DAISY MILLER
Etats-Unis – 1974
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Peter Bogdanovich
Acteurs : Cybill Shepherd, Barry Brown, Cloris Leachman, Mildred Natwick, Eileen Brennan
Musique : Divers
Durée : 91 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 28 juin 2022
LE PITCH
En compagnie de sa mère et de son jeune frère, Daisy Miller, une jeune Américaine, découvre l’Europe. Riche, coquette et désinvolte, Daisy s’entoure d’une cour d’adorateurs. Ses manières excentriques choquent la vieille société européenne. À Vevey, en Suisse, elle rencontre Frederick Winterbourne dont elle s’éprend…
La muse tragique
Considéré par Peter Bogdanovich comme son œuvre sans doute la plus personnelle, Daisy Miller sera aussi l’un de ses plus grands échecs, le faisant chuter de son piédestal de golden boy du nouveau cinéma américain, éreinté par la critique et boudé par le public. Tout ça pour les beaux yeux de Cybill Shepherd.
Une actrice rencontrée sur le tournage de son premier grand succès, La Dernière séance, et avec qui il partage sa vie, et les couvertures de revues peoples, depuis. Une idylle que le cinéaste voudrait consacrée par un véhicule à la hauteur de sa muse. Alors en partenariat avec ses collèges Francis Ford Coppola et William Friedkin au sein de l’éphémère société de production The Directors Company, il imagine produire une adaptation du roman de Henry James, Daisy Miller, dont il interpréterait le premier rôle masculin aux côtés de sa compagne, le tout devant la caméra de son mentor et ami Orson Welles. C’est ce dernier devant l’instance intime du sujet qui conseille à Bogdanovich d’en garder la direction. C’est qu’au-delà de l’admiration qu’il voue à l’actrice à qui il offre ici le premier rôle le plus important de sa carrière, l’auteur de Nickelodeon et Jack le magnifique, se reconnaît parfaitement dans le portrait donné du triste et admiratif Frederick Winterbourne (finalement interprété par le fané Barry Brown), aristocrate d’origine américaine mais s’étant totalement incarné dans les valeurs et la haute société européenne. Un personnage qui s’y est oublié finalement, aux airs parfaitement anglais et guindés, et qui est à la fois fasciné et interloqué par le comportement incompréhensible de la jeune demoiselle. Sous le semblant d’une chronique du grand monde du vieux continent à la fin du 19ème siècle, le film scrute surtout la confrontation entre la rigidité d’une société vieillissante, calfeutrée dans son histoire et ses valeurs, et une culture beaucoup plus libre, impulsive, insaisissable et presque naïve.
Sous les ombrelles
Une romance qui ne peut aboutir, tant Winterbourne n’arrive jamais à capturer l’essence et la réalité de Daisy Miller, se rangeant rapidement du côté des jugements hâtifs de ses contemporains, voyant lui aussi parfois dans ce comportement hors code, hors norme, un dévergondage de mauvaise tenue. Très fidèle au roman, Bogdanovich en reprend même certains dialogues, mais y ajoute une vivacité, une rapidité, une opulence qui vient appuyer son point de vue finalement des plus modernes. D’ailleurs à ces visites d’un château en suisse, où les deux jeunes gens semblent pour une fois « flirter » avec naturel, ces déambulations dans une Rome déjà inaccessible, le réalisateur ajoute un spectacle de marionnettes italiennes. Une comedia del arte à coups de bâtons à laquelle Daisy Miller rit sans retenue, là où Winterborne se montre bien incapable de se laisser aller. Un parallèle évident avec la vision très fracturée entre le cinéma européen (français et italien essentiellement) et américain, les uns restant constamment attachés à l’image dans toutes ses fioritures alors que l’autre recherche essentiellement l’émotion et la réaction. Un discours particulièrement intéressant, non sans humour en particulier lorsque l’odieux petit frère concentre en quelques phrases et comportements tout ce que l’arriviste américain peut avoir de plus désobligeant, mais qui peine aussi à rendre sa figure féminine centrale véritablement aimable. Toujours vue sous le regard de son prétendant, elle parait souvent agaçante, frivole, inconstante se passionnant justement que pour les choses vaines et légères.
Et à force d’embrasser l’esthétique feutrée de la reconstitution historique et littéraire, de préférer la minutie des constructions et des intentions plutôt que de s’autoriser quelques folies, quelques passions, Daisy Miller peut laisser le spectateur à distance devant l’exercice ironiquement plus cérébral que sensitif. Un peu comme une soirée un peu chiante passée avec un mec brillant. Il parait que justement les soirées de Bogdanovitch ressemblaient parfois un peu à ça.
Image
Jusque-là totalement inédit en HD, même hors France, Daisy Miller nous parvient dans un master HD qui aurait sans doute mérité un vrai retour au négatif ou en tout cas à une source plus matérielle. Ici il parait évident que la restauration s’est effectuée sur un master vidéo préexistant où on note encore quelques artefacts de griffures et autres poils de pellicules, mais c’est surtout le grain neigeux, souvent perturbé par une photographie vaporeuse qui prédomine. Associé à des teintes sépias et volontairement effacées, délicates, l’image manque encore de finesse et de solidité dans sa définition.
Son
Les deux pistes DTS HD Master Audio respectent à la lettre la sobriété du film, restituant avec clarté et frontalité les dialogues et parfois quelques instants musicaux en arrières plans. Rien à redire.
Interactivité
Disponible en éditions classiques (Bluray et DVD), Daisy Miller est aussi proposé sous la forme d’un nouveau mini coffret limité à 1500 exemplaires. A l’intérieur outre un digipack contenant les deux disques on peut aussi trouver les habituelles reproduction de photos de tournage et d’exploitation, l’affiche du film et pour l’occasion un fac-similé du livret de presse en anglais.
Sur le disque Bluray on trouve aussi deux bonus des plus intéressants. Le premier est une rencontre avec Bogdanovich filmée par Laurent Bouzereau, datant sans doute d’un ancien DVD, dans laquelle il évoque aussi bien les raisons qui l’on amenées à tourner le film, l’aspect tout à fait intime du sujet, ainsi que les incompréhensions qui ont pu l’accompagner lors de sa sortie en salles. Une présentation très franche et touchante. Grand ami de ce dernier et journaliste cinéphile érudit, Jean-Baptiste Thoret, pousse un peu plus loin la réflexion en revenant sur la société de production éphémère montée avec Coppola et Friedkin, première étape vers un échec commercial presque prévisible. Les rapports du cinéaste avec le texte de Henry James, avec Cybill Shepherd, et la réflexion sur les rapports compliqués entre la vieille Europe et l’irrévérente Amérique. Comme toujours très intéressant.
Liste des bonus
« Daisy Miller : une introduction de Peter Bogdanovich » par Laurent Bouzereau (13’), « Mourir d’Europe » : entretien avec Jean-Baptiste Thoret, historien du cinéma et réalisateur (26’), Bande-annonce Le fac-similé du pressbook du film (anglais), l’affiche du film (40 x 60), un jeu de 6 photos du tournage, 8 photos d’exploitation (lobby cards).