ELECTRIC DRAGON 80 000 V & CRAZY THUNDER ROAD
エレクトリック·ドラゴン 80000V, 狂い咲きサンダーロード – Japon – 2001, 1980
Support : Bluray
Genre : Action, Drame, Science-Fiction
Réalisateur : Sogo Ishii
Acteurs : Tadanobu Asano, Yoshiki Arizono, Masakatsu Funaki, Tatsuo Yamada, Masamitsu Ohike
Musique : Hiroyuki Onogawa, Shigeru Izumiya
Image : 1.85 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 55 et 97 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 15 juin 2023
LE PITCH
Electric Dragon 80 000 V : Dragon Eye Morrison est foudroyé par un arc électrique en gravissant un pylône à haute-tension. Après avoir survécu aux 80000 volts ayant parcouru son corps, il devient un foyer d’électricité vivant. Adulte il réussit à contrôler l’énergie de son corps qu’il doit évacuer dans des sessions de guitare furibardes.
Crazy Thunder Road : Après la défaite de son gang, le chef des anarchistes, qui a perdu une main au passage, coupe tous les ponts. Mais lorsque ses anciens amis deviennent membres d’un parti d’ultra extrême droite qui cherche à rétablir ordre et autorité au Japon, il se rebelle et prend les armes…
Franchir le mur du son
Premier volume consacré à la filmographie de Sogo Ishii (Le Labyrinthe des rêves, Gojoe le pont vers l’enfer) par Spectrum Films. Un double programme avec deux œuvres punks et furieuses séparées par une vingtaine d’années bien remplies : Crazy Thunder Road reflets de débuts déjà bien inspirés et Electric Dragon 80 000 V marquant justement à un retour tonitruant à l’adrénaline qui a fait sa renommée.
Comme beaucoup de réalisateurs et auteurs (Tsukamoto quelques années plus tard) de la scène underground japonaise, Sogo Ishii aura fait ses premières marques dans le monde florissant du Jishu Eiga, cinéma semi-amateur japonais qui garde cependant une véritable visibilité, des circuits de diffusions et une certaine renommée. Ishii n’hésite d’ailleurs pas à y retourner pour retrouver son indépendance après une expérience particulièrement difficile avec la nikkatsu qui l’aura plus ou moins fait évincer du tournage de Koko dai panikku, remake de son propre court-métrage. Son rejet de la société nippone, sa hargne et sa colère qu’il avoue lui-même ne pas savoir où la diriger, va venir ainsi nourrir sa première véritable réalisation personnelle de long métrage, évocation franche et directe de la petite vie des groupes de délinquants à moto dont il a plus ou moins fait partie. Encore frais et sans forcément l’expérience qui permet de maitriser l’ensemble de la structure, de la logique de son film, il l’aborde alors à 100 à l’heure, suivant la trajectoire de ses personnages de manière relativement libre, en laissant certains sur le côté, abordant quelques termes plus ouvertement politiques et presque documentaristes, pour les délaisser ou les étouffer par la suite. Un bosozoku (film de motards) mais sans l’aspect exploitation et commercial habituel, qui est plus à rapprocher dans son semi-réalisme et le rejet d’une nostalgie adolescente naïve, du Spetters de Paul Verhoeven, qui sortira justement la même année en Hollande. La même sensation de la fin d’une rébellion, légitime ou non, qui se fait ici aussi récupérer partiellement par une organisation d’extrême droite qui s’efforce de galvaniser leur colère et leur violence pour en faire des armes idéologiques. Une chronique amère, cruellement ironique en particulier lorsqu’elle illustre le chemin d’un de leur membre qui a choisi de se ranger, mais qui saisit aussi avec beaucoup de force l’énergie de cette culture de la rue. Déjà très marqué par les expérimentations musicale, Ishii se fait emporter par les échos punks de sa bande son électrisante et laisse son film s’engouffrer peu à peu dans le « no future » scandé par les lointains anglais, avec un grand final bourrin et terminal. Un détour par l’arrière cours du pays, décrit quasiment comme un décor apocalyptique et décadent où les gamins vendent leur dope entre deux shoots aux cotés des clodos, et ou les bandes s’étripent à coups de mitrailleuses, de grenades et même de bazooka dans un chaos généralisé et sans retour.
La liberté à tout prix, le rejet du drapeau salis par les générations précédentes, Crazy Thunder Road crache haut et fort.
Un gros coup de jus
20 ans plus tard, même s’il reste surtout un nom cité par les cinéphiles et les amateurs d’une culture en marge, Sogo Ishii a peu à peu transformé son cinéma, préservant ses accents libres et expérimentaux, mais vers des univers légèrement (légèrement) plus apaisés, étranges et poétiques. Tourné dans la foulée du film de sabre halluciné Gojoe le pont vers l’enfer, Electric Dragon 80 000 V est d’une certaine façon un retour volontaire a cet affranchissement des débuts. Tourné en moins d’une semaine avec quelques sous en poche pour le résultat très peu commercial d’un moyen métrage de 50 minutes, cette expérience cinématographique a effectivement quelque chose de particulièrement revigorant, de vif, d’énergique et surtout des airs de fantasmes d’adolescents. En l’occurrence le scénario n’importe que très peu puisqu’il repose tout simplement sur l’opposition de deux hommes capables de contrôler l’électricité, le fameux Dragon Eye Morrison (le copain Tadanobu Asano) et Thunderbolt Buddha (Masatoshi) schizophrène impassible au masque double. La tension monte entre les deux dans un Japon contemporains mais déjà futuriste capturé dans un noir et blanc métallique, jusqu’à une baston finale où les phylactères et les cadrages de manga explosent à l’écran. Un joyeux trip, toute en folie et en nervosité, jamais bien loin des pulsions premières du cinéma de Shinya Tsukamoto (les Tetsuo en particulier) qui fut entièrement imaginé à partir de l’album indus et écrasant de MACH-1.67, groupe de garage mené par le réalisateur en personne accompagné, parmi d’autres, de la star Asano justement et du compositeur Hiroyuki Onogawa. La force d’Electric Dragon 80 000 V repose ainsi effectivement beaucoup sur sa bande sonore et l’omniprésence d’une guitare électrique chauffée à blanc dont les crissements se mêlent constamment à celles d’éclairs et d’arc électriques qui percuteraient autant les personnages, que les éléments du décor, les cadres de l’images et les enceintes de la salle de cinéma.
Un film volontairement sans sous-texte, sans message incorporé, sans dénonciation ou célébration d’une culture, mais tout simplement une sortie de joute récréative décoiffante et particulièrement jouissive. Il faut que jeunesse se passe parait-il…
Image
Les deux films ne sont pas tout à fait égaux. 20 ans les séparent déjà, mais aussi leurs modèles économiques autant que leurs renommées. Electric Dragon est donc celui qui affiche forcément la meilleure tenue avec un master bien propre et solide, offrant au noir et blanc contrasté des argentiques pleins de puissance et de finesse. Seuls quelques plans plongés dans une masse noire laissent parfois échapper des amas d’artefacts. Pour Crazy Thunder Road c’est un peu plus compliqué puisque la remasterisation s’est manifestement fait avec une copie ancienne et uniquement par des outils numériques qui s’efforcent de gommer les défauts de pellicules et le grain floconneux par un flou pas franchement discret. La qualité des scènes est donc excessivement oscillantes, avec tout de même un certain gain sur les couleurs et un confort assez convenable.
Son
Là aussi Crazy Thunder Road semble un peu dans son jus avec une stéréo remaniée en DTS HD Master Audio 2.0 mais un rendu toujours brut. Pas trop gênant d’ailleurs puisqu’en accord avec l’ambiance roots du métrage. Beaucoup plus pêchu, Electric Dragon avait mis dès sa sortie son mixage audio en avant avec une proposition DTS (alors tout récent) dans certaines salles. Avec désormais un DTS HD Master Audio 5.1 plus percutant, le film fait crisser les cordes de guitare comme jamais, déverse son courant alterné dans toute la pièce jusqu’au moindre poil de bras.
Interactivité
Regroupé dans un boitier Bluray double (avec jaquette réversible) lui-même contenu dans un fourreau cartonné à l’effigie d’Electric Dragon, l’édition propose aussi en petit goodie une reproduction du livret de presse de Crazy Thunder Road.
De bonnes intentions qui se poursuivent dans le contenu des disques avec pour le film de 1980 une tout nouvelle interview du réalisateur Sogo Ishii qui revient à la fois sur ses premiers amours de cinéma, ses premiers pas dans le milieu, professionnels ou non, le reflet de ses propres colères de jeunesse et d’une réalité qu’il connaissait alors parfaitement. Tout aussi intéressante, la rencontre avec le journaliste anglais Jasper Sharp revient sur le modèle atypique du Jishu Eiga, cinéma amateur bien considéré là-bas, en évoquant justement sa réception locale, les grands noms qui en sont sortis et les particularismes.
Plus fournie encore, mais aussi plus éclatée aussi, la partie bonus d’Electric Dragon compile quelques documents de l’époque de la sortie comme une interview plutôt technique (sur le son essentiellement) avec le producteur Takenori Sento ou une série de présentations du film avec différents membres de l’équipe lors des projections nippones. Regard assez technique aussi sur le découpage des séquences et l’inclusion des effets spéciaux. On y découvre enfin deux interviews plus récentes (enfin il nous semble). L’une de Sogo Ishii qui avoue avoir plus ou moins conçu le film dans le vif de l’action, porté par la musique de son groupe, et découvert les ressemblances avec d’autres films après coup. L’autre du compositeur Hiroyuki Onogawa, lui aussi membre de MACH-1.67, qui raconte autant les expérimentations du film en question que ses diverses collaborations avec le cinéaste.
Liste des bonus
Sogo Ishii par Yves Montmayer (9’), Entretien avec le musicien Hiroyuki Onogawa (21’), Entretien avec le producteur Takenori Sento (9’), L’équipe sur scène (32’), Découpage technique avec commentaire audio (22’), Storyboard (2’). Reproduction du livret de presse de Crazy Thunder Road (20 pages), Nouvelle interview de Sogo Ishii (38’), Essai vidéo de Jasper Sharp sur le Jishu Eiga (26’).