DOUBLE TEAM
Etats-Unis – 1997
Support : Bluray & DVD
Genre : Action
Réalisateur : Tsui Hark
Acteurs : Jean-Claude Van Damme, Mickey Rourke, Dennis Rodman, Paul Freeman, Natacha Lindinger, Valeria Cavalli, …
Musique : Gary Chang
Durée : 93 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais & Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 16 mars 2022
LE PITCH
Parti à la retraite pour rester auprès de sa femme enceinte, l’espion international Jack Quinn accepte de reprendre du service pour une ultime mission : capturer Stavros, un terroriste qui a juré sa perte, …
A la croisée des chemins
Et de trois ! Après s’être offert les services de John Woo et Ringo Lam, c’est un Jean-Claude Van Damme au creux de la vague qui poursuit son aventure avec les légendes vivantes de Hong Kong et atterrit devant les caméras d’un Tsui Hark résolu à tenter l’aventure hollywoodienne. Pour le meilleur et pour le pire.
Double Team est une sorte de paradoxe. C’est à la fois un mauvais film, laid, mal joué et boursouflé de clichés, mais aussi une œuvre essentielle, le premier jalon qui va mener le réalisateur d’Il était une fois en Chine vers le chaos fascinant du fabuleux Time & Tide. Pour le spectateur lambda, Double Team peut vite tourner au calvaire. Pour le cinéphile averti qui admire Tsui Hark depuis ses premiers essais, c’est un authentique terrain d’expérimentations jubilatoires et prometteuses.
Tout est une question de contexte. Sorti en 1995, The Blade mord la poussière dans les salles obscures de l’archipel. Ce qui n’empêche pas la critique et les admirateurs de Hark de saluer à juste titre un film visionnaire et foisonnant, un joyau du film de sabre traversé d’une énergie et d’une rage sidérantes. Mais alors que la rétrocession de Hong Kong arrive à grand pas, le cinéaste est au pied du mur. Il doit une nouvelle fois se réinventer. Hollywood est un terrain de jeu séduisant mais aussi une terre de compromis où le risque de souffrir d’une machinerie écrasante et castratrice est bien réel. Avant de faire le grand saut, Tsui Hark trouve encore le temps de mettre en boîte Tristar, une comédie romantique agréable mais vite oubliée. Comme John Woo et Ringo Lam avant lui, Hark accepte donc d’en passer par la case Van Damme.
Sauf que la star belge ne possède plus le même statut auprès des studios qu’au début des années 90. La valeur sûre du box-office commence à payer le prix de ses choix et de ses frasques hors caméra. Outre des recettes déclinantes et le refus mal avisé d’un contrat juteux avec les studios Universal, le héros de Timecop doit se battre avec son addiction à la cocaïne et un deuxième divorce douloureux. Autant dire – et c’est un euphémisme – que le tournage de Double Team, émaillé de conflits d’égos et d’incompréhensions, est loin de s’être déroulé dans de bonnes conditions.
Les jeux du cirque
Croisement sans queue ni tête et excessivement balisé de James Bond et du Prisonnier, le script de Double Team n’offre qu’un matériau frustrant pour un cinéaste à l’imagination débordante comme Tsui Hark. Et il lui faut composer avec un casting dont il ne comprend ni la langue, ni les exigences de divas. Lessivé, déboussolé, Jean-Claude Van Damme ne sait clairement pas où il en est et se limite à une prestation purement physique, parfois spectaculaire mais désincarnée. Venu du monde du basket-ball, Dennis Rodman impose une présence flamboyante et des caprices d’un goût douteux mais se révèle surtout être un bien piètre acteur. Quant à Mickey Rourke, il affiche une carrure d’athlète inversement proportionnelle à ce que fut son talent d’acteur, entre l’envie puéril de faire le kéké et la nécessité d’encaisser un gros chèque pour éponger ses dettes.
Également sous la coupe du producteur Moshe Diamant, les yeux rivés sur le budget et la rentabilité de l’affaire, Tsui Hark se débat comme un tigre pour donner vie à ses idées et finit par accoucher dans la douleur d’un actionner bicéphale. Pour répondre à sa commande, le cinéaste donne dans l’action tous azimuts et imprime un rythme soutenu, sans se soucier de la facture technique. Les effets spéciaux sont ratés et la photo oscille entre le terne et le criard. Double Team fonce dans le tas en laissant échapper quelques idées de dingue comme pour mieux dissimuler son véritable propos. Tsui Hark fait tout d’abord le constat d’une géopolitique éclatée et sans alliances fiables, soulignant l’anarchie et l’hypocrisie sans limites de l’Occident. Entre une scène d’action dans un parc d’attractions et un climax dans le Colisée de Rome, il dénonce la vacuité de ses commanditaires obsédés jusqu’au cynisme par la notion de spectacle sans toutefois en saisir les enjeux ni les mécanismes. Et lorsqu’il ne s’adonne pas à des décadrages violents et des jump-cuts virant à l’abstraction, il développe une obsession pour les jambes et les pieds de ses protagonistes, fermement rivés au sol, métaphore de l’esprit tristement terre-à-terre d’Hollywood. Enfin, lorsqu’il transforme une arène en terrain miné, il ne faut pas chercher bien loin pour y voir un clin d’œil mi-figue mi-raisin à sa condition de mercenaire de luxe.
Péloche vérolée menaçant à tout instant d’exploser sous les coups de butoirs virtuoses d’un génie placé sous camisole de force, Double Team est un ratage attachant et la preuve vibrante que même lorsqu’il fonce dans un mur, Tsui Hark peut au moins se vanter de le faire avec panache.
Image
L’édition d’ESC reprend le seul master HD disponible du film (voir Mill Creek aux USA et 88 Films en Angleterre) et produit par Sony, soit une restauration basée sur une copie un peu daté (sans doute la même que le DVD) et retravaillé plus ou moins lourdement numériquement. Si les cadres en eux-mêmes sont effectivement très propre et que la palette de couleur a retrouvé une belle énergie, la définition elle est assez inégale. Les gros plans fonctionnent parfaitement mais dès que la caméra s’éloigne ou que la luminosité baisse le grain se fait moins naturel et le piqué plus doux, avec un mélange de lissage et de edge enhancement. Rien de honteux, Double Team préserve ses contours cinéma et ses matières, mais on est loin du résultat si le film avait été restauré à la source, même 2K.
Son
Très correct voir même franchement dynamique dans ses meilleurs moments, le mix DTS HD Master Audio 5.1 emballe l’action avec une agréable générosité et une fluidité tout aussi appréciable. Forcément certains effets sonnent un peu artificiel, mais la restitution est nette et assez bien équilibré. Le doublage français, s’en sort presque aussi bien avec juste une source légèrement plus écrasée.
Interactivité
Nouvelle Edition Collector au boîtier cartonné façon VHS pour JCVD. Comme à chaque fois le contenu vient délivrer son petit lot de goodie et un livret spécial KO Mag rédigé par Marc Toullec. Sur les disques DVD et Bluray, on ne perd pas les bonnes (?) habitude non plus avec le suivi de la carrière de l’acteur par Arthur Cauras. Toujours étonnant de voir que ces segments sont systématiquement en décalage avec le film proposé, puisque le propos s’intéresse ici directement à l’après Piège à Hong-Kong avec Légionnaire, Universal Soldier 2 et Inferno soit l’adieu définitif aux succès en salle et l’arrivée au DTV. On note une petite variation cependant avec la présentation du film signée par le spécialiste du cinéma HK Frédéric Ambroisine qui justement aborde le film d’un autre point de vue : celui du fan de cinéma asiatique et de Tsui Hark en particulier. Complémentaire donc.
Liste des bonus
1 Livret de 20 pages KO Mag par Marc Toullec, Affiche, Lobby Cards, « Van Damme Le poing sur sa carrière – Partie 7 » par Arthur Cauras (25’), Entretien avec Frédéric Ambroisine (14′).