DÉMONS 1&2
Demoni, Demoni 2 – Italie – 1985, 1986
Support : UHD 4K
Genre : Horreur
Réalisateur : Lamberto Bava
Acteurs : Urbano Barberini, Natasha Hovey, Karl Zinny, David Edwin Knight, Nancy Brilli, Coralina Cataldi-Tassoni, Asia Argento, Michele Soavi…
Musique : Claudio Simonetti, Simon Boswell
Durée : 179 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Italien et anglais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 05 avril 2022
LE PITCH
Un mystérieux homme masqué distribue dans le métro des invitations pour la projection d’un film d’horreur. La fiction va bientôt se confondre avec le réel lorsque les spectateurs vont subir le même sort que les personnages à l’écran…
Dans un immeuble, une jeune fille fête son anniversaire. Au même moment, la télévision diffuse un film d’horreur sur une invasion de démons. L’un d’eux va s’extraire du poste pour semer la terreur parmi les invités, puis dans l’immeuble tout entier…
Grands messes
Dernier sursaut d’un cinéma d’horreur transalpin en pleine déconfiture, dévoré sauvagement par l’empire télévisuel Berlusconi, les deux Démons sont rapidement devenus culte, autant pour la générosité grotesque du spectacle que pour leurs excès les plus nanars. Désormais présentés avec tous les honneurs, steelbook et restauration 4K à l’appui, les deux cérémonies en deviendraient presque des grands classiques.
Confectionné sous la houlette de celui qui était encore le maître de l’horreur à l’italienne, alias Dario Argento ici producteur très impliqué mais aussi coscénariste et superviseur de la bande originale du copain Claudio Simonetti (Goblin), Démons premier du nom est née de ce réflexe typiquement local de copier outrageusement tous les grands succès du cinéma populaire. Ici en l’occurrence, et sans grand mystère, celui du génial Evil Dead de Sam Raimi, auquel le malin Lamberto Bava va ajouter un brin de bave verdâtre de L’Exorciste et une tonalité zombiesque et apocalyptique du tout aussi incontournable Zombie de George A. Romero produit par… Dario Argento. Voilà qui sent déjà le gloubi-boulga qui pourrait vriller aisément dans le Z total surtout que le scénario, se contentant de réunir dans un cinéma envahis quelques seconds rôles de film catastrophe américain pour les laisser se dépatouiller, n’a pas forcément les épaules pour tenir la dragée haute durant les 90 minutes standard.
Ils crèvent l’écran
Pourtant, malgré quelques moments d’errances parfaitement incarnés par une bande de punk qui cherchent où se garer en écoutant du Billy Idol (preuve heureusement d’un semblant de bon goût), un miracle s’opère et le petit Bis prévu se transforme en gigantesque spectacle baroque, opératique, improbable : un véritable festival de gore. De l’horreur fête foraine qui ne craint pas de se lancer dans un massacre combinant moto et katana entre les rangées de sièges rouges, avant qu’un hélicoptère ne s’écrase au milieu de la pièce. Un film on ne peut plus généreux, jouissif, autant pour la débilité déconcertante du casting (les doublages y sont pour quelque-chose) que le génie créatif dont fait preuve l’excellent Sergio Stivaletti (Phenomena, Dellamorte Dellamore) dans ses maquillages démoniaques spectaculaires et des effets spéciaux sanglants parfaitement corsés. De sacrées gueules pour un métrage qui n’est pas loin d’être le mieux shooté de tous les opus de Lamberto Bava (Baiser Macabre, La Maison de la terreur), emporté par une belle efficacité d’artisan et une volonté touchante de rendre hommage au célèbre paternel par de nombreux clins d’œil (l’omniprésence d’un « masque du démon ») et une photographie kaléidoscopique. Surtout, derrière les vicissitudes d’un home invasion relativement primaire et fatal, le réalisateur installe un parallèle aussi ludique que sincère entre les évènements qui se déroulent dans la salle et ceux qui se déroulent sur l’écran, venant tisser un lien intime entre les spectateurs et les quelques décennies écoulées de bijoux bis italiens.
Change pas de chaîne !
Des démons qui jaillissent de l’écran dans le premier, et d’autres qui s’extraient des plus étriqués tubes cathodiques dans le second… Forcément motivé par l’exceptionnelle réception du premier opus, toute la petite clique remet le couvert en signant un second épisode dès l’année suivante et qui ressemble bien souvent à un simple remake bigger and louder en décor urbain. Les maquillages sont encore plus fous qu’avant, les transformations plus nombreuses impliquant même un gosse, un chien et un gobelin façon Muppet Show, dans un carnage qui prend cette fois-ci pour cadre les appartements clinquants de locataires yuppies stupides, obsédés par leur confort matérialiste, suants dans le club de gym en short trop court et rivés à leurs écrans de tv. Lamberto Bava moins inspiré dans sa mise en scène, plus froid dans ses lumières, moins contenu dans son rythme et laissant plus que jamais ses personnages peu sympathiques servir d’amuse-gueule aux possédés infectieux, annonce sans détour les derniers jours du cinéma d’horreur italien, asséché par l’omniprésente télévision. Le scénario de fond, ne tient pas plus la route que pour le premier essai, dont il recale d’ailleurs les évènements dans le lointain contexte du film douteux d’où vont cette fois-ci s’extraire les forces du mal. Pas honteux au premier degré, hilarant au second avec un doublage français totalement abusé, Démons 2 se paye le petit luxe d’annoncer dans son final presque poétique et prophétique, la futur malédiction / contamination de la fameuse Sadako et ses multiples incarnations.
Imparfait mais inoubliables, les deux Démons de Lamberto Bava et ses copains résonnent aujourd’hui plus que jamais grâce à ces restaurations de très haute volée, à l’ultime chant du cygne d’un cinéma italien inventif, abondant, bancal, fulgurant et parfois parfaitement crétin qui aura fait le bonheur d’amateurs éclairés hantant les cinémas de quartiers, puis les vidéoclubs. Pour les connaisseurs certainement.
Image
Voici deux petites merveilles de copies 4K produites après un nouveau scan des négatifs et des restaurations colossales et complètes des pellicules. En dehors de deux courts plans de Démons 2 bizarrement tremblotants (et très désagréables), les masters sont d’une propreté virginale, d’une stabilité impeccable et d’une définition redoutable. Exit les sensations vieillottes d’autrefois, les galettes proposent des expériences rutilantes, pointues dotées d’un élégant grain de pellicule, de superbes reflets argentiques et d’une profondeur inédite. Mais surtout les deux films gagnent véritablement dans la restitution d’une esthétique bien loin de l’imagerie terne et cheap qu’on leur a longtemps connu grâce à un réétalonnage très généreux des couleurs et une rehausse de leur intensité. Plus que jamais l’ombre de papa Bava plane sur le diptyque.
Son
Assez réputé pour ses post-synchronisations venant ajouter généreusement aux aspects les plus excessifs des films, Démons 1 et 2 retrouvent bien évidemment leurs versions anglaises et françaises presque entrées dans la légende. Une grande source de rigolade disponibles dans des mix joliment nettoyés disposés en DTS HD Master Audio mais avec l’option plus moderne 5.1 uniquement pour le premier. Pourtant, en puriste, la version italienne presque plus sobre, plus équilibrée et donc plus premier degré s’affirme ici comme le doublage le plus réussi avec soit un DTS HD Master Audio 2.0 franc et direct, soit un 5.1 plus ample et s’ouvrant à quelques atmosphères supplémentaires pas désagréables.
Interactivité
Proposé dans un même steelbook double disque, les deux UHD de Démons 1 et 2 sont accompagnés d’une bonne sélection de bonus repris en grandes part sur leurs homologues anglo-saxonnes et hérité tout aussi souvent des premières sorties Bluray. D’où une définition un peu datée et parfois de sous-titres anglais incrustés dans l’image. Pas forcément plus gênant que cela surtout que les deux rencontres avec Lamberto Bava (beaucoup plus longues pour le premier film) et avec le producteur Dario Argento s’avèrent particulièrement complètes et intéressantes, évoquant beaucoup la collaboration collective, l’état du cinéma de genre italien à l’époque et la mise en place des SFX. On peut y dégotter aussi une interview très éclairante du composition Simon Boswell, dont Demons 2 était le premier vrai projet solo, et qui avoue n’avoir jamais été vraiment fan de film d’horreur, ni s’être imaginé au départ compositeur pour le cinéma, métier qu’il apprit donc sur le tas.
Question de creuser encore notre connaissance de la famille Bava, Roy Bava alors jeunes assistant sur le tournage du diptyque mais futur collaborateur de Ridley Scott, revient sur la tradition cinématographie familiale et raconte les deux tournages par son point de vue légèrement extérieur.
Plus original le segment Ensemble et à part se livre à l’exercice difficile de l’analyse croisée des deux métrages, servie ici par une critique anglaise, soulignant les confrontations entre les espaces et les personnages, revenant sur certaines symboliques et la vision du cinéma d’horreur et de la société des années 80. Quelques idées que l’on retrouve en partie dans les deux présentations signées Romain Vandestichele, qui résument assez efficacement tout le reste. Un repas complet.
Liste des bonus
« Carnage au cinéma : Lamberto Bava et son chef-d’œuvre gore » : entretien avec le réalisateur (36’), « Dario et les démons : production de monstres en pagaille » : entretien Dario Argento (16’), « La Dernière séance » : entretien inédit avec Romain Vandestichele, auteur avec Gérald Duchaussoy du livre « Mario Bava, le magicien des couleurs » (25’), « Une suite réclamée : l’héritage délirant de Démons 2 » : entretien avec Lamberto Bava (16’), « La Génération « Démons » : Roy Bava, l’héritage en lacérations »: entretien avec le fils de Lamberto Bava, assistant sur les deux films (34’), « Une bande originale pour du gore » : entretien avec le compositeur Simon Boswell (27’), « La Tour infernale » : entretien inédit avec Romain Vandestichele (18’), « Ensemble et à part : espaces et technologie dans Démons et Démons 2 » : essai vidéo par l’auteure et critique Alexandra Heller-Nicholas (26’), Bandes-annonces.