DANIEL
Etats-Unis – 1983
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame politique
Réalisateur : Sidney Lumet
Acteurs : Timothy Hutton, Mandy Patinkin, Lindsay Crouse, Edward Asner, Ellen Barkin, Amanda Plummer…
Musique : Bob James
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 130 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 14 octobre 2023
LE PITCH
Au milieu des années 50, Rochelle et Paul, communistes américains, ont été accusés d’espionnage au profit de l’URSS. Quinze ans plus tard, leur fille Susan devient militante politique. Son frère Daniel cherche à oublier. Mais, suite à un événement tragique, il doit se replonger dans l’histoire familiale…
Le fils de
Échec public et critique lors de sa première sortie, Daniel est pourtant toujours resté le film préféré de son auteur (comme il le cite à plusieurs reprises dans son livre Making Movies). Certainement un tournant d’ailleurs pour Sidney Lumet qui laisse derrière lui d’une certaine façon le cinéma militant des années 70 pour entrer dans une ère plus complexe encore et où surtout les réponses se font de plus en plus rares.
Si le film, comme le livre The Book of Daniel de E.L. Doctorow qu’il adapte, est effectivement basé sur l’affaire du couple Rosenberg qui furent accusé d’espionnage pour l’URSS et exécutés sur la chaise électrique, Sidney Lumet s’est toujours défendu qu’elle soit le véritable sujet du film. Un point de départ révélateur d’une époque certainement, d’un fonctionnement d’état (qui détruit les contre-courants et supporte mal le militantisme), de la question cruciale de la Peine de mort, mais dont le cinéaste va rapidement refuser tout forme d’enquête policière, de recherche aboutie sur leur culpabilité avérée ou non. Les Rosenberg sont ici renommés Isaacson, militants marxistes convaincus, presque des croisés pour une cause où se croise anticommunisme et antisémitisme dans une Amérique prête à s’engouffrer dans le maccarthisme, mais ils ne sont pas le point d’ancrage du film. Cette place est laissée à leur fils Daniel et à son rapport justement avec l’image de ses parents, leurs passifs et leurs combats. Quelle place peut-il lui trouver dans ce monde et peut-il en en accepter l’injustice et la réalité en dégradée de gris ? Surtout doit-il rejeter son héritage idéologique ou en reprendre le flambeau.
D’un combat à l’autre
Construit autour de nombreux flashbacks entre les années 50 et les années 60, Daniel questionne constamment le passé pour mieux éclairer le présent, mais dérobe au personnage toute forme de réponse claire et simple. La force du film, comme souvent dans le cinéma de Lumet, étant d’interroger et de pousser le spectateur à interroger, à y faire son propre chemin et ses propres mises en perspective avec son présent (le film est sorti en plein retour aux valeurs patriotique reaganiennes). Un film passionnant et admirablement construit. En particulier dans cette dichotomie esthétique entre les deux époques, alternant une photo légèrement sépia et des teintes plus franches, qui se rapprochent lentement tout au long du film pour ne faire plus qu’unes durant l’une des séquences les plus fortes du film dans une salle de visite de la prison. Car au-delà du cheminement intellectuel du film, Daniel prend rapidement aux tripes dans son portait déchirant d’un frère et d’une sœur totalement hantés par le drame qu’ils ont vécu enfants, dans celui de deux parents détruits peu à peu par le système, et par l’omniprésence d’une exécution barbare et inhumaine. Là, le point de vue du cinéaste et sans détour : les méthodes de mises à morts utilisées au cours de l’Histoire pour éliminer les dissidents sont décrites face caméra par Timothy Hutton et les exécutions successives du père et de la mère sont filmés de manière extrêmement frontale, avec un sens du détail au réalisme documentaire des plus dérangeants.
Un grand drame, profond et politique, assez déstabilisant dans son rejet systématique des chemins les plus simplistes, porté par des acteurs absolument intenses (Hutton mais aussi Amanda Plummer en sœurs au bord du gouffre et Mandy Matinkin / Lindsay Crouse dans le rôle des parents) et qui entamait pour Lumet une « dernière » partie de carrière qui serait de plus en plus traversée par ces troublantes relations familiales et le poids générationnel. Un film comme A bout de course qui résonne même une œuvre miroir tout aussi passionnante.
Image
Daniel n’est pas Serpico et n’a donc bien entendu pas pu profiter d’une restauration aussi luxueuse. La copie proposée ici n’en reste pas moins très agréable avec des cadres bien nettoyés, stables et des noirs solidement prononcés. On ressent parfois l’âge du film dans un grain un peu fluctuant, dans une définition légèrement oscillante, mais il faut dire que la photographie volontairement fanée, un poil vaporeuse et l’omniprésence d’un grain de pellicule très marqué ne facilitaient pas forcément la remasterisation pointue. Ici le résultat est plus que satisfaisant livrant un résultat assez naturel et sans manipulations numériques visibles.
Son
La source mono anglaise manque certainement d’un peu de dynamisme et de présence, mais la restitution est franche et claire même si certains échanges restent marqués par quelques grésillements persistants.
Interactivité
Nouveau titre en Section parallèle pour Spectrum Films (spécialisé rappelons-le dans le cinéma asiatique) avec Daniel qui profite certainement du savoir-faire et du soin habituel de l’éditeur à commencer par un nouveau visuel que l’on retrouve sur la jaquette et sur le fourreau cartonné. A l’intérieur un DVD et surtout le Bluray, seul support à contenir tous les bonus vidéo (là où l’édition US n’en propose aucun). Le programme débute par une interview d’archive dans son montage brut (avec les reprises et les attentes) enregistrée lors de la promo du film avec le cinéaste et son acteur. On y revient sur l’affaire du couple Rosenberg, dont Lumet s’efforce de se détacher, et sur l’importance personnelle du projet pour les deux invités.
Plus éclairants certainement sont les deux segments qui suivent avec une longue, et forcément, passionnante présentation du film signée Jean-Baptiste Thoret, fin connaisseur du cinéaste qui évoque admirablement autant les enjeux dramatiques du film (le quête générationnelle), que la place du métrage dans la filmographie de Lumett et dans le paysage du cinéma américain des années 80, sous oublier l’habile et discrète construction technique. Lui répondent Antonin Moreau et Étienne Cadoret, présentateurs de l’émission Le Cinéma est mort, qui se lancent dans une grande discussion autour du nouveau traitement du combat militant dans le cinéma de Lumet, son refus d’un message simple et définitif et la manière dont la réflexion est portée par les évolutions du personnage principal. Deux suppléments très intéressants et éclairés.
Liste des bonus
« The Bobbie Wygant Archive : Lumet & Hutton » (14’), Avant le film : Introduction de Jean-Baptiste Thoret (20’), Après le film : « Le Cinéma est mort – Lumet par la gauche » (35’), Bande-annonce.