DJANGO
Italie, Espagne – 1966
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Sergio Corbucci
Acteurs : Franco Nero, Loredana Nusciak, Eduardo Fajardo, José Bodalo, Angel Alvarez…
Musique : Luis Bacalov
Durée : 92 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Italien, anglais et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 03 novembre 2021
LE PITCH
A la frontière mexicaine, deux bandes rivales se disputent la suprématie du pays : celle du major Jackson, américain et fanatique raciste, et celle du général Rodriguez, mexicain et révolutionnaire. Un étranger, Django, traînant derrière lui un cercueil, arrive dans ce pays de désolation. Et avec lui, le vent de la violence…
Django arrive… préparez vos cercueils !
Présenté dans une sublime version restaurée 4k, Django demeure un véritable choc cinématographique. Culte de l’hyperviolence et de la cruauté parsemée de tableaux magnifiques et doté des yeux si bleus de Franco Nero, il reste une référence incontournable du western. Et pas seulement « le film qui a a inspiré Tarantino » comme on l’entend souvent de nos jours…
Dès les premières images, Sergio Corbucci nous embarque dans une autre dimension, quasi onirique, avec Franco Nero traînant un cercueil dans la boue, et sous la pluie, le tout sublimé par la chanson éponyme de Rocky Roberts et ses chœurs stridents qui accompagnent un générique rouge sang. Cette « mer de boue » se révélera d’ailleurs être un acteur primordial du récit, ainsi que la saleté de son anti-héros et son porte-bonheur de cercueil, qui s’il ne transporte pas de cadavre véhiculera toutefois la Mort assurément.
Selon certains spectateurs attentifs, on dénombrerait ainsi près de 138 morts (!?) dans cette œuvre apocalyptique qui eut bien des soucis avec la censure. Il fut ainsi tout simplement interdit au Royaume-Uni jusqu’en…1993. Entre les peons tirés comme des lapins par un Eduardo Fajardo (El mercenario) toujours très à l’aise en fasciste, version Klux Klux Klan cette fois-ci, la pauvre et divine Loredana Nusciak fouettée puis promise au bûcher ou encore Gino Pernice (La classe ouvrière va au paradis) contraint de s’adonner à de l’auto-cannibalisme, les scènes traumatisantes sont légion, à la frontière du surréalisme et du grotesque. Un certain sado-masochisme, inhérent au genre italien, est également diffusé et rarement un héros de western n’aura autant subi de sévices. Une habitude corbuccienne si on se rappelle des handicaps de Cameron Mitchell qui devient aveugle dans Le justicier du Minnesota ou Jean-Louis Trintignant qui en plus d’être muet finira manchot dans Le grand silence. Mais Sergio Corbucci ne se contente pas d’accumuler les cadavres et sublime ses séquences de baroque, tout en apportant une touche politique. Comme le fait remarquer justement Alex Cox dans son ouvrage consacré au western italien 10 000 façons de mourir, Django était le surnom de Joao Goulart, président du Brésil renversé par un coup d’état l’année précédente. L’allusion au KKK en pleine période de lutte pour les droits civiques aux USA n’est sans doute pas anodine non plus…
Un succès immortel
Bien que réalisé avec peu de moyens, le film fut un immense succés en Italie, et on vit fleurir dès lors de nombreux remakes ou fausses suites, l’appellation Django apparaissant dans le titre de nombreux futurs westerns, souvent par la volonté de distributeurs souhaitant surfer sur la gloire de l’anti-héros Corbuccien. Le réalisateur italien avait donc vu juste lorsqu’il demandait à Enzo Barboni de mettre en lumière « les deux grands lacs bleus » de Nero pour lui faire gagner plein d’argent ! Une gloire qui ira bien au-delà des frontières transalpines, Franco Nero, âgé de seulement 24 ans, devenant une véritable star internationale notamment au Japon. Juste retour des choses au vu de l’influence du Yojimbo de Kurosawa sur les films de Corbucci et Leone, entre autres. Et finalement l’inspiration sera commune et partagée puisqu’en 2007 Takashi Miike réalisera un remake Sukiyaki Western Django.
Comme le note Franco Nero, le film s’adressait à un public jeune désireux de changements radicaux. Ce n’est donc q’une demi-surprise de voir que même en Jamaïque, alors en pleine mutation, il y eut un fort echo. Dans The harder they come, le gangster joué par Jimmy Cliff va ainsi voir Django au cinéma, et le groupe de reggae The destroyers composera une chanson à la gloire du fossoyeur italien ! Mais le film tomba peu à peu dans l’oubli, et c’est bien par l’entremise de Quentin Tarantino et de son Django Unchained de 2012 qu’il retrouva la lumière. L’outrance et la violence des cinémas de Corbucci et Tarantino ne pouvaient finalement que se rencontrer, et l’américain s’inspirera de son autre grand western Le grand silence pour Les huit salopards sorti en 2015.
Une notoriété retrouvée qui permet ainsi au titre phare de son auteur italien de retrouver sa splendeur dans cette version 4K proposée par Carlotta Films. Une très belle façon de redécouvrir ce monument immortel et fascinant du western italien.
Image
Le travail de restauration réalisé par la cinémathèque de Bologne en 2018 se fait plus que ressentir ! Surtout si on compare l’image à celle de l’édition DVD de Wild Side (sortie en 2013) où un grain surdimensionné, des incrustations et marques du temps étaient visibles.
Django a enfin droit à une version qui rend hommage au travail de Enzo Barboni et sa sublime photographie. La profondeur de champ est impressionnante, les couleurs remarquablement retranscrites et le cadre parfaitement défini. Seul le générique reste « abîmé » permettant d’apprécier à juste titre la qualité de la restauration sur le reste du film.
Son
Le master audio est un cadeau pour les oreilles ! Non, il n’y a pas que Ennio Morricone qui excella dans le western italien, et Luis Bacalov nous le rappelle grâce à sa B.O. inoubliable ! Les dialogues sont nets malgré la postsynchronisation. La version anglaise est peu crédible à nos yeux, nous vous conseillons donc la version italienne bien plus réaliste. La VF est de qualité mais apparaît plus feutrée.
Interactivité
Carlotta achève cette superbe sortie avec près d’1h30 de bonus ! Le passionné Alex Cox, auteur du livre 10 000 façons de mourir, nous apprend par exemple que Corbucci voulait tourner dans la neige. Mais le manque de moyens fit qu’il se rabattit sur la boue magnifiée par le travail du décorateur Carlo Simi. Il rappelle aussi l’importance du travail de Barboni qui avec l’utilisation d’un format 1,66 resserré rend le film encore plus oppressant.
L’interview de Franco Nero est captivante, on y apprend entre autres que Mark Damon et Peter Martell étaient en concurrence avec lui pour le rôle titre ou que Barboni lui proposa sur le tournage le scénario de ce qui deviendra Trinita quelques années plus tard. Il nous rappelle qu’il fit les cascades lui-même et qu’il fut transporté à l’hôpital suite à une longue journée de tournage en plein hiver où seul le whisky pouvait le réchauffer !
L’implication de Ruggero Deodato sur le film est souvent passée sous silence, ce qui le rend pour le moins amer (il n’est même pas mentionné au générique) …. Selon lui, il aurait proposé Nero à Corbucci, trouvé les idées de la boue, des cagoules rouges et filmé toute la partie espagnole du film. D’après ses dires, Corbucci était un grand affabulateur toujours en retard sur le tournage !
Enfin, Nori Corbucci, la veuve du réalisateur, évoque ses souvenirs. Son mari aurait ainsi accepté le projet par amitié pour Franco Rossetti, et passa de nombreuses nuits blanches face à la difficulté du projet… Celui qui était surnommé le « réalisateur le plus drôle du monde » par Tomas Milian, entretenait de bons rapports avec ses acteurs. Même si les Américains étaient décontenancés par son improvisation permanente, Jack Palance l’adorait et devint un ami. En ce qui concerne les reproches de Deodato, elle dit que celui-ci était alors un gamin et qu’il doit tout à Corbucci…
Liste des bonus
Alex Cox à propos de Django (14′), Django ne meurt jamais (26′), Le cannibale du Far West (26′), Sergio mon mari (28′), Bande-annonce originale (3′).