EL CHUNCHO
Quién sabe ? – Italie – 1966
Support : Bluray
Genre : Western
Réalisateur : Damiano Damiani
Acteurs : Gian Maria Volonté, Lou Castel, Klaus Kinski, Martine Beswick, Jaime Fernàndez…
Musique : Luis Bacalov, Ennio Morricone
Durée : 118 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Italien, anglais, français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 3 novembre 2021
LE PITCH
Mexique, années 1910. Alors que la révolution bat son plein, El Chuncho, mi-bandit mi-révolutionnaire, s’est spécialisé dans les attaques de train. Il vole des armes et les revend à un révolutionnaire, le général Elias, contre de fortes sommes d’argent. Au cours d’un de ses assauts, Chuncho trouve une aide inattendue de la part d’un jeune dandy américain. « El niño » rejoint la troupe des guerilleros et gagne rapidement la confiance de leur chef. Mais les motivations du yankee restent troubles…
Et viva Zapata !
Présenté dans sa version intégrale et pour la première fois en Blu-Ray, El Chuncho est tout simplement l’un des plus grands westerns italiens et inaugure le versant politique du genre. 55 ans après sa sortie en salles, il demeure toujours aussi moderne et lucide, et permet de revoir le génial Gian Maria Volonté dans l’un des rôles les plus marquants de sa carrière.
Considéré comme un des grands réalisateurs politiques italiens, Damiano Damiani reste relativement méconnu dans nos contrées. Fortement ancré à gauche, il n’est pas un auteur neutre comme le confirme sa filmographie qui traitera de la corruption de la justice dans l’excellent Confessions d’un commissaire au procureur de la république ou du système carcéral avec Nous sommes tous en liberté provisoire. Il est également un spécialiste de la Mafia avec notamment La mafia fait la loi avec Claudia Cardinale ou encore la réalisation de la première saison de la série culte La piovra.
Sorti en 1966, El Chuncho est son premier véritable film engagé où transparaît déjà son fatalisme et son regard lucide sur les mouvements révolutionnaires malgré ses convictions politiques. Avec Franco Solinas au scénario, qui vient de collaborer à La bataille d’Alger de Pontecorvo, Damiani dresse un portrait au vitriol de son héros pseudo-révolutionnaire, en démontrant dès la première séquence, intense et cruelle, l’ambiguité de ces guerilleros qui ne font que perpétrer la même violence que leurs ennemis de l’armée mexicaine. Plus tard, dans une scène magistrale qui fait songer à Germinal ou aux pires heures de l’Epuration, il n’hésite pas à présenter le peuple comme un être assoiffé de vengeance et de sang qui vient réclamer justice chez un propriétaire terrien. Amer et lucide, le duo Solinas-Damiani fera dire au Don « Vous me tuez parce que je suis riche ? ». « Non, c’est parce que nous sommes pauvres… », lui répondra José Manuel Martin, acteur incontournable du western italien (Un pistolet pour Ringo).
Enfin, ce film est le précurseur d’un sous-genre du western italien, le western Zapata qui en se centrant sur la révolution mexicaine fait resurgir le climat de tension politique des années 1968. Comment ne pas songer en voyant le mercenaire Lou Castel dans son costume impeccable à Franco Nero dans El mercenario et Compañeros ou encore à John Steiner dans Tepepa. D’ailleurs ce film de Petroni recyclera un thème musical de El Chuncho ainsi que le personnage du gamin révolutionnaire demandant au gringo s’il aime le Mexique. Ce n’est donc pas un hasard de retrouver Solinas, qui traitera de manière similaire ce thème révolutionnaire dans Queimada, au scénario de ces westerns Zapata.
Des talents à Volonté
S’il excelle dans le fond, El Chuncho est aussi magnifiquement servi par ses artistes. La photographie de Tony Secchi et les décors de Sergio Canevari sont sublimes. La musique de Luis Bacalov, qui retravaille ici quelques thèmes de Django, est emblématique du genre avec ses chants folkloriques et ses airs de guitare séche qui renvoient à Ennio Morricone qui apparaît au générique en tant que superviseur. En réalité, la B.O. a bien été concoctée par Bacalov mais les producteurs voulaient surfer sur la notoriété du Maestro qui ne fit que prêter son nom à son ami compositeur…
Acteur indissociable du cinéma politique italien (voir ses collaborations avec Petri, Rosi, Lizzani…), Gian Maria Volonté campe ici l’un des personnages les plus attachants et anarchistes du genre. Totalement investi, il se livre corps et âme et signe une performance extraordinaire soulignant l’ambiguïté de son personnage picaresque, pathétique, cruel, mais tellement sympathique et humain. A ses côtés, Castel (qui sort du film choc Les poings dans les poches de Bellochio) campe un triste sire qui ne boit pas, ne fume pas, ne s’intéresse pas aux femmes mais seulement à l’argent. Ce duo de narcissiques destinés à s’entretuer qu’il campe aux côtés de Volonté est inoubliable. Si on ajoute une Martine Beswick, future James Bond girl dans Opération Tonnerre, épatante en guerillera caliente, un Klaus Kinski complétement déchaîné en prêtre révolutionnaire scandant ses sermons à coups de grenades, on obtient un grand film, à la fois divertissement populaire et chronique politico-ironique dotée d’une conclusion explosive ! « Une exceptionnelle réussite » comme le souligne Patrick Brion dans son encyclopédie du western.
Image
Le transfert numérique permet à Carlotta de présenter le film dans une version impeccable. Les couleurs chatoyantes, l’absence des défauts inhérents aux pellicules de l’époque (salissures, grain, incrustations…) et le cadre parfaitement défini laissent apparaître l’admirable photographie de Tony Secchi. Un régal.
Son
Le Master audio permet d’apprécier les envolées lyriques de Volonté ainsi que la sublime musique de Bacalov. La version italienne est entrecoupée de passages en anglais (le tournage aurait été réalisé en anglais), mais demeure la version la plus appropriée pour rendre hommage à l’incroyable verve de son acteur principal. La version française est toutefois de qualité ; quant à l’anglaise, elle demeure une curiosité et nous fera sourire involontairement avec son fort accent latin !
Interactivité
L’entretien avec Lou Castel, issu de l’édition DVD Wild Side, s’avère intéressant et riche en anecdotes. Il permet aussi de mettre un peu en lumière un excellent comédien qui sacrifia sa carrière pour s’investir dans la politique à partir de 1968. Ses activités lui vaudront d’ailleurs d’être expulsé d’Italie. Lors du Festival de Cannes 1972, Volonté refusera de s’y présenter en soutien à Castel et à Pierre Clémenti, incarcéré en Italie pour détention de stupéfiants… L’acteur nous apprend entre autres que Kinski était très sobre sur le tournage, alors que Volonté était sans cesse sous tension. D’ailleurs il semble que Damiani ait engagé Carla Gravina, la femme de Gian Maria qui excelle lors de sa courte apparition, dans le but de le canaliser…
Enfin, Alex Cox, réalisateur britannique passionné de westerns italiens à qui l’on doit le très bon ouvrage 10 000 façons de mourir, nous rappelle que le film souffrit des coupes et censures. Ainsi lors de sa sortie en Angleterre, il ne durait que…77 minutes, rendant le film incompréhensible. Il nous apprend aussi que le décorateur Canevari a reproduit les cactus mexicains… avec du papier mâché !
Liste des bonus
Alex Cox à propos de El Chuncho (11′), El Chuncho, le western révolutionnaire (18′), Bande-annonce internationale (4′).