Petit artisan parmi beaucoup d’autres de ce regretté âge d’or du cinéma populaire italien, Sergio Bergonzelli se sera essayé à de nombreux genres, passant de l’étude de mœurs sexy à l’horreur pure en passant même, comme beaucoup, par l’exploitation X sur la toute fin de sa carrière. On se souvient cependant surtout de lui pour une petite poignée de westerns à l’italienne dont un très moyen Le Dernier pistolet mais qui eut le mérite en 1964 de devancer le Pour une poignée de dollar de Sergio Leone. Un petit faiseur aux propositions commerciales et mécaniques, mais qui derrière la façade de série B pas franchement mémorable cachait des ambitions importantes, celle d’un auteur de cinéma qui s’espérait capable de se hisser à la hauteur de ses pairs. Point d’orgue de cette carrière relativement oubliée aujourd’hui, Dans les replis de la chair se voulait ainsi une réinvention du giallo première génération et sorti d’ailleurs à quelques foulées du beaucoup plus célébré L’Oiseau au plumage de cristal de Dario Argento. Mais à la sophistication précise de ce dernier, Bergonzelli préférait plonger à bras le corps dans une déstructuration et accentuation délirante des codes du giallo à machination. Car ici il n’y a pas une machination mais une accumulation, auxquels répondent des personnages changeant constamment de masques, d’identités et de positions dans une famille plus déglinguée que jamais.

Festen

Tout commence par une introduction très réussie montrant comment un criminel va être témoin du meurtre d’un homme, décapité, devant un couple d’enfant. Le coupable idéal et qui délivre alors la tueuse du moindre soupçon de culpabilité. 13 ans plus tard, le trio vit toujours ensemble, en quasi-autarcie partageant leur temps entre les deux vautours géants hurlants dans leur cage, la fabrication de savon (devenez avec quoi ?) et les rapprochements franchement incestueux. S’ouvrant sur une proto citation de Freud, Dans les replis de la chair compresse plus ou moins toutes les théories de la psychanalyse et les figures symboliques en un simple trio interprété avec un mélange d’effacement et d’hystérie qui ajoute au degré de folie général. Il faut dire que malgré l’expérience Eleonora Rossi Drago (David et Goliath, été violent), Pier Angeli (Sodome et Gomorrhe, La Bataille des Ardennes) ne devait savoir où donner de la tête à la lecture d’un script qui entre deux meurtres gratuits (faut éviter les mains baladeuses cependant) multiplie les twists, les révélations à tiroir et les dédoublements de personnalité jusqu’à la lie. On croit le degré ultime atteint lorsque André, le père que l’on croyait mort durant tout le film revient frais comme un gardon, mais en définitive ici personne n’est qui il semble être, et n’est même pas forcément conscient d’usurper son identité. Grand fan d’Hitchcock, Bergonzelli fait son Vertigo, mais en mode dégénéré habillé de zooms, de cadrages déviés, d’effets vaguement psychédéliques courant après l’hystérie de personnages définitivement insaisissables.

Un film curieux, malade, et donc forcément aguichant pour les bisseux qui profiteront au passage d’un flashback totalement gratuit façon Naziploitation avant l’heure dont le but évident est moins d’installer une notion de transmission du trauma à travers le temps, que de filmer quelques jolies italiennes en nudité frontale. Absurde jusqu’au bout, Dans les replis de la chair mérite effectivement le détour, mais non pas que pour de bonnes raisons.