CUL-DE-SAC
Royaume-Uni – 1966
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Roman Polanski
Acteurs : Donald Pleasence, Françoise Dorléac, Lionel Stander, Jack MacGowran, Jaqueline Bisset…
Musique : Krzysztof T. Komeda
Durée : 112 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 05 mai 2021
LE PITCH
Richard, gangster en cavale, et son acolyte Albert, qui est mourant, trouvent refuge dans un château irlandais. Richard ne tarde pas à semer le trouble au sein du couple étrange que forment la jeune et belle Teresa et George, un homme plus âgé qui vient de vendre son usine.
Seuls au monde
Troisième long métrage de Roman Polanski avant la consécration populaire du Bal des vampires, Cul-de-sac vient conclure une « trilogie » de thrillers psychologiques en noir et blanc affirmant indéniablement la naissance d’un grand cinéaste, tout autant qu’un auteur qui restera constamment désarçonnant.
Projet envisagé avant Répulsion sous le titre Si Katelbach arrive, Cul-de-sac est finalement excessivement proche du Couteau dans l’eau. Ici pas de beau jeune homme pour venir jouer les éléments perturbateurs, mais un vieux gangster, échappé d’un coup qui semble avoir mal tourné. Accompagné d’un acolyte blessé, ce Richard échappé d’un vieux film noir américain, trouve une planque idéale dans un château irlandais isolé du reste du continent à chaque marée. Une demeure atypique où vie un couple dépareillé, entre un ancien industriel quadra s’imaginant peintre sur ses vieux jours, et une belle jeune femme, nature et humiliante. Encore une fois il est question de lutte de pouvoir entre les deux hommes, d’affirmation ou non d’une supériorité virile, tandis que la femme, à la fois témoin et huile sur le feu, semble s’amuser du combat de coq. Un huis-clos à nouveau envahi par l’eau mais qui délaisse le sérieux implacable pour s’engouffrer dans une étrange farce sociétale, dans un surréalisme inquiétant à la Ionesco où les douces et franches folies des personnages viennent constamment percuter les évènements attendus d’un pitch de film noir.
Quand on aime, rien n’est impossible
Retrouvant directement la fibre clownesque de certains de ses plus célèbres courts métrages (proposés en suppléments sur l’édition de Carlotta), Polanski construit une chronique en dérive de trois personnages fonctionnant en contrastes, entre la masse rauque de l’un (Lionel Strander), le masochisme falot de l’autre (Donald Pleasence) et la jeunesse indécente d’une Françoise Dorléac finalement véritable maître d’œuvre des évènements. Jamais très loin de l’expérience théâtrale, d’un cinéma limite expérimental scrutant sans détour l’ennui et le désœuvrement de figures en perdition, Cul-de-sac est moins la mise en image d’une avancée inéluctable dans une impasse, que le cheminement sinueux pour s’extraire de celui-ci. Une zone de confort faite de poules pondeuses à foison, de vieilles pierres et d’un entourage, voisin ou familial, posté comme des symboles d’une vieille société anglaise tout en posture, en intolérance et en vide. Polanski saisi avec cruauté la vacuité de chacun, les décortique comme un enfant arracherait les pattes d’une sauterelle, et se montre d’ailleurs particulièrement acide avec la figure du mari, s’accrochant coûte que coûte à une épouse déjà ailleurs (l’ouverture induit quelques tromperie), ouvrant la voie à toutes les humiliations.
Affichant une forme très libre, entre le contemplatif irréel (le long plan séquence sur la plage est splendide), la frénésie baroque et le suspens langoureux, Cul-de-sac aboutit à une comédie de mœurs grinçante, féroce souvent, et certainement misanthrope tant aucun de ces pantins ne semble véritablement profiter d’un peu de chaleur en provenance de la caméra.
Image
Restauré en 2011 par Criterion, Cul-de-sac a été retravaillé à partir d’un positif 35mm première génération. Forcément la source est donc plus granuleuse et plus abîmée qu’avec un scan 2K ou 4K du négatif. Pourtant le travail effectué a été exemplaire et n’a laissé passer qu’une ou deux traces de griffures que l’on imagine irrécupérables. Pour le reste la photographie retrouve toute la profondeur de ses contrastes noir & blanc, même en séquences nocturnes, et se dote de superbes reflets argentiques. Si la définition aurait mérité d’être plus poussée sur certaines séquences, la gestion du grain de pellicule et du piqué fait honneur.
Son
Le rafraîchissement de la version originale est manifeste avec une clarté inédite, un soupçon de rondeur et de naturel, le tout débarrassé des petits crissements d’autrefois. Un peu moins convaincant, le doublage français se révèle assez propre, mais les voix ont tendance à écraser les arrière-plans.
Interactivité
Comme pour Le Couteau dans l’eau et Répulsion, on retrouve en bonus le petit making of produit en 2003 par Blue Underground et déjà croisé sur les précédentes éditions. Encore une fois, même s’il manque cruellement la présence des acteurs (tous décédés alors), le doc réussit à revenir très efficacement sur la liberté d’écriture du film, la recherche du casting et les difficultés d’un tournage en quasi-autarcie. On y apprend que Polanski se sentait même isolé par rapport à son équipe technique qui ne comprenait pas forcément la direction du projet.
A cela, Carlotta ajoute une nouvelle fois trois courts métrages très rares, et restaurés, de Polanski. Si Le Gros et le maigre et Les Mammifères jouent plutôt sur la fibre surréaliste, voir slapstick, Quand les anges tombent est une petite merveille de poésie tragique sur le destin d’une petite dame-pipi. Le va et vient entre le misérabilisme de sa vieillesse et les flashbacks romantiques conçus comme des images d’Épinal (très belles couleurs) font apparaître une fibre plus délicate du cinéaste.
Liste des bonus
« Deux gangsters et une île » : documentaire autour du film (23’),
« Quand les anges tombent » (« Gdy spadaja anioly », 1959, N&B/Couleurs, 22’), « Le Gros et le maigre (1961, inédit, N&B, 15’), « Les Mammifères » (« Ssaki », 1962, N&B, 11’), Bande-annonce.