DECISION TO LEAVE
分手的決心 – Corée du Sud – 2022
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Park Chan-Wook
Acteurs : Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo, Park Yong-Woo, Lee Jung-Hyun
Musique : Jo Yeong-wook
Durée : 138 minutes
Image : 1.78
Son : Coréen Dolby Atmos, Français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : M6 Vidéo
Date de sortie : 16 novembre 2022
LE PITCH
Hae-Joon, détective chevronné, enquête sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne. Bientôt, il commence à soupçonner Sore, la femme du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle.
Les Amants ennemis
Retour attendu du grand Park Chan-Wook qui avait mis tout le monde KO avec le renversant et sublime Mademoiselle, Decision To Leave surprend à nouveau par son étrange timidité où la finesse inventive de la mise en scène vient révéler une histoire d’amour effarouchée entre un policier et le sujet de son enquête. Une obsession méticuleuse.
Sans doute faut-il rappeler que Decision to Leave est un film policier. Le rappeler est nécessaire tant le cinéaste prend un malin plaisir à nous le faire oublier, se décalant toujours d’un pas léger et latéral des passages obligés d’un genre archi rabattu. La découverte du corps où la caméra vient s’emparer du moindre micro-indice, le face-à-face dans la salle d’entretien avec vitre sans tain, les longues heures de filatures, les faux coupables issus de la truanderie basique… Park Chan-Wook les déposent consciencieusement, mais les réinvestit viscéralement pour en faire des outils révélateurs des sentiments qui naissent ou se confrontent entre les deux amants hors normes du film. Lui est un policier tiré à quatre épingles, sérieux et presque effacé, elle épouse d’un homme retrouvé mort et qui ne va cesser de brouiller les pistes avec sensualité, fragilité et une maladresse dont on arrive jamais à savoir si elle est feinte ou non. Les interprétations de Park Hae-Il (Memories of Murder) et Tang Wei (Lust, Hacker) sont rigoureuses et véhiculent une sensation déchirante de passions irrésolues, mais c’est véritablement la caméra de l’auteur de Old Boy qui les relie constamment dans des champs / contre-champs qui n’en sont jamais vraiment, dans des jeux de nettetés et de flous où leur raison s’étiole, dans le mélange de décors réels ré-habités (voir le motif de la vague sur le papier peint chez Song Seo-rae), crées de toutes pièces (la montagne entre numérique et décors visiblement factice) ou simplement révélés par la photographie éclatante de Kim Ji-Yong (A Bittersweet Life, Monster Boy).
Ensemble, c’est tout
Tout est fait pour accentuer le romantisme déchirant du film tout en troublant les perceptions d’un spectateur déjà bien malmené par une intrigue sinueuse, étrangement complexe où deux enquêtes vont se répondre et s’éclairer rétrospectivement et les ruptures de ton (le collègue gaffeur et hilarant, les obsessions macrobiotiques de l’épouse…) si chères au metteur en scène et au cinéma coréen contemporain. Plus que jamais, rien n’est laissé au hasard dans Decision to Leave, superposition de détails en apparences anodins, mais en définitive systématiquement révélateurs aussi bien de la vérité de certains faits que de la vérité des sentiments qui relient ce couple interdit (par leurs places dans les affaires criminels en question, par leurs couples préexistants, par leur passifs et leurs postures). Évoquant par certaines images le superbes Noces rouges de Claude Chabrol, rejouant la hantise charnelle du Vertigo d’Alfred Hitchcock, le dernier film de Park Chan-Wook est à nouveau une œuvre hypnotique, somptueuse, intensément cinématographique où le cinéaste a simplement choisi de taire, d’assourdir plus que de coutume la puissance tragique et l’excès des situations et des personnages pour ne leur laisser qu’une ultime libération. Une dernière séquence poétique et douloureuse, définitivement mélancolique et où l’esprit tortueux du metteur en scène relie tous les points qu’il avait disposé patiemment tout au long de son drame policier. Fort.
Image
Produit en numérique 4K uniquement pour des questions techniques (il n’existe plus de labo pellicule en Corée), Decision to Leave a cependant été travaillé et retravaillé pour se rapprocher au plus près des sensations argentiques. La lumière, les matières, les effets vaporeux et les différents filtres sont admirablement restitués ici, retranscrivant avec soin et finesse l’atmosphère visuelle très particulière du film, ses contrastes maniérés, sa profondeur constante, ses reflets sauves et métalliques. Superbe.
Son
La version française fait des efforts pour retranscrire au mieux les intentions du film, mais on lui préfèrera aisément la version originale disposée dans un savoureux Dolby Atmos. Comme souvent le dispositif n’est pas le plus impressionnant dans les excès plus « musclés » du film, mais bien dans la minutie ahurissante de la spatialisation, de ses ambiances naturelles et de sa richesse incroyable de détails. L’apparition du vent froid qui s’engouffre entre les arbres ou le ressac de la mer refroidissent subjectivement la pièce.
Interactivité
Pas grand-chose de vraiment renversant en provenance de Corée puisque le making of n’est qu’une featurette bien sage d’un peu moins de dix minutes. Quelques images de tournages, présentation de la situation et des personnages, célébrations collégiales, du grand classique. M6 Vidéo a donc invité Philippe Rouyer, grand amateur et connaisseur du cinéaste, pour enregistrer une longue présentation et analyse du film. Les caractéristiques esthétiques, la réinvention des codes par le cinéaste, la retenue des personnages, le journaliste scrute effectivement le film, au plan près parfois, mais n’hésite pas non plus à le mettre en parallèle avec les autres œuvres de Park Chan-Wook, voir même avec une certaine idée plus générale du cinéma coréen.
Liste des bonus
« Entre terre et mer… Le cinéma de Park Chan-Wook » par Philippe Rouyer (2022, 37’30”), « Moments of Decision to Leave » : making of (9’13”, VOST).