DOCTOR JERRY & MISTER LOVE
The Nutty Professor – États-Unis – 1963
Support : 4K Ultra HD
Genre : Comédie, Fantastique
Réalisateur : Jerry Lewis
Acteurs : Jerry Lewis, Stella Stevens, Del Moore, Kathleen Freeman, Med Flory, Norman Alden, …
Musique : Walter Scharf
Durée : 107 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : DTS-HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Digital Mono Français, Anglais & Espagnol
Sous-titres : Français, Anglais, Italien, Espagnol
Editeur : ESC Distribution
Date de sortie : 31 mai 2023
LE PITCH
Maladroit, doté d’un physique ingrat et moqué par ses pairs comme par ses étudiants, le professeur Kelp met au point un sérum qui lui permet d’adopter l’apparence et la confiance en soi de Buddy Love, un alter-ego populaire mais arrogant et encombrant, …
King of Comedy
1963, beau millésime pour la comédie made in Hollywood. Quelques mois avant Un Monde fou, fou, fou de Stanley Kramer et La Panthère Rose de Blake Edwards, le roi de la grimace Jerry Lewis dégaine Docteur Jerry & Mister Love, variation loufoque autour de la nouvelle emblématique de Robert Louis Stevenson et où le clown du New Jersey, entre deux gags irrésistibles, se met à nu comme rarement.
Profondément affecté par la fin de son duo comique avec Dean Martin à la fin des années 50 (Un vrai cinglé de cinéma marque, en 1956, leur dernière apparition sur grand écran), Jerry Lewis anticipe le passage à la décennie suivante en affirmant un contrôle total sur une carrière qu’il doit désormais mener en solo. De fait, à l’image d’un Charlie Chaplin ou d’un Buster Keaton, Lewis ne se contente plus de faire le pitre devant la caméra et multiplie les casquettes en coulisses, endossant pleinement le statut d’auteur à part entière. Et il peut tout à fait se le permettre, grâce à l’appui de la Paramount qui met à sa disposition des moyens conséquents dont un immense plateau de tournage qui lui est exclusivement dédié et des moyens financiers pour développer de nouvelles technologies comme l’assistance vidéo qui lui permet de régler la mise en scène de ses gags avec une précision inédite (un joujou à 800 000 dollars qui va révolutionner Hollywood dans les décennies à venir). Jerry Lewis s’entoure également d’une armée d’acteurs et de techniciens fidèles et veille à laisser un public trié sur le volet assister à ses tournages depuis une plate-forme montée sur une grue. Des investissements que ne regrette pas le studio car, en tenant le rythme de deux long-métrages par an, le succès est grandissant et le comédien devient une institution nationale, rapportant plus de 100 millions de dollars en moins de cinq ans. Producteur exécutif à la Paramount, Barney Balaban dira de cette nouvelle poule aux œufs d’or que « si Lewis veut mettre le feu au studio, je suis prêt à lui fournir les allumettes » ! Metteurs en scènes attitrés de Jerry Lewis, Norman Taurog et Frank Tashlin vont finalement lui céder le fauteuil de réalisateur dès 1960 avec Le Dingue du Palace. Et tout en mettant la touche finale à cette première réalisation, Jerry Lewis songe déjà à adapter « L’étrange cas du Docteur Jekyll et de Mr Hyde ». Mais il lui manque encore le bon angle d’attaque.
Thérapie par le rire
Côté face, Docteur Jerry & Mister Love propose absolument tout ce que nous sommes en droit d’attendre d’une comédie de Jerry Lewis. Et en abondance. À savoir une succession de gags brillants et tout à fait énooormes (le fauteuil, la montre à gousset, les séances de gym catastrophiques, la jeep remplie de bouquins de science, etc, etc …) avec un acteur et réalisateur qui se donne sans retenue devant comme derrière le caméra et emballe le tout dans un Technicolor flamboyant qui emprunte autant à Walt Disney qu’à Tex Avery. Pour le personnage du timide et maladroit professeur Kelp, Lewis explique avoir piqué la voix et la drôle d’élocution à un fan croisé lors d’un voyage en train et dédie ce personnage étrange et décalé à ce « geek » anonyme. En revanche, pour le suave Buddy Love, séducteur, grande gueule et crooner à la voix de velours, il laisse planer le doute. Ne serait-ce pas là une caricature de Dean Martin ? Lewis fait mine de démentir mais n’empêche pas les critiques de fantasmer un règlement de compte entre l’humoriste et son ancien partenaire.
Côté pile, Jerry Lewis ne se contente pas d’exploiter tout le potentiel humoristique du scientifique à la ramasse et de son double maléfique et se livre à une séance de psychanalyse approfondie. La nouvelle de Stevenson offre à l’auteur le terrain de jeu idéal pour confronter Joseph Levitch, le gamin du New Jersey, fils d’émigrés et d’artistes juifs russes, à Jerry Lewis, la star, le double bien-aimée de Hollywood et de Las Vegas. À l’écran, Kelp est le professeur (le père de Lewis a été maître de conférence) et Love est le chanteur (la mère de Lewis était pianiste). Mais le jeu de miroirs ne s’arrête pas là. Dans sa recherche de la bonne formule et du succès sur scène, Kelp évoque bien sûr les débuts d’un Joseph Levitch qui va se « réinventer » en Jerry Lewis tandis que Love éclaire les zones d’ombre de l’acteur en forçant à peine le trait, de ses addictions à son comportement envers les femmes en passant par son arrogance et ses tendances à se servir de ceux qui l’entourent pour se mettre en valeur. Enfin, il n’est pas interdit de deviner dans cet affrontement de personnalités, le conflit pour Lewis entre la scène (les bourdes de Kelp, de quasi-happenings) et le 7ème Art (les numéros millimétrés de Love, le quatrième mur qui volent en éclats lors du tout dernier plan et même avant avec de nombreux regards caméra).
Soit une comédie vertigineuse, aux saveurs multiples, et le sommet de la carrière de son auteur. Avant la rupture avec Paramount, le déclin inévitable, le film maudit (The Day The Clown Died, en 1972), la maladie, les héritiers (Andy Kaufman, Jim Carrey) et les hommages d’une génération de cinéastes bercés par ses films.
Image
D’une propreté remarquable (à l’exception d’une poignée de plans bruités), le master proposé date d’une restauration effectuée en 2014 pour la première édition en blu-ray. Le passage au 4K bénéficie pour l’essentiel au traitement du grain argentique, bien plus naturel, et aux superbes couleurs de la photographie de W. Wallace Kelley (le chef op de Sueurs froides !). La différence avec les précédentes galettes ne saute pas tout de suite aux yeux mais la mise à jour peut satisfaire les puristes et les fans de Jerry Lewis.
Son
La bande-son jazzy est la grande gagnante du passage au DTS-HD avec des basses rondes et une douceur acoustique enveloppante à souhait. Le doublage français est propre et réussi mais n’a ni la même pêche, ni l’élégance de la version originale.
Interactivité
Ils arrivent que certains bonus disparaissent (soit purement et simplement, soit pour laisser la place à de nouvelles featurettes) mais Paramount a ici fait le bon choix en rassemblant toutes les interactivités existantes pour offrir au film une vraie valeur ajoutée. Séduisant sur le papier, le commentaire audio de Jerry Lewis nous laisse sur notre faim en laissant de longs blancs quand il ne radote pas un peu. L’interview d’époque avec le réalisateur Frank Tashlin ainsi que les scènes coupées ou alternatives et les bouts d’essai proposent une excellente vue d’ensemble du processus créatif de l’acteur et réalisateur. Des archives passionnantes qui se confrontent à une série de documentaires rétrospectifs où la nostalgie le dispute à l’analyse. Atteint de nombreux problèmes de santé, Lewis apparaît tantôt bouffi et un peu amer ou un peu plus âgé et, paradoxalement, plus dynamique et ouvert à l’introspection. Sans doute un peu trop brève, l’intervention du toujours enthousiaste Leonard Maltin dresse un portrait assez précis du statut de Jerry Lewis dans les années 60, simple amuseur devenu auteur incontournable.
Liste des bonus
Commentaire audio de Jerry Lewis et Steve Lawrence / Coup de projecteur avec Leonard Maltin / Des deux côtés de la caméra : le génie de Jerry Lewis / Jerry Lewis et Frank Tashlin évoquent Docteur Jerry & Mister Love – enregistrement de septembre 1962 / Jerry Lewis : sans filtre / Jerry au musée de cire de Movieland (avec commentaires de son fils Chris Lewis) / Bande-annonce cinéma / Bouts d’essai / Docteur Jerry & Mister Love : perfectionner la formule / Jerry Lewis au travail / Scènes inédites / Bêtisier / Scènes additionnelles.