DETENTION & GET THE HELL OUT
返校, 逃出立法院 – Taïwan – 2019, 2020
Support : Bluray
Genre : Horreur, Comédie
Réalisateurs : John Hsu, I.-Fan Wang
Acteurs : Gingle Wang, Meng-Po Fu, Jing-Hua Tseng, Cecilia Choi, Bruce Hung, Megan Lai, Tsung-Hua Tou
Musique : Luming Lu
Image : 2.35 et 1.75 16/9
Son : Mandarin DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Durée : 102 et 95 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 17 juillet 2023
LE PITCH
Detention : En 1962 à Taiwan, durant la période de la loi martiale, Fang Ray-Shin, une étudiante du lycée Hillside Greenwood tombe amoureuse de son professeur Mr Chang. À l’époque, les livres jugés contre le gouvernement était bannis, la liberté très restreinte, mais Mr Chang a organisé un groupe de lecture avec d’autres professeurs et quelques étudiants. Mais quand Mr Chang disparaît, Wei-Chong, un étudiant, et Fang se réveillent au milieu de la nuit, dans l’école, vide…
Get the Hell Out : Une politicienne mise au rancart se tourne vers le gardien de sécurité qu’elle tient responsable de son licenciement pour garder un pied dans l’arène politique. Elle exige de lui qu’il se présente au gouvernement à sa place et qu’il y véhicule ses idées. Voilà que survient tout à coup un virus transformant les membres du parlement en zombies et que la seule charte à adopter est la fuite.
Les morts, les vivants, et ceux au millieu
Spectrum Films ouvre une nouvelle porte vers le trop rare cinéma moderne taïwanais avec un double programme réunissant Detention et Get The Hell Out. Deux films qui tout en s’emparant des codes du cinéma d’horreur, scrutent le passé douloureux du pays ou son marasme politique plus actuel. Mais l’un opte pour le film d’ambiance oppressant, l’autre pour la grosse déconnade caricaturale.
Grand gagnant des Golden Horse Awards à Taiwan avec des prix pour la meilleure réalisation et meilleur adaptation (entre autres), Detention est une adaptation inattendue d’un jeux vidéo disponible sur à peu près toutes les consoles depuis 2017. Un survival horror stylisé, angoissant et d’autant plus remarquable qu’outre ses particularismes shintoïstes il se déroule durant les années soixante, dans un pays sous le joug d’une terrible loi martiale qui durera jusque dans les années 80. Un contexte préservé dans le film de John Hsu, voir accentué lorsque le croquemitaine qui fait quelques apparitions prend l’apparence d’une version monstrueuse de l’inspecteur militaire qui scrutent tous ces lycéens et professeur à la recherche d’un club de lecture de livres interdits. Dans un contexte d’oppression totale, écrasant, malsain, les petites histoires entre jeunes gens ou l’admiration envers un prof trop charismatique, peuvent vite tourner au drame. Ainsi alors que Wei-Chong est torturé par la police, il s’évanouit et se réveille dans une version cauchemardesque de son établissement scolaire où il croise la jolie Fang, elle aussi hantée par d’étranges visions et fantômes qui les accablent souvent. Clairement influencé par le rapport réel / rêve de Silent Hill, Detention joue admirablement de cette dichotomie pour construire à la fois une atmosphère très efficace de pur film d’horreur onirique, constamment plongée dans le noir à peine éclairé par la simple bougie de l’héroïne, et la description d’une période historique d’autant plus douloureuse qu’elle semble aujourd’hui toujours placée sous silence par les autorités et la société taïwanaise. Avec une esthétique léchée, des ressorts et des visions flippantes propres à attirer le jeune public dans la salle, Detention pose intelligemment la question du devoir de mémoire et du besoin de réparation collective.
Symposium sanglant
Pas de trace de poésie mélancolique ou macabre dans Get The Hell Out, qui balance une invasion zombie en pleine session du parlement taïwanais. Un cadre beaucoup plus contemporain, mais qui là encore vient offrir un effet de loupe (surligné) sur les déviances du système politique taïwanais actuel, et en particulier ses outrances partisanes, sa corruption et son chaos généralisé, ici à peine exagéré. En ligne de mire une bataille autour d’une l’implantation d’une usine douteuse entre une Hsiung Ying-Ying qui ne souhaite que protéger sa maison et le lieu de ses souvenirs d’enfance, et la crapule Li Kuo-Chung tout droit sortis d’un film de yakuza. Si déjà les débats font rages et les acteurs en font des caisses, le film ajoute à la sauce une invasion d’infectés, galopant et dévorant dans tous les sens les membres de l’hémicycle. La satire politique ne fait clairement pas dans la dentelle (le président est bien entendu le Patient 0) et la mise en scène en rajoute une bonne dose en multipliant les mouvements hystériques, les inserts manga et les geysers de sang totalement gratuits. Gentiment gore et surtout totalement parodique, Get The Hell Out ne craint pas la caricature, de la multiplication des gags, des hurlements et des bastons dignes de match de catch. Et si effectivement le scénario tourne rapidement en rond dans cette échappée métaphorique du haut lieu de la démocratie taïwanaise, l’énergie débordante et frénétique d’un spectacle qui peut que rappeler dans ses meilleurs moments l’univers nonsensique de Stephen Chow, emporte le suffrage des amateurs de ce type de comédie foutraque et un poil gore.
Deux versants totalement opposés du cinéma d’horreur, l’un très sérieux et pénétré, l’autre chaotique et lourdingue, mais Detention et Get The Hell Out confirment chacun a leur manière la vitalité trop méconnue du cinéma de genre taïwanais. Un cinéma manifestement marqué aussi par une admirable volonté de croiser les codes bien connus avec des questions beaucoup plus concrètes sur la santé idéologique et politique du pays.
Image
Avec des approches très différentes, les deux films ont été tourné directement sur support numérique. Les masters disposés apportent donc une image très fluide, vive et précise, mais avec tout de même les mini défauts de ce genre d’entreprise, en particulier avec Detention, comme une patine légèrement plus douce (très notable sur les « créatures » en synthèses) sur les plans retouchés et même de tout petits effets de banding dans les plans sombres. Les transferts n’en sont pas moins très performants avec des couleurs toujours fermement contrastées et un piqué bien pointu.
Son
Si la piste DTS HD Master Audio 5.1 de Get The Hell Out s’efforce surtout d’accompagner la frénésie générale en restant toujours claire malgré la camera qui bouge dans tous les sens et les hurlements de chacun, son homologue sur Detention joue bien entendu plus subtilement sur les atmosphères inquiétantes et les bruitages enveloppants. Dans les deux cas c’est efficace et adapté.
Interactivité
Pour ce double programme Taïwan, Spectrum Films a fait appel à la spécialiste du cinéma taïwanais Wafa Ghermani, déjà croisée sur Typhoon ou Exécution en Automne chez Carlotta ou Millennium Mambo chez le même éditeur. Deux présentation toujours aussi documentées et intéressantes qui réunissent les deux propositions dans un même mouvements visant à revisiter les questions politiques au sein du cinéma de genre, apparemment très marqué par le succès du Dernier train pour Busan. Les styles de chacun, les contours politiques et historiques qui servent de toile de fond et les petits particularismes des films sont abordés avec sobriété.
Sur son disque Detention profite aussi d’une longue interview de son réalisateur qui revient consciencieusement sur le travail d’adaptation du jeux vidéo, ses références et le contexte dramatique de son métrage. Un peu figé mais assez complet.
Liste des bonus
Présentation des films par Wafa Ghermani (25’ et 13’), Interview de John Hsu (45’) et Bandes-annonces.