et carré, bien équilibré même si les musiques semblent légèrement en sous-régime.
Interactivité
Distribué en même temps que le combo de Dans la poussière des étoiles, celui du film en présence lui est identique avec digipack comprenant le Bluray et le DVD et un fourreau cartonné accueillant un nouveau livret signé Christian Lucas. C’est d’ailleurs plus ou moins la suite du précédant justement avec une nouvelle plongée dans les grandes heures de la Science-fiction à l’heure de la révolution Russe et de la Guerre froide avec des sujets sur le cinéaste Pavel Klushantsev, les premiers Space Opera dits « rouges », les essais plus philosophiques et les grands spectacles pour enfants. Une sorte de catalogue non exhaustif mais déjà bien riche en références avec à chaque fois naturellement une présentation assez complète du film.
Et c’est naturellement une nouvelle fois le même Christian Lucas que l’on retrouve pour la présentation vidéo disposée sur les disques. L’occasion pour ce spécialiste du cinéma européen de délivrer de nombreuses informations sur le cadre de la DEFA, le contexte politique de l’époque et les carrières respectives du réalisateur ou du casting international (mais de l’Est). Toujours aussi informatif.
Liste des bonus
Le livret « Étoiles rouges et rideau de fer » de Christian Lucas (64 pages), Présentation du film par Christian Lucas (20’), Galerie d’affiches et de photos (2’).