DIABOLO MENTHE
France – 1977
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Diane Kurys
Acteurs : Eleonore Klarwein, Odile Michel, Anouk Ferjac, Corinne Dacla, Coralie Clément, Yves Rénier, Dora Doll, Dominique Lavanant, Tsilla Chelton, Marthe Villalonga…
Musique : Yves Simon
Durée : 100mn
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 20 février 2024
LE PITCH
1963. Anne et sa sœur Frédérique, réciproquement 13 et 15 ans, commencent une nouvelle année scolaire dans un lycée pour jeunes filles. Leurs parents sont divorcés et elles vivent seules avec leur mère. Une existence plutôt morne qui pousse Anne à s’inventer une histoire d’amour avec un jeune homme plus âgé, mentir, voler… Dans le même temps, tandis que le conflit avec l’Algérie divise la France, sa sœur aînée et ses camarades se découvrent une conscience politique…
C’est l’histoire d’un pull
France, 1977. Alors que le Rockollection de Voulzy fait danser tout l’hexagone, une petite ballade signée Yves Simon résonne tendrement. Il y est question de cahier, de lycée, de secrets. Une chanson qui accompagne le premier film de Diane Kurys, encore inconnue jusque-là, et qui va remporter un succès critique et public que personne n’avait vu venir.
Alors qu’elle n’est encore connue que d’une poignée d’amateurs de pièces de théâtre parisiennes, Diane Kurys décide de mettre en chantier un roman relatant ses jeunes années. Finalement, le roman ne verra jamais le jour et deviendra Diabolo Menthe, un film à la nostalgie douce-amère, où elle s’en prend ouvertement à sa sœur et à sa mère, pour qui elle a gardé une certaine amertume. Autour des histoires adolescentes de la jeune Anne, la réalisatrice va croquer un portrait de la France de l’époque, une France engluée dans ses relations avec l’Algérie, dont les valeurs rigoristes d’après-guerre vont se heurter à l’arrivée du rock’n roll et du phénomène des yéyés et, lentement mais sûrement, éveiller les consciences étudiantes et féministes. La fin d’une époque, le début d’une nouvelle ère.
La phrase qui ouvre le film est ainsi ouvertement adressée à la sœur aînée de Diane Kurys, à qui elle dédie le film mais lui reproche en même temps de ne jamais lui avoir rendu son pull. Une anecdote plutôt légère et qui prêterait à sourire si elle ne dissimulait une vraie rancune que la réalisatrice va s’amuser à nourrir tout au long du film. La jeune Anne, avatar de Diane Kurys à l’écran, souffrant clairement de l’ombre de sa grande sœur et de tout ce que l’âge de celle-ci lui permet de vivre ; ses premières amours, ses heures passées avec ses amies au bistrot du coin ou encore la confiance que leur mère a en elle et dont ne profite pas encore Anne.
Pour incarner les deux sœurs, Diane Kurys se tourne vers de toutes jeunes filles sans aucune expérience cinématographique. Et si Odile Michel, qui prête vie à Frédérique, a au moins une expérience théâtrale, ce n’est pas le cas d’Eléonore Klarwein, ce qui lui permet de donner à Anne le maximum de fraîcheur et d’ingénuité avec cette touche de tristesse silencieuse que recherche la réalisatrice. Le terreau idéal sur lequel Diane Kurys va planter les graines de plusieurs idées de saynètes mettant en scène les deux adolescentes. A travers elles, Kurys dresse le portrait amer mais aussi tendre et parfois très drôle de jeunes filles de l’époque se posant de nombreuses questions sur des sujets aussi universels que les règles ou le sexe des garçons. Mais autour d’elles, et malgré un budget serré, la réalisatrice va en profiter pour faire le tableau d’une époque et, de ce côté là aussi, régler quelques comptes.
Amère patrie
A commencer par le lycée de jeunes filles qu’elle a connu à l’époque. Un lycée qu’elle filme, avec ses hauts murs et ses appels hurlés par des professeures méprisantes et sans une once de bienveillance, pratiquement comme une prison. Des professeures à la méconnaissance crasse du monde qui les entoure : le personnage de Tsilla Chelton, déjà parfaite en vieille acariâtre, qui croit qu’une pauvre élève égarée disant venir d’Oran vient en fait du privé ; Marthe Villalonga, à l’accent pied-noir très prononcé, choisie pour incarner une prof d’Anglais ; Dominique Lavanant, en prof effacée qu’on imagine vieille fille, totalement dépassée par le comportement de ses élèves. En dehors de l’enceinte du lycée, Diane Kurys dresse un état du monde via quelques touches savamment dosées : un OAS = SS tagué sur un mur, la nouvelle de l’assassinat de JFK à la radio (appris par la jeune Anne, que sa sœur et sa mère à cette occasion ne manquent pas de taxer encore une fois de menteuse). Des idées simples mais brillantes, qui s’ajoutent aux saynètes et forment un tableau plus large permettant de donner corps à l’actualité et à l’atmosphère de l’époque. Une actualité riche aux répercussions dramatiques qui va permettre également à la réalisatrice de donner un ton plus grave au film le temps de quelques minutes, comme lorsqu’une des jeunes filles rapporte une manifestation dont elle a été témoin et qui a fait plusieurs victimes.
Mais Diane Kurys ne se contente pas de simplement de dresser un bilan. Toujours via ses jeunes personnages féminins, elle dissémine ici et là quelques éléments de scénario dans lesquels souffle le vent du changement : la fugue d’une camarade qui finira par reparaître mais habitée par un souffle de rébellion/liberté qui explosera en plusieurs redoutables « Merde ! » se répercutant dans la cour du lycée ; ou encore dans une des plus belles scènes du film, où le temps semble suspendu alors que Frédérique et l’une de ses camarades croisent leur regard sans se dire un mot. Derrière le silence, on imagine les débuts d’un amour lesbien et encore au-delà celui des prémices d’une émancipation voire d’une libération sexuelle de la femme.
Sa richesse thématique incroyable, son atmosphère à la mélancolie sucrée, sa chanson culte, son portrait de la France des années 60… tout cela explique le succès jamais démenti de Diabolo Menthe, premier film et coup de Maître pour Diane Kurys. Un film de patrimoine, essentiel à voir, revoir, découvrir et redécouvrir et dont l’écho continue de se répercuter dans la société d’aujourd’hui.
Image
Il aurait été sûrement faisable de tout passer au crible du numérique et de se retrouver avec une image parfaite mais exsangue de l’atmosphère si particulière du film. Grace à un nouveau scan 4K à la source, un grain persistant est donc gardé et c’est très bien comme ça. Une excellente idée qui n’empêche pas le film de profiter d’une somme de détails probablement jamais vue jusque-là et de conserver une très belle luminosité qui lui donne la vitalité dont son histoire a besoin.
Son
Une unique piste DTS-HD qui fait très bien le travail. Les prises de son, comme toujours assez timides voire inaudibles à moins d’un volume poussé très haut, notamment lors des conversations intimistes, dans beaucoup de films français de l’époque, trouvent ici un équilibre parfait. La musique s’y superpose sans heurts et offre, elle aussi, un rendu parfait.
Interactivité
Dans une boîte avec fourreau cartonné comportant un bluray et deux DVD (film + bonus), Rimini propose une somme de bonus impressionnante tentant, on le sent, de toucher la complétude : d’abord, l’entretien quasi habituel d’un(e) journaliste/critique/historien(ne) de cinéma, ici Guillemette Odicino, qui nous livre une foultitude d’anecdotes éclairantes sur le film. Viennent ensuite plusieurs entretiens, l’un avec Odile Michel (Frédérique dans le film) qui nous livre quelques souvenirs de comédiennes (notamment de théâtre), puis deux entretiens avec Diane Kurys elle-même, l’un datant de 1978, l’autre beaucoup plus récent. Un dernier entretien nous propose de revenir avec Yves Simon sur la genèse de sa collaboration au film et l’écriture de sa fameuse chanson (anecdote dont Guillemette Odicino nous parle déjà dans son entretien). Suivent deux bandes annonces, l’une d’époque, l’autre plus récente.
On regrette un peu un commentaire audio de Diane Kurys qui aurait complété parfaitement l’ensemble mais cela reste très dense et extrêmement intéressant. A noter que l’intégralité des bonus se retrouvent sur le second DVD. Du très bon boulot.
Liste des bonus
Entretien avec Guillemette Odicino (31’48), Entretien avec Odile Michel (21’34), Interview Diane Kurys 23/03/1978 (9’56), Entretien Diane Kurys (33’08), Entretien Yves Simon (12’45), La boîte à Images (3’20), Bande annonce originale (2’25), Nouvelle banda annonce (1’30).