EMBUSCADE
Al Kameen الكمين – Émirats Arabes Unis – 2021
Support : Bluray
Genre : Guerre
Réalisateur : Pierre Morel
Acteurs : Marwan Abdulla Saleh, Khalifa Al Jasseem, Mohammed Ahmed, Mansoor Alfeeli, Khalifa Albahri, Ibrahim Almusharaakh, …
Musique : Harry Gregson-Williams
Durée : 111 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Arabe et Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Metropolitan
Date de sortie : 11 août 2022
LE PITCH
En 2018, dans un Yemen déchiré par une violente guerre civile, une patrouille de soldats des Emirats Arabes Unis est prise en embuscade dans un canyon par les rebelles Houthis. Une mission de sauvetage est immédiatement mise en place …
Du pétrole et des idées
Suivant l’exemple récent de la Chine et de la Russie, les Émirats Arabes Unies cassent la tirelire pour produire un blockbuster de propagande transformant ses soldats en héros de la paix dans le conflit qui ensanglante le Yémen depuis 2015. Sauf qu’au lieu d’embaucher un cinéaste du cru, les nababs d’Abu Dhabi sont aller frapper à la porte de Pierre Morel, ancien poulain de Luc Besson et technicien compétent. Reconverti en mercenaire servile, le réalisateur de Taken sauve les meubles comme il peut avec ce croisement politiquement correct entre La chute du Faucon Noir et Du sang et des larmes.
En une poignée de cartons titres explicatifs concoctés par des experts en novlangue, Embuscade évacue d’emblée les aspects les plus gênants de l’engagement des forces émiratis au côté de l’Arabie Saoudite dans la guerre civile au Yémen. D’ailleurs, l’Arabie Saoudite n’est même pas citée. Pas plus que la dimension religieuse d’un bourbier où s’opposent chiites et sunnites, l’emploi de mercenaires ou des frappes aériennes dont les civils ont toujours été les premiers à en faire les frais. À vrai dire, le spectateur ignorant des faits et de l’histoire de ce point chaud du Moyen-Orient pourrait presque se persuader que les soldats des Emirats Arabes Unis agissent sur place comme des ersatz des casques bleus de l’ONU, maintenant la paix en luttant contre les méchants rebelles Houthis de l’extrême nord du pays et en acheminant de l’aide humanitaire. Plus qu’une simplification, un mensonge destiné à redorer le blason de ce puissant membre de l’OPEP, tant aux yeux de sa population que du reste du monde. Mais la propagande ne s’arrête pas là. Situant ses scènes d’introduction dans une base de l’armée des Emirats, Embuscade nous présente ses protagonistes (tous plus superficiels les uns que les autres) en pleine séance de muscu, où l’on discute football, fitness, torchons et serviettes. Les soldats sont beaux et musclés, respectueux de la hiérarchie, humanistes et courageux, de bons pères de famille. L’un d’eux sculpte un petit cheval de bois pour sa fille et s’inquiète de la santé de sa femme et un autre répare un ballon de foot pour l’offrir aux enfants d’un humble berger des montagnes. Élégamment voilées, les femmes s’occupent des communications au poste de commandement, font les courses dans de beaux magasins en toute autonomie et pilotent même un hélicoptère de combat Apache. Faut bien montrer au spectateur un peu de progressisme ! Quant aux rebelles, dirigés par un sosie barbu du méchant terroriste du premier Iron Man, ils sont fourbes, innombrables (le bodycount est hallucinant !) et rendent les armes lorsque leur plan tombe à l’eau et que les F16 débarquent à l’horizon.
Au service de l’Emir
On pourrait se demander pourquoi Pierre Morel s’est engagé dans un projet aussi douteux mais la réponse est en réalité assez simple. Ayant fait de jolis scores au box-office avec District 13, Taken et From Paris With Love, le français se voyait déjà au sommet d’Hollywood mais a très vite déchanté. Sa tentative de monter une adaptation de Dune de Frank Herbert avec la Paramount au début des années 2010 s’est cassée la gueule en quelques mois et ni The Gunman avec Sean Penn, ni Peppermint avec Jennifer Garner ne lui ont permis de se montrer aussi bankable que son compatriote Louis Letterier. Efficace et habile avec une caméra, Pierre Morel n’est pourtant pas aussi versatile que le réalisateur de Danny the Dog et de L’Incroyable Hulk et son recours systématique aux pires clichés (y compris raciaux) sont loin d’en faire un cinéaste indispensable. Au creux de la vague, il ne pouvait que répondre favorablement à la requête des émirs, lesquels lui ont donc offert un blockbuster clé en main avec tout un tas de joujoux hors de prix.
Devenu en toute logique le plus gros succès du cinéma local, Embuscade est une drôle de commande que Pierre Morel honore avec tout le zêle attendu. Près de 90 minutes de pyrotechnie guerrière ininterrompue et luxueuse avec explosions au ralenti, sniper increvable, mitrailleuses lourdes en action et attaques aéroportées cadrées dans toute leur splendeur. Les amateurs de films de guerre bruyants et linéaires seront donc aux anges. La psychologie et la tactique sont aux fraises mais Embuscade s’acharne à nous en mettre plein les mirettes sans se poser de questions. Morel s’amuse à singer Ridley Scott, Peter Berg, Kathryn Bigelow et Michael Bay avec un enthousiasme de premier de la classe et parvient même à susciter un semblant de sympathie pour un duo d’infirmiers piégés dans un blindé qui s’est retourné avec fracas après avoir roulé sur une mine XXL.
Inutile, pour autant, d’espérer davantage d’un produit somme tout répétitif, assez con et carrément puant eu égard au calvaire qu’endurent les yéménites depuis plus de sept ans d’une énième guerre civile meurtrière.
Image
Précision chirurgicale de la définition, rendu admirable de la lumière aveuglante du Moyen-Orient, compression en béton armé résistant aux nuages de poussière soulevés par les combats : y a pas à dire, la copie frôle perfection et repousse les limites du support haute-définition et confirme une nouvelle fois le sérieux absolu de l’éditeur.
Son
Doublée sans conviction, la version française est tout à fait dispensable, même si elle bénéficie de la même puissance de feu acoustique que la version originale. L’action ne faiblit jamais mais le mixage évite tous les pièges d’un délire assourdissant en inondant chaque canaux de milliers de détails, de la chute d’une pierre, au vrombissement lointain d’un moteur.
Interactivité
Une poignée de bandes annonces et pas l’ombre d’une interview ou d’un making-of. En même temps, si ça nous permet d’éviter la langue de bois et une deuxième couche de propagande, on ne va pas trop s’en plaindre.
Liste des bonus
Bandes-annonces.