ENTRETIEN AVEC STÉPHANE CHEVALIER, CRÉATEUR DE BUBBEL POP
Nostalgie, quand tu nous tiens…
Qui a dit que le support physique était mort ? Après avoir pu rencontrer Alex de Roboto Films il y a de cela quelques mois, c’est aujourd’hui Stéphane Chevalier que nous avons le plaisir d’accueillir. Avec sa femme Rania ils ont la bonne idée de créer Bubble Pop. Une nouvelle société d’édition qui veut explorer, pour notre plus grand plaisir, le cinéma américain tendance années 80. En attendant Recherche Susan désespérément, vous pouvez déjà découvrir leur magnifique édition de Stay Hungry avec l’ami Schwarzy dans l’un de ses premiers rôles. Une interview qui se transforme vite en conversation de passionnés, un échange communicatif que l’on est ravi de vous partager.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?
Au départ, je suis Marketeur dans l’audiovisuel. A l’époque de Wild Side, j’ai pu rentrer en contact avec Emmanuel Chiche qui marqua le début d’une belle collaboration. Avec lui, j’ai pu me rendre au festival de Gérardmer rencontrer Nicolas Winding Refn afin d’enregistrer les bonus pour la future édition de son film Valhalla Rising. L’occasion également de rencontrer Jaume Balaguero et Paco Plaza présents pour la projection de leur premier Rec.
Dans la foulée, j’ai également eu l’occasion de faire un séjour à Rome en 2009 pour voir des personnalités comme Sergio Corbucci et Sergio Solima, une aubaine pour moi, car je suis un grand fan de westerns spaghetti. Ce voyage m’a permis de vendre des bonus a différents éditeurs.
Une chose en amenant une autre, j’ai eu la chance de rencontrer Jean-Pierre Vasseur de Rimini Films avec qui je collabore encore aujourd’hui. J’ai pu travailler sur les livres et bonus des éditions de Khartoum, les 55 jours de Pékin, du Cid ou encore du Lion et le vent. Ce dernier est un moment privilégié car nous avons pu avoir une préface de dernière minute de John Millius alors très malade. Une expérience magnifique qui s’est renouvelée sur l’édition de Dillinger !
Pourquoi se lancer à votre tour dans l’édition ?
On ne trouve pas tout sur les plateformes, on doit creuser un peu partout pour trouver un film ou alors, passer par la location pour pouvoir le visionner en streaming. Le film ne nous appartient pas pour toujours. Alors forcément, l’envie de créer son propre catalogue est tentante. Ce que l’on fait pour les autres, autant le faire pour nous. Et comme il ne faut pas vivre avec des regrets, avec ma femme Rania on a sauté le pas. Heureusement, Jean-Pierre Vasseur nous a bien accompagné pour prendre notre envol et nous collaborons avec une équipe de prestataires fidèles avec qui nous avons l’habitude de collaborer.
Le nom de Bubble’pop sent bon la nostalgie, quel est l’objectif de votre ligne éditoriale ?
Effectivement, on voulait une consonance très années 80, époque nostalgique en termes de films et de musique. On veut se concentrer sur le cinéma américain qui irait de la fin des années 70 au début des années 2000. Le but est de sortir des films qui n’existent pas en support HD avec ce désir de partager aux collectionneurs comme aux consommateurs que nous sommes.
Comment vous débrouillez-vous pour obtenir les droits des films ?
Dans le cas présent, nous avons pu avoir accès au catalogue de la MGM dans lequel nous avons pioché ce qui nous semblait jouable. Il n’y a rien de stratégique, on fonctionne au coup de cœur. Et puis on tombe sur Stay Hungry, Recherche Susan désespérément…
C’est la MGM qui vous fournit les masters ?
Oui, ils précisent si le film est en HD ou pas. De là, on achète sans avoir la possibilité de voir le master. Ça peut être stressant. Ils nous le fournissent avec tout le matos qu’ils ont, affiches, photos… Pour Recherche Susan Désespérément, nous avons eu 200 photos contre à peine une vingtaine pour Stay Hungry. Ici, le master a bien été nettoyé tout en conservant le grain de l’époque. Il y a bien quelques points blancs résiduels ; mais si on veut le retravailler, c’est à notre charge. Là, c’est une question de choix et de budget. Étant donné que ce ne serait pas déterminant, on préfère se concentrer sur le produit même.
MGM vous laisse les mains libres pour la conception de votre édition ?
Le studio contrôle tout ! De la taille des noms sur l’affiche aux visuels.
Pour les bonus, c’est différent, on a plus de latitude à condition de préciser que les propos dits dans les bonus n’engagent que l’éditeur. A nous de ne pas faire de polémique. Par exemple, la MGM a retiré le nom de Bob Rafelson à cause de comportement « inapproprié » ; c’est bien entendu un élément que nous allons éviter d’aborder dans les bonus, même si Joanna Cassidy y fait allusion dans son interview.
Comment élaborez-vous le contenu de vos éditions ?
On le veut le plus complet possible. Nous avons eu le plaisir d’avoir Samuel Blumenfeld pour nous parler d’Arnold, Jean-Baptiste Thoret pour nous évoquer le Nouvel Hollywood et la chance d’avoir Joanna Cassidy (que nous avons pu rencontrer à Los Angeles). Bien sûr, l’écriture est aussi dans l’ADN de Bubble Pop, c’est pour cela que nous avons inclus un beau livre de 100 pages écrit par Christophe Chavdia pour compléter notre Mediabook.
Mis à part Joanna Cassidy, vous-avez réussi à entrer en contact avec l’équipe du film ?
On aurait bien voulu ! Nous n’avons pas eu, comme on pouvait s’y attendre, de réponse de Schwarzenegger. Il a plusieurs agents qui font barrage pour lui.
Idem pour Sally Fields qui n’a pas donné suite. Dommage. Pour Jeff Bridges, c’est diffèrent. A cause de ses problèmes de santé, son agent nous a répondu que ce ne serait pas possible.
Comment se fait le choix des titres ? De sortir Stay hungry en premier ?
Comme c’est notre premier titre, Stay Hungry nous semblait le plus approprié pour « sentir » le marché. Avoir Arnold Schwarzenegger, Sally Fields, Jeff Bridges et Robert Englund ensemble est plutôt pas mal et puis, mis à part Terminator 2, il n’y a pas de belles éditions consacrées à Schwarzy.
Pour Recherche Susan désespérément, il y a un gros travail éditorial, on veut faire une édition qui fera plaisir aux fans de Madonna. Et comme Rania est une fan et spécialiste de la chanteuse, elle veut la meilleure édition possible.
Vous comptez éditer à combien d’exemplaires ?
Nous avons prévu de sortir Stay hungry à 1500 exemplaires et 2000 pour Recherche Susan désespérément
Vous n’avez pas peur que le prix soit un frein pour le grand public ? Comptez-vous sortir les titres en gamme « budget » par la suite ?
Pour Susan, le coffret comportera plusieurs goodies, comme des cartes, posters et même des badges ! Ajoutez à cela, l’augmentation du prix du papier pour le livre inclus dans le coffret. Sans oublier le coût de l’assemblage pour créer le mediabook. La note de production devient vite salée.
Une fois les stocks épuisés, à la demande du CNC, nous pourrions sortir une édition toute simple à plus petit prix. Ce n’est pas impossible.
Quid de la distribution en ligne, en magasin ?
Petit à petit, notre réseau de distribution augmente. Nous serons à la Fnac, sur Amazon et bien sûr chez des indépendants comme Metaluna, Ombre blanche, la Cinémathèque, la librairie de Lyon et prochainement à la boutique Potemkine.
Et pour la distribution ?
Nous gérons tout tous seuls. Financièrement, les coûts de production sont à notre charge, nous allons sortir quatre films par an et nous ne pouvons pas encore nous permettre d’être distribué. Ça voudrait dire grignoter sur notre marge que nous ne pourrions pas réinvestir dans nos futures éditions. Nous ne sommes que deux à gérer Bubble Pop et nous allons à notre rythme.
Vous pouvez nous en dire plus sur l’avenir de votre line-up ?
Notre prochain film sera pour début 2025 avec la sortie en 4K de Requiem for a dream. Darren Aronofsky nous a fait l’honneur d’interviews pour l’occasion. Nous continuerons également avec Madonna en sortant son documentaire In bed with Madonna que Rania s’est empressé d’acquérir et qui fera un grand plaisir aux fans vu ce que nous leur concoctons. Nous voulons tenter aussi City Slickers (la vie, l’amour, les vaches), et pour finir, un petit plaisir perso, avec du western spaghetti : El Magnifico. D’autres choses se profilent à l’horizon, mais nous gardons encore le secret.
Un grand merci Stéphane et Rania pour ces moments, un vrai bonheur d’avoir pu échanger ensemble !
Voilà de belles éditions qui vont ravir les cinéphiles en tous genres que nous sommes. Et comme on le dit toujours : Longue vie au support physique !!!