Plus que jamais inspiré par l’esprit Pixar, Disney Studio Animation s’éloigne clairement et nettement des contes anciens et des jolies princesses avec Encanto, chronique joyeuse et décalée d’une grande famille colombienne : les Madrigal. Régie par la matriarche, enfants et petits enfants partagent leur vie dans la superbe Casita, demeure gigantesque et colorée où tout semble tourner comme sur des roulettes dans un bonheur partagé. Mais bien entendu, comme dans toutes les familles, il y a ces rôles imposés (la forte, la jolie, la maternelle…), choisis par les autres presque à la naissance, dans lesquels les membres peuvent se sentir enfermés. Ainsi qu’un devoir de transmissions des traditions qui peut être pesant… Et naturellement les inévitables brebis galeuses, rejetées ou tolérées pour leurs petites excentricités et leur incapacité à s’inscrire docilement dans le moule. Si le film déborde ouvertement de nombreuses inspirations à la culture latino, et plus particulièrement aux échos et accents colombiens, c’est peut-être dans ce noyau de l’histoire qu’elle rappelle le plus brillamment ses aspirations. Cette sacro-sainte famille de telanovela, bigarrée, bruyante, excessive, chaleureuse et aimante, mais tout autant écrasante et étouffante.

Ahah Familles nombreuseuh, famille heureuseuh

Encanto est alors certainement moins un divertissement calibré pour les plus jeunes, qu’une comédie dramatique touchante et assez juste qui raconte comment la mignonne Mirabel, va peu à peu réussir à trouver sa place dans le tableau tout en sauvant l’équilibre même de sa famille. Déjà aux commandes du très réussi Zootopie, Jared Bush et Byron Howard (assistés de leur co-scénariste Charise Castro Smith) réussissent une nouvelle fois à aborder des thèmes et des réflexions si ce n’est matures mais en tout cas complexes, au sein du cadre du long métrage d’animation Disney. Car bien entendu tout cela est profondément marié avec un divertissement rythmé, un déferlement de morceaux musicaux aux tempo diaboliques signés par le Lin Manuel Miranda de Vivo et tick,tick…Boom ! Les couleurs chaudes de l’Amérique du sud, les paysages verdoyants, les chansons (dont le fameux « Ne parlons pas de Bruno » déjà gravé dans la mémoire des parents) teintées de sonorités locales, l’humour parfaitement rodé, tout cela est une nouvelle fois servie avec une animation et une rigueur technique qu’il ne devrait même plus être nécessaire de rappeler. Mais cette symbiose entre l’esthétique générale, la mélodie omniprésente et la réunion généalogique qui habite le film trouve aussi un superbe écho dans sa mythologie originale, car fantastique il y a. Celui du fameux réalisme magique où la nature des personnages et leur place dans l’organigramme de la maison est illustré par des pouvoirs (ou pas), où la demeure elle-même est vivante et contient des chambres comme des micros-univers et où tout a commencé la nuit d’une tragédie et l’illumination d’une bougie ensorcelée. Quand Disney retrouve son sens de la poésie tout en s’inscrivant dans une farouche modernité, il y a de quoi être enchanté.