DILLINGER
États-Unis – 1973
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier, Drame
Réalisateur : John Milius
Acteurs : Warren Oates, Ben Johnson, Michelle Phillips, Harry Dean Stanton, Geoffrey Lewis, Richard Dreyfuss, Steve Kanaly
Musique : Barry De Vorzon
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 108 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 07 juin 2023
LE PITCH
Aux États-Unis, dans les années 30, John Dillinger défraya la chronique : emprisonné pour hold-up, il parvint à s’échapper et resta plusieurs mois en cavale avant d’être abattu par le FBI…
Public Enemy
Première réalisation de John Milius futur metteur en scène du Lion et le vent, Conan le Barbare ou L’Aube rouge, Dillinger portait déjà cette marque d’un cinéma viril, violent et grinçant quettant derrière le portrait pas totalement historique du mythique Ennemi Public n°1 l’héroïsme rustre de l’Amérique d’autrefois.
Si Dillinger est donc bel et bien son premier passage derrière la caméra (il fut écarté du projet Juge et hors-la-loi au profit du grand John Huston), John Milius était néanmoins déjà un scénariste de renom, de ceux que l’on s’arrache et que l’on paye rubis sur l’ongle. Après son travail imposant de peaufinage sur L’Inspecteur Harry et le script du second Magnum Force, ainsi que le succès du Jeremiah Johnson de Sydney Pollack, l’auteur ne tient plus en place et est prêt à tout pour obtenir enfin la signature complète d’un film. Quitte à accepter la proposition modeste, mais alléchante par sa totale liberté, de signer le portrait de Dillinger chez le spécialiste du cinéma d’exploitation AIP. Un projet qu’il refaçonne totalement s’écartant des célébrations romantiques et des accents « nouvel Hollywood » inaugurés par le Bonnie and Clyde d’Arthur Penn. Il est d’ailleurs directement fait plusieurs fois référence au couple de braqueurs dans le film, mais toujours pour dénigrer leur amateurisme et leur faillibilité. C’est que comme un écho à son propre égo (démesuré), son Dillinger est, comme tous les héros de ces futurs films, un homme à l’ancienne, dur, fier, machiste, violent et qui a choisi de mener jusqu’au bout son destin comme il l’entend. Milius ne s’intéresse pas forcément au véritable Dillinger, à sa profonde personnalité ou aux motivations qui l’auraient amenées à devenir un gangster, mais presque uniquement à sa légende, populaire.
Ciné et mitraillettes automatiques
A son image de rebelle dans une Amérique écrasée par le poids de la crise de 29, moquant l’ordre, la loi et les banques. La course-poursuite qui s’installe alors entre celui-ci et l’agent d’état Melvin Purvis (Ben Johnson acteurs légendaire de Ford et Peckinpah et ce n’est pas un hasard) tient alors certainement moins de l’affrontement manichéen que de l’évocation mélancolique d’une ultime chasse à l’homme digne d’un western, fantasme d’une Amérique sauvage, brutale mais libre, alors déjà perdue dans les replis de l’histoire. Malgré le budget relativement étriqué et quelques semaines de tournage vite emballées, Dillinger porte déjà la marque d’un grand, d’un metteur en scène affirmée qui quête constamment un mélange de sécheresse ultra-efficace et de lyrisme héroïque. Épaulé par le travail rigoureux tout en contre-jours du chef op’ Jules Brenner (Johnny s’en va-t-en guerre, Le Retour des morts-vivants) et un montage percutant, le métrage multiplie autant les fusillades intensément meurtrières que les échappées plus apaisées quettant un héritage constamment entre le nihilisme de Sam Peckinpah et la grandeur culturelle de John Ford, les deux totems du film.
Alors surtout connu pour ses nombreux seconds rôles mémorables (dont celui dans la Horde sauvage aux cotés de… Ben Johnson), Warren Oates très convaincant, obtient ici son premier grand rôle autant pour sa ressemblance troublante avec le vrai Dillinger que pour sa stature de passeur, mais n’écrase jamais ses partenaires format le fameux gang. Des trognes toutes aussi habitées répondant aux noms de Harry Dean Stanton, Geoffrey Lewis et même un jeune Richard Dreyfuss, enfin échappé de la tv, étonnant en Baby Face Nelson, autre grand nom de la truanderie. Et si John Milius trouve aujourd’hui le film « grossier », il garde indéniablement une sacrée (grande) gueule et la rage de ces premières œuvres accouchées avec les tripes.
Image
Certains se souviennent peut-être du vieux DVD tout neigeux bradé par Universal : sans contrastes et excessivement abimé. Même si Arrow Films n’a pu restaurer le film qu’en 2K à partir d’une source 35 mm interpositive, le résultat est donc particulièrement réjouissant avec un nettoyage en règle des plans, une rehausse complète de la colorimétrie, permettant enfin d’apprécier pleinement le travail photographique de Jules Brenner et un retour très appréciable du grain de pellicule et de ses nombreuses matières organiques. La définition n’est pas oubliée avec des cadres solidement dessinés, voir ciselés. Certes certains passages sont encore marqués par des variations de piqué avec des voiles plus doux, où des tremblotements d’amas sur les bords (en particulier dans certaines scènes nocturnes), mais cela ne gâche pas la performance générale.
Son
La nouvelle version originale en DTS HD Master Audio 2.0 se montre plutôt percutante avec une belle énergie frontale et un équilibre réussi entre les différentes sources. Quelques effets de distance et d’échos se laissent parfois entendre, mais rien de bien étonnant pour un film à petit budget comme celui-ci. Le doublage français est forcément un peu plus plat mais surtout certains plaquages de voix ne sont pas toujours bien synchronisés et souligne un travail à l’époque un peu bâclé.
Interactivité
Nouvelle belle surprise de la part de Rimini qui propose une très belle édition pour Dillinger, film effectivement toujours mal distribué chez nous jusque-là. On a donc le droit à un digipack DVD + Bluray avec fourreau et à un livret de 32 pages revenant sur la naissance du film jusqu’à sa sortie avec quelques citations (colorées) de John Milius, mais aussi une longue et très intéressante interview inédite de l’acteur Steve Kanaly, grand ami du cinéaste rapidement devenu célèbre pour son rôle de Ray Krebbs dans Dallas.
Sur le disque Bluray, l’éditeur reprend tout d’abord le matériel produit par son collègue anglais avec une interview souvent étonnante du directeur photo Jules Brenner qui revient sur son approche du film et égratigne avec tendresse l’égo de Milius, une autre du producteur Lawrence Gordon (question de replacer sa place dans l’origine du projet) et enfin une dernière du compositeur Barry De Vorzon. De quoi approcher les coulisses du tournage, les méthodes de Milius et des débuts que tous gratifient bien entendu de très prometteurs.
Mais Rimini ne s’est pas arrêté là puisqu’il a invité les journalistes Samuel Blumenfeld, Jacques Demande et Olivier Père à retracer à leur tour la création du film, le style Milius et ses inspirations fordiennes dans trois items plus analytiques et bien intéressants. Très complet donc.
Liste des bonus
Livret de « Un héros américain » avec Samuel Blumenfeld, journaliste au journal Le Monde, Jacques Demange, critique cinéma à la revue Positif et Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma d’Arte France (26’06”), « John Milius et le mythe fordien » : interview de Samuel Blumenfeld, journaliste au journal Le Monde (13’31”), « Le Nouvel Horizon de John Milius » avec Jacques Demange, critique de cinéma à la revue Positif (9’33”), « Le Tournage de Dillinger » avec Jules Brenner, directeur de la photo (12’01”), « Gangster originel » avec Lawrence Gordon, producteur (10’08”), « Balles et ballades » avec Barry De Vorzon, compositeur (12’), Bande-annonce.