DOOR 1&2
Door, Door II : Tokyo Diary– Japon – 1988, 1991
Support : Bluray
Genre : Thriller, Drame, Erotique
Réalisateur : Banmei Takahashi
Acteurs : Keiko Takahashi, Daijirô, Shirô Shimomoto, Chikako Aoyama, Joe Yamanaka, Shingo Kazami…
Musique : Goji Tsuno, Keisuke Shinohara
Image : 1.85 et 1.66 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 176 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 07 mai 2024
LE PITCH
Door : Femme au foyer, Yasuko Honda vit avec son mari et son fils. Régulièrement harcelée par les démarcheurs et les canulars téléphoniques, la jeune femme, excédée, finit par claquer la porte sur les doigts d’un vendeur. Choqué, celui-ci refuse d’en rester là. Sa vengeance se mue bientôt en véritable obsession…
Door 2 : Ai est une call-girl dont le travail comporte de nombreux risques. Chaque fois qu’elle franchit une porte, c’est à un nouveau type d’homme auquel elle a affaire. Un jour, elle rencontre M. Mamiya, un artiste étrange et captivant qui va peu à peu l’initier aux plaisirs SM…
Une porte après l’autre
Quasiment inédite en France (les festivaliers restent privilégiés) la « série » des Door reste un cas symptomatique d’un cinéma d’exploitation japonais du tournant 80/90 : un titre commun mais des films aux concepts presque diamétralement différents dont finalement le principal rapprochement reste une vision inquiète du quotidien féminin dans les rues tokyoïtes.
Cette idée de « collection » autour d’un terme aussi concis qu’évocateur, le cinéma japonais, et en partie la branche un peu fauchée glissant vers le marché du DTV, en est plein. On pense à aux terribles Guinea Pig ou aux Evil Dead Trap, mais les Door se montrent tout de même beaucoup plus sobres, bien moins gerbant, se tournant plus volontiers vers une approche relativement réaliste de leurs portraits de femme. Le troisième, réalisé par un Kiyoshi Kurosawa dans sa première période mais déjà porté sur les trips psychotiques, restant encore inédit chez nous, on se consolera donc avec les deux premiers, tous deux signés Banmei Takahashi, ancien spécialiste du pinku eiga qui se tournait depuis le succès de Tattoo Ari vers un cinéma plus mainstream.
Par le judas
Et il est bien question de porte dans Door, du moins une en particulier. Celle de l’appartement de Yasuko, bonne épouse et bonne mère de famille, qui trouve manifestement le temps long, seule à régir ces quatre murs, peu honorée par son époux toujours absent pour son travail, et qui semble constamment assaillie par le monde extérieur. Des appels téléphoniques publicitaires qui vont vite se transformer en menaces perverses, des tags insultant sur sa porte, des poubelles qui reviennent devant le domicile et finalement ce démarcheur trop insistant qui va se transformer en stalker menaçant et invasive. Le tempo prend son temps, mais distille graduellement une perte de repères particulièrement bien amenée, une atmosphère paranoïaque et sulfureuse qui ferait presque douter des perceptions de la pauvre femme, surtout que toutes les voix des personnages masculins semblent identiques et souvent s’échapper d’un même filtre électronique. Jusqu’à ce que la porte ne tienne plus justement et finisse par laisser le pervers envahir définitivement le cocon de sa cible, menaçant de la violer et de la tuer, et que le film se transforme en home destruction bien plus violent et sadique à coups de mini tronçonneuse et de fourchette dans la joue. Pas si loin des giallo jusque dans les mouvements de caméra aériens et les effusions de sangs. Un encrage dans le ciné de genre certes, mais avant tout l’illustration d’une présence masculine toujours problématique, du policier de rue qui retranscrit avec détachement la plainte de l’héroïne, jusqu’à même son fils déjà capricieux.
Intérieurs et extérieurs
Une certaine histoire d’émancipation et de reconquête de son chez soi et de son corps, que l’on retrouve sous un angle totalement nouveau dans le suivant Door 2, sous-titré Tokyo Diary, récit bien plus nonchalant des expérimentations d’une call girl moderne. Ici les portes sont celles des clients qu’elle pousse sans jamais vraiment savoir ce qu’elle va trouver derrière : un salary-man qui tente sa première infidélité, un fétichiste des pieds, un nostalgique du 3eme Reich, un pratiquant S&M, une demande en mariage d’un vieux monsieur esseulé et même un sociopathe sadique… Une seule séquence sous tension, mais traumatique, qui rappelle que malgré le chemin choisi par cette China Blue japonaise, le métier de prostituée n’est pas une promenade de santé. La réalité dépeinte n’est jamais scabreuse, ni misérabiliste, mais pas plus fantasmée ou idéalisée, donnant corps à une vraie personnalité (sublime Chikako Aoyama) confrontée régulièrement aux dangers physique et sentimentaux de la voie qu’elle a choisie. Banmei Takahashi retrouve là au passage toute l’élégance et la sobre grâce de ses anciens films érotiques, transformant quelques bruits blancs de cassettes audios, un perçage d’oreille ou un concert d’opéra, en instants intensément sensuels, ou offrant une vraie poésie à un simple dialogue dans un aquarium entre deux collègues discutant du meilleur moyen de se préparer à une sodomie. Une très jolie redécouverte, moderne, modeste et comme le premier Door, pertinemment féministe.
Image
Les deux films semblent avoir été restaurés assez récemment. De nouvelles copies qui ont fait le tour des festivals et permis de faire redécouvrir les films et qui semblent tirés de nouveaux scan 2K des négatifs (ou avoisinant). Même si quelques restes de petits défauts de pellicules (taches, points blancs…) persistent parfois, l’ensemble est véritablement excellent, offrant des cadres assez propres et surtout très stables, et réhabilitant des colorimétries certes assez naturelles mais à tendances chaudes. Aucune manipulation numérique visible, les deux métrages préservent leur grain délicat et surtout leurs superbes argentiques pour un rendu très cinéma.
Son
Les pistes sonores restent dans leur mono initial mais avec un petit boost DTS HD Master Audio qui permet de profiter pleinement là aussi d’un rafraîchissement très agréable. Dans les deux cas, la restitution est sobre et directe, mais toujours avec beaucoup de clarté et un équilibre bien dosé avec les environnements et les musiques.
Interactivité
Edition double programme avec les deux films réunis sur un seul et même disque. En plus des bandes annonces, le seul supplément est une rencontre filmée avec le réalisateur Banmei Takahashi. Ce dernier revient sur ses débuts dans le Pingu Eiga, les premiers films d’exploitations très fauchés avant de se concentrer uniquement sur le premier opus de Door. Il y discute du casting et du rôle de son épouse, de la bifurcation violente, voir très gore pour l’époque, et les difficultés liés à la censure et enfin sa sortie en salle et son statut actuel au sein de l’industrie. Dommage qu’il ne s’exprime pas sur Door II.
Liste des bonus
Entretien avec Banmei Takahashi (25’), Bandes-annonces.