DR. FOLAMOUR OU : COMMENT J’AI APPRIS À NE PLUS M’EN FAIRE ET À AIMER LA BOMBE !
Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb – Royaume-Uni, Etats-Unis – 1964
Support : UHD 4K
Genre : Comédie, Guerre
Réalisateur : Stanley Kubrick
Acteurs : Peter Sellers, George C. Scott, Sterling Hayden, Slim Pickens, James Earl Jones, Peter Bull, Tracy Reed
Musique : Laurie Johnson
Image : 1.66 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 et 1.0 anglais, Dolby Audio 5.1 français, allemand, espagnol…
Sous-titres : Français, anglais, allemand, espagnol…
Durée : 94 minutes
Editeur : Sony
Date de sortie : 03 mai 2023
LE PITCH
Le général Jack Ripper, convaincu que les Russes ont décidé d’empoisonner l’eau potable des États-Unis, lance sur l’URSS une offensive de bombardiers B-52 en ayant pris soin d’isoler la base aérienne de Burpelson du reste du monde. Pendant ce temps, Muffley, le Président des Etats-Unis, convoque l’état-major militaire dans la salle d’opérations du Pentagone et tente de rétablir la situation.
The Hilarious Doomsday Machine
Peut-on rire de tout, même de la bombe H ? Stanley Kubrick (Les Sentiers de la gloire, Orange Mécanique…) qui ne s’est jamais arrêté à quelques barrières que ce soit répond forcément par l’affirmative… Mais avec une bonne dose de désespoir. Une comédie atomique et très très noire.
Les films sur la menace nucléaire et un possible dérapage catastrophique de la Guerre Froide ne manquent pas. Tout autant que nombre de ses contemporains, cinéastes ou non, Stanley Kubrick subit cette angoisse constante d’une fin du monde nucléaire, d’une guerre totale dont on apprend en classes aux enfants à se cacher sous les tables pour esquiver les radiations. C’est partout à la télé, à la radio, dans les journaux, dans les regards inquiets, dans l’air… Et en effectuant des recherches sur les différents dispositifs mis en place par les grandes puissances, les chaines de commandements censés servir de garde-fou et l’omniprésence technologie qui en contrôle les rouages, Kubrick se rend bien compte une nouvelle fois de l’absurdité totale de la situation dans laquelle s’est mis l’être humain. De quoi effectivement en faire un film, mais pas un autre thriller glaçant (bien que ce fut brièvement évoqué), mais bien une comédie qui en soulignerait le ridicule absolu. Pourtant la construction millimétrée du scénario, la rigueur du montage et la minutie photographique des cadrages et de la photographie n’ont absolument rien de la pantalonnade, tout comme une direction d’acteurs qui les oriente vers un sérieux immuable, héros de films de guerre piégés dans une situation qu’ils ont eux-mêmes provoqués, piégés dans un ridicule tragique dont ils n’ont même pas conscience.
« Gentlemen, you can’t fight in here! This is the War Room. »
Cette idée qu’un général devenu complètement fou et paranoïaque profite d’une option lui permettant d’envoyer les missiles nucléaires sur l’ennemi russe existait bien, et les réactions souvent froide et distante du président et des généraux dans l’écrasante salle de guerre sont d’une crédibilité à tout épreuve. Pareil pour le patriotisme forcené de l’équipage de l’avion militaire qui finira bel et bien par livrer sa bombe comme des cowboys. On se croirait dans un authentique et maniaque film d’anticipation, tendu et élégant, si Kubrick et son compère Peter Sellers (qui rejoue la carte des rôles multiples) ne distillaient pas graduellement des ingrédients saugrenus, des détails déconnants dans les dialogues et une étrange forme de jovialité dans l’autodestruction. Du général Ripper qui refuse d’offrir ses fluides par anti-communiste convaincu (allez comprendre), d’un George C. Scott répondant au téléphone à sa dulcinée en pleine réunion de crise ou s’enthousiasmant pour les prouesses mortelles de ses chers soldats, de militaires américains qui se trucident mutuellement se prenant les uns les autres pour des espions russes ou un message codé permettant de stopper l’Armageddon qui doit en passer par une opératrice téléphonique et la recherche de monnaie pour garder la ligne… Le cinéaste cultive l’inepte, bouge légèrement le curseur du réalisme inquiétant à la connerie généralisée, faisant s’enfoncer de plus en plus son film dans un second degré et un cynisme aussi désolant qu’implacable. Avec en point d’orgue bien entendu le fameux Dr Folamour, ancien scientifique nazi rapatrié par les USA incapable de contrôler un bras mécanique manifestement nostalgique du 3ème Reich, dont les théories fumeuses et aux relents inévitables de fascisme illuminé se montrent de plus en plus séduisante pour un gouvernement qui s’imagine déjà retranché dans sa caverne protégée en compagnie de nombreuses donzelles prêtes à enfanter.
Marqué en cours de production par l’assassinat du président J.F.K et donc par l’effondrement total et définitif de la naïveté du rêve américain, Dr Folamour est une comédie qui ne fait jamais rire, ou presque, affligée, mais dont le sarcasme ulcéré vise toujours terriblement juste.
Image
On sait que le Dr Folamour du souffrir longtemps de dégâts causés lors de la première distribution du film. Le négatif était irrémédiablement abimé et la restauration 4K du s’effectuer à partir d’une copie interpositive 35mm et d’autres éléments disparates. C’est cependant indiscernable ici tant le résultat final est impressionnant de clarté, de précision et de finesse. Bien entendu les cadres sont d’une propreté quasiment immuable, mais surtout les textures filmiques renaissent à l’écran avec un grain organique et harmonieux, des matières impeccablement dessinées et une profondeur ravivée. Idem du coté des reflets argentiques, naturels et délicats, riches et puissants, et des noirs impérieux mais aux légères variations des plus naturelles.
Son
Totalement inadéquate pour accompagner le film, la version doublée française reste effectivement très accessoire. La version originale est elle proposée soit dans son mono d’origine, limpide, clair et frontal, soit dans un DTS HD Master Audio 5.1 plus « moderne » en ajoutant quelques effets de spatialisation inédits. Comme une sorte d’écho dans la War Room, des bruitages plus enveloppants dans la carlingue de l’avion, des échanges de tirs plus dynamiques et spatialisés, le rendu n’est jamais envahissant et s’intègre vraiment bien à l’atmosphère du film.
Interactivité
Seconde édition 4K pour Dr Strangelove après celle sortie en 2021 et désormais indisponible, celle-ci perd définitivement le disque Bluray et son option Picture in Picture, son documentaire making of et autres différents segments sur Peter Sellers ou les courts métrages de Kubrick. Heureusement le disque UHD proposait et propose toujours des suppléments produits pour ce support. En dehors de quelques documents d’archives (une interview audio du cinéaste, les passages TV de Sellers et George C. Scott, la longue bande démo présentée aux exploitants) le contenu se tourne vers des rencontres avec des spécialistes de l’œuvres de Kubrick, son archiviste ou l’auteur du roman Red Alert qui servis de canevas au film, afin de tisser un portrait assez complet de Kubrick à l’époque du tournage et des analyses techniques et thématiques du métrage proprement dit. C’est souvent très intéressant, creusé, avec des regards pertinents sur la photographie ou les nombreuses évolutions du projet, mais sans doute que les interventions auraient largement gagnées à être réunies dans un seul et même documentaire afin d’éviter les redites et les baisses de régime.
Liste des bonus
Stanley Kubrick Considers the Bomb (5’), Mick Broderick Interview (19’), Joe Dunton and Kelvin Pike Interview (12’), Richard Daniels Interview (14’), David George Interview (11’), Rodney Hill Interview (17’), Archival Stanley Kubrick Audio Interview (3’), The Today Show Clips (16’), Exhibitor Trailer (17’), Theatrical Trailer.