DANS LA POUSSIÈRE DES ÉTOILES
Im Staub der Sterne – Allemagne – 1976
Support : Bluray & DVD
Genre : Science-Fiction
Réalisateur : Gottfried Kolditz
Acteurs : Jana Brejchovà, Alfred Struwe, Ekkehard Schall, Milan Beli, Silvia Popovici, Violeta Andrei…
Musique : Karl-Ernst Sasse
Image : 1.66 16/9
Son : Allemand LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 95 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 3 décembre 2024
LE PITCH
Ayant reçu un appel de détresse provenant de la planète TEM4, le vaisseau spatial Cyrno parvient à s’y rendre, non sans difficultés. Sur place, on fait comprendre à l’équipage qu’il s’agissait d’une erreur. Le chef de la planète invite alors tous les membres du Cyrno à une fête. Seul Suko reste méfiant, et à juste titre : les mines de TEM4 ont besoin d’esclaves…
Planète rouge
Forcément isolé culturellement et physiquement par le gigantesque mur qui scindait le pays et sa capitale en deux, l’Allemagne de l’est n’aura cependant jamais été totalement hermétique aux évolutions culturelles et esthétiques du « monde libre » et s’essayera même à quelques occasions à un cinéma de science-fiction populaire, peuplée de décors exotiques, de costumes improbables et de navettes en aluminium…. Voici donc Dans la poussière des étoiles.
Dernière grosse production du genre produite par la fameuse DEFA, société d’état et donc assujettis à la nécessité de transmettre la bonne parole communiste, Dans la poussière des étoiles ne ressemble pas forcément à cette aridité, cette austérité réflective et intellectuelle que l’on attache d’habitude aux essais de ce type en provenance de l’Est. Ce n’est certainement pas du Tarkovski même si nos héros peuvent parfois se laisser aller à l’introspection et si certains panoramas, en l’occurrence des mines de Roumanie, peuvent faire penser par leurs reliefs aux paysages de Stalker, Dans la poussière des étoiles se voyant beaucoup plus imprégné par quelques références pop comme le Barbarella de Vadim (érotisme, danse et couleurs flashy), le classique coloré Planète interdite (toute la première partie) et plus généralement la série classique Star Trek. Pour ce dernier, la proximité se reflète aussi bien dans ses accents kitchs (costumes, décors stylisés mais limités…) que plus généralement dans sa structure exploratrice puis libératrice d’un équipage bienveillant en mission de sauvetage. Sauf qu’ici pas de soucis avec une gente féminine qui se résumerait à une seule chargée de communication (pauvre Uhura), mais un équipage bien plus moderne comptant plus de femmes que d’hommes et même dirigé par l’une d’elle. Rien d’étonnant quand on connait le féminisme du régime (une travailleuse vaut bien un travailleur), qui ici oppose ses protagonistes à un faux paradis de luxe et de confort où les hommes dirigent et les femmes dansent dans des tenues légères.
Un boing dans l’espace
Les systèmes s’opposent puisque les progressistes Cyrno vont découvrir que ces « Teniens », menés par un dictateur théâtral à souhait et adepte du clavier électronique et des performances yéyé, sont en fait d’horribles colons fascistes écrasant les autochtones sous leur talons (avec un bon fond de racisme à la clef) et les transformants en esclaves. Un manichéisme de SF éprouvé mais dont la propagande renverse celle de l’adversaire américain, glissant quelques allusions au sort du peuple indien (voir le costume de la gentille Chta), fustigeant le capitalisme trompeur et les douces sirènes de la société de consommation (ici une machine laveuse de cerveau) tout en discutant, non sans une certaine lucidité le difficile choix entre la voie pacifique et la révolution prolétarienne armée. L’ironie, volontaire ou non, est que les atroces mines type goulag utilisées dans le film, étaient bel et bien quelques années plus tôt des camps de travail forcé du régime roumain de Ceausescu. Grande signature de la DEFA à qui ont doit quelques westerns locaux comme Les Apaches ou Ulzana et surtout le beaucoup plus sérieux Signal, une aventure dans l’espace, Gottfried Kolditz délaisse la froideur kubrickienne pour mieux annoncer les délires psychédéliques italiens à venir, offrant un divertissement très sympathique, dépaysant, toujours très soigné et rythmé, et doté d’un érotisme parfois assez surprenant. On se souviendra sans doute longtemps de cette courte, mais très évocatrice, danse de Regine Heintze, entièrement nue et à contre-jour : totalement gratuit et donc d’autant plus frappant.
Un drôle de film qui passe de l’aventure, aux délires sexy, à la comédie familiale et au discours politiques sans broncher, croyant dur comme rideau de fer à sa technologique clignotante, à ses costumes déjà datés (Star Wars débarque à peine un an plus tard) et à la force de son message. Charmant.
Image
Perfectible mais plutôt joli à l’arrivée, le master HD proposé par Artus permet de découvrir ce film inédit dans de très bonnes conditions avec des cadres essentiellement propres, des couleurs bien contrastées et une netteté constante. Les effets pop et flashy s’imposent aisément à l’écran et la définition se montre plutôt solide, en particulier dans les grandes scènes extérieures. On notera tout de même un piqué régulièrement sur la retenue et un grain qui glisse très facilement vers le léger bruit et les petits scintillements soulignant quelques petites manipulations numériques.
Son
La vf est inexistante, seule la version allemande est donc présentée ici (désolé pour ceux qui font encore des cauchemars avec leurs cours de langue du collège). Pas grand-chose à lui reprocher, les dialogues sont bien placés et toujours claires, la musique se laisse facilement emporter dans ses petits délires 70’s habitant une stéréo gentiment relevée.
Interactivité
Artus films propose Dans la poussière d’étoiles sous la forme d’un toujours aussi élégant digipack avec un petit fourreau cartonné du meilleur effet et surtout un livret bien copieux rédigé par Christian Lucas. L’occasion pour lui de retracer de manière très subjective, par géographies, périodes ou thématiques, les grands films SF du bloc russe des années vingt à la chute du mur. Des dizaines de curiosités, rares et le plus souvent très méconnues comme ces films d’animation tchèques aux images alléchantes, qu’on aimerait bien voir débarquer par ici. Tout un pan du cinéma populaire à défricher en tout cas.
Le même Mr Lucas intervient aussi bien entendu sur les disques Bluray et DVD avec une présentation naturellement bien plus ciblée sur le métrage en question ici avec un brassage des grands noms associés au projet, les filmographies succinctes, les grands thèmes et les particularités du métrage et son statut de dernier grand film SF de la DEFA. Le tout est complété par les habituelles galeries de photos et la bande annonce d’époque.
Liste des bonus
Le livret « Rouges sont les galaxies » de Christian Lucas (64 pages), Présentation du film par Christian Lucas (24’), Galerie d’affiches et de photos (3’), Bande-annonce originale (3’).