DÉCISION À SUNDOWN
Decision at Sundown – Etats-Unis – 1957
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Bud Boetticher
Acteurs : Randolph Scott, John Carroll, Karen Steele, Valerie French, Noah Beery Jr., John Archer…
Musique : Heinz Roemheld
Durée : 77 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 20 septembre 2021
LE PITCH
Ivre de vengeance, le cowboy Bart Allison débarque dans la petite ville de Sundown et interrompt le mariage de Tate Kimbrough, l’homme qu’il rend responsable du suicide de la femme qu’il devait épouser…
L’Effet papillon
Troisième collaboration entre le réalisateur Bud Boetticher et l’acteur Randolph Scott, Décision à Sundown est aussi l’un des moins réussis. Toutefois, un dernier acte à la résolution inattendue et même assez gonflée mérite que l’on s’attarde sur ce western mineur, cousin pas si éloigné que ça du Train sifflera trois fois.
« Médiocre ». C’est ainsi que Boetticher qualifie Décision à Sundown. Un jugement un tantinet sévère mais qui peut s’expliquer par l’absence du précieux Burt Kennedy au scénario, ici remplacé par le besogneux Charles G. Lang. Ce dernier ayant sans doute eu les yeux plus gros que le ventre, l’énorme potentiel de l’intrigue et des personnages qui l’habitent est manifestement sous exploitée. Jugez plutôt : en mettant les pieds dans la petite bourgade (en apparence paisible) de Sundown, Bart Allison, le pistolero vengeur campé par un Randolph Scott plus monolithique que jamais, ne mesure pas une seule seconde la conséquence de ses actes. En s’attaquant à l’ambigu Tate Kimbrough qu’il promet d’abattre, Allison met en réalité un coup de pied dans une sacrée fourmilière et pousse indirectement les citoyens à la révolte. Car derrière les sourires de façade, personne (ou presque) à Sundown n’apprécie pas la mainmise de Kimbrough qui règne par la corruption et l’intimidation. L’occasion de brosser le portrait d’une ville sous tension et de mettre en lumière la faiblesse, l’hypocrisie et la mesquinerie de tout un chacun ? L’intention est bien là mais le résultat est loin de tenir ses promesses. Non seulement Charles Lang doit composer avec les contraintes économiques du projet (80 pages, pas une de plus, car le film doit être exploité en double programme) mais il se tire aussi une balle de pied en s’imposant une unité de temps et de lieu. L’histoire commence peu avant midi et se termine avant le coucher du soleil et se déroule essentiellement dans une étable, un saloon et la rue qui sépare les deux bâtiments. C’est peu et le script joue la carte de la prudence en restant tristement en surface. Les dialogues sont fonctionnels, les relations entre les habitants ne sont pas assez fouillées et le retournement de veste de certains tombe un peu comme un cheveu sur la soupe.
Un plat qui se mange froid
Fort heureusement, Bud Boetticher sait travailler à l’économie et sa mise en scène, dégraissée jusqu’à l’os mais précise comme un scalpel de chirurgien, permet de sauver les meubles. Le rythme est soutenu avec une montée en tension lors des quinze premières minutes qui est assez remarquable tandis que le siège de la grange est l’occasion pour le cinéaste de démontrer sa science du cadre et du suspense, transformant un décor assez terne en piège mortel. Mais on le sent surtout impatient d’en arriver au dénouement et de bouleverser les conventions d’un ressort dramatique majeur du genre : la vengeance.
En amorce de cette conclusion, une discussion entre le meilleur ami et compagnon d’infortune de Bart Allison (excellent Noah Beery Jr.) et le médecin de la ville nous propose un retournement de situation pas piqué des vers : la demoiselle dont Allison cherche à venger l’honneur et la mémoire ne le méritait pas ! Elle n’était ni fidèle, ni loyale et son suicide était prévisible, voire inévitable. BAM ! Le « héros » se bat pour une cause qui n’a rien de juste et le « méchant » n’est pas un salopard absolu. Mais le duel tant attendu entre les deux antagonistes s’annonce tout de même … avant d’être brutalement interrompu par une prostituée amoureuse de Kimbrough et qui le sauve en lui tirant dessus. Renonçant par forfait à sa vengeance, Allison quitte la ville la queue entre les jambes et le vin mauvais, incapable de reconnaître qu’il aura au moins permis aux habitants de reprendre le contrôle de la ville tandis que Kimbrough entame sa rédemption au bras de la femme qu’il aime vraiment. De ce fait, Boetticher remet en cause la notion même de légitimité d’une vendetta armé et souligne l’impuissance de son fier pistolero, frustré de n’avoir pu « tirer son coup », au sens propre comme au sens figuré. Ce final pathétique et audacieux, où l’amertume et le tragique le dispute à l’ironie confère à cette série B que l’on croyait prévisible une texture visionnaire et crépusculaire dont on peut se demander si elle n’a pas inspiré un certain Clint Eastwood pour le mythique Impitoyable. Quoi qu’il en soit, Bud Boetticher ne laisse pas de place au doute : justice, passions et armes à feu ne font décidément pas bon ménage.
Image
La propreté (il faut chercher les points blancs et les griffures à la loupe) et les couleurs ravivés de ce master haute-définition souffrent occasionnellement d’une granulosité parfois excessive. Une restauration en demi-teintes, donc.
Son
Fuyez comme la peste la version française plate et monocorde pour vous rabattre sur une version originale un peu plus dynamique en dépit d’un très léger souffle et d’une tendance à la saturation dans les aigus.
Interactivité
D’une générosité presque excessive, elle permet d’appréhender le film et l’oeuvre de Bud Boetticher sous plusieurs angles critiques. Dans sa présentation, Bertrand Tavernier ne cache pas ses réserves vis à vis d’un film qu’il considère comme très inférieur comparé à d’autres westerns du cycle Boetticher/Scott. Le même Tavernier revient sur la carrière du réalisateur dont il fut le premier à proposer une interview pour la presse cinéma. Patrick Brion et Jean-François Giré se fendent également d’une présentation, le premier plutôt mesuré et le second très enthousiaste. On trouvera également un court entretien avec un critique anglais qui nous explique pourquoi Randolph Scott fut l’une des plus grandes stars du western et une icône au moins aussi incontournable que John Wayne et Clint Eastwood (et le bougre a de solides arguments). Le cinéaste Taylor Hackford baisse le rideau sur cette interactivité précieuse avec un entretien où il nous raconte l’influence de Décision à Sundown sur sa vie de cinéphile et d’artiste.
Liste des bonus
Présentation de Bertrand Tavernier, Bud Boetticher par Bertrand Tavernier, Présentation de Jean-François Giré, Présentation de Patrick Brion, Portrait de Randolph Scott, Entretien avec Taylor Hackford, Bandes annonces.