CRIME À FROID
Thriller – en grym film – Suède – 1973
Support : Bluray
Genre : Thriller, Érotique, Action
Réalisateur : Bo Arne Vibenius
Acteurs : Christina Lindberg, Heinz Hopf, Despina Tomazani
Musique : Ralph Lundsten
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 108 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : mars 2023
LE PITCH
Rencontrant un homme par hasard, une jeune femme succombe à son charme. Mais ce qui commence comme une journée d’amour bascule soudain dans la violence sadique : l’ayant droguée, l’homme lui crève un oeil. Dès lors, elle ne vivra plus que dans un seul but ; mener à bien une vengeance froide, lente, d’une implacable cruauté.
La vierge et les bourreaux
Grand classique du cinéma d’exploitation des années 70 et authentique film culte ayant marqué l’industrie dont un certain Quentin Tarantino pour son Kill Bill (en particulier le personnage Elle Drive), Thriller, A Cruel Picture a définitivement fait entrer l’actrice Christina Lindberg dans la légende.
Cette dernière n’était cependant pas alors une petite nouvelle dans le paysage cinématographique international et dans l’esprit des amateurs d’érotisme puisqu’outre de nombreuses photos déshabillées pour des revues comme Playboy et Lui, elle était devenue une véritable icône sexy avec des films comme Bonne à tout faire, Les Impures et même le japonais Sex & Fury. Mais c’est avec Thriller qu’elle trouve le rôle de sa vie, incarnant Madeleine, jeune fille muette, traumatisée par un viol dans son enfance, qui va se faire piéger par un réseau de prostitution la rendant accroc à l’héroïne. Tout ici passe par le regard, souvent éperdu, par la fragilité de son corps malmené par des clients sordides, par son séduisant proxénète (le très bon Heinz Hopf, tout en élégance et en sadisme) qui pendant la première longue partie du film va lui faire subir tous les outrages : viols, humiliations, asservissement et même une énucléation punitive restée dans toutes les mémoires. Le sous-titre « en grym film » (un film cruel) n’est pas volé, tant la base de ce rape & revenge est de confronter sans détour le spectateur au chemin de croix de l’héroïne, poupée au visage de Girl Next Door, qui est juxtaposée à un plan frontal d’œil crevé (il semblerait que ce soit celui d’un authentique cadavre) et à des inserts pornos crades de pénétrations et de sodomies qui ne font qu’attiser horreur et colère.
Œil pour œil
Ancien assistant de l’illustre Ingmar Bergman (sur Persona entre autres), Bo Arne Vibenius dérive son pitch de La Source à la manière de Wes Craven pour son Dernière Maison sur la gauche, mais surtout affiche constamment sa filiation par une mise en scène en premier lieu glaciale, proche des acteurs et presque naturaliste, confinant son métrage dans un réalisme déroutant, lent, à la limite de l’écœurement. Mais qui dit Rape & Revenge, dît forcément vengeance, et si le film est connu aux USA sous le titre They Call Her One Eye ce n’est pas pour rien. Décidant de rendre coup pour coup, Madeleine s’entraine en cachette au maniement des armes, au karaté et à la conduite sportive (des passages maladroits mais nécessaires) avant de se parer d’un superbe manteau long en cuir noir et de poursuivre à coup de shotgun ses anciens tortionnaires. Des gunfights et des combats filmés dans des hyper-ralentis extrêmement stylisés, superbes, qui détonnent avec le réalisme premier, pour transporter Thriller vers des chemins ouvertement plus bis, plus iconiques, entre l’actionner urbain, le trip pop nippon (on pense forcément à La Femme scorpion) et le western italien. Et ce jusqu’à un duel léonien et une exécution sur fond de soleil couchant. Toujours étonnant, alternant images rêches et mise en scène maniérée, passant des contours d’un film d’auteur à ceux d’un pur film d’exploitation, Thriller fascine encore plus aujourd’hui, malgré un rythme daté, par sa naissance au forceps d’une vraie héroïne tragique de cinéma, et une réalisation avant-gardiste particulièrement inventive.
Image
Le combo UHD / Bluray s’étant vendu comme des petits pains, ne reste plus aujourd’hui de dispo chez Le Chat qui fume que le Bluray single. Édition simple soit mais avec un joli fourreau et toujours cette même et superbe copie 4K produite à partir d’un nouveau scan 4K du négatif 16mm. Le rendu est impressionnant avec un nettoyage pointilleux et une stabilisation majeure, offrant un master d’une propreté inespérée rehaussée d’une colorimétrie chaude et tranchée qui nous venge de décennies de visionnage terne. Bien entendu le film préserve jusqu’au bout sa rugosité de film d’exploitation avec un grain proéminent et organique.
Son
Le film est présenté dans ses stéréos d’origine, plutôt frontales et sans esbroufe, mais avec là aussi un rafraichissement évident. En particulier sur la piste suédoise toujours aussi brute mais à la clarté plus poussée. La version française est plus problématique avec certes un vrai travail sur les intentions de jeux et les caractérisations, mais qui prend beaucoup de liberté dans sa traduction et rajoute même à quelques occasions des musiques supplémentaires, atténuant les partis-pris du réalisateur.
Interactivité
Là encore, si on perd le disque UHD, l’ensemble des bonus de cette riche édition répond toujours présent sur un disque Bluray rempli jusqu’à la gueule. Le Chat qui fume a récupéré tous les suppléments de l’édition collector de Vinegar Syndrome à commencer par un long making of rétrospectif compilant les interventions de de Christina Lindberg, des cascadeurs Bo Sunnefeldt et Lasse Lundgren et de l’acteur Gunnar Palm, le tout narré sur un texte du réalisateur en personne, suivi de différentes rencontres (toujours étendues) avec la star du film enregistrées par le réalisateur Adrián García Bogliano (ABC of Death), par le journaliste Christian Valor de Psychovision ou lors d’une rencontre avec le public. Forcément ces segments toujours d’une durée conséquente reviennent très souvent sur les mêmes questions comme la carrière atypique de Bo Arne Vibenius, les excès du film, les inserts culs et gore, l’approche féministe qui bataille avec les contours de l’exploitation et le reste de la filmographie de l’actrice. Une masse d’informations imposante et généreuse à laquelle s’ajoute même quelques chutes des scènes d’actions, une pub maline réalisée par le cinéaste, le single enregistré par Christina Lindberg et une bonne poignée de bandes annonces diverses.
A tout cela l’éditeur français ajoute une présentation du film par Clara Sebastio (Festival Les Intergalactiques) qui a le mérite d’attarder son propos sur la naissance du cinéma érotique suédois et les évolutions d’une censure ayant permis (plus ou moins) à un film comme Crime à froid de voir le jour.
Liste des bonus
« Oeil pour Oeil » avec Clara Sebastiao, « Thriller, un documentaire à froid » de Rickard Gramfors : la création du film racontée par le réalisateur et scénariste Bo Arne Vibenius, avec des interviews de Christina Lindberg, des cascadeurs Bo Sunnefeldt et Lasse Lundgren et de l’acteur Gunnar Palm (43’), « Adrián et Christina » : interview par le réalisateur Adrián García Bogliano (57’), Séance de questions-réponses avec Christina Lindberg au cinéma Alamo Drafthouse de Austin, Texas le 11 novembre 2017 (31’), « Christina Lindberg: The Paris Interview » : interview par Christian Valor de Psychovision (60’), Chutes de tournage (6’), Chansons du 45 tours enregistré par Christina Lindberg, Publicité pour SAAB réalisée par Bo Arne Vibenius, Bandes annonces, Galeries de photos.