CRÉPUSCULE POUR UN TUEUR
Canada – 2023
Support : Bluray
Genre : Policier
Réalisateur : Raymond St Jean
Acteurs : Eric Bruneau, Benoît Gouin, Rose-Marie Perreault, Sylvain Marcel, Simon Landry-Desy, Joakim Robillard …
Musique : Gaëtan Gravel
Durée : 105 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Français (Québécois) & Français Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Editions
Date de sortie : 4 avril 2024
LE PITCH
Au début des années 80, à Montréal, Donald Lavoie est un tueur à gages au service du parrain de la pègre Claude Dubois. Lors d’un contrat qui dérape et qui se transforme en double meurtre sanglant, Lavoie réalise que sa loyauté, chèrement acquise, ne suffira pas à lui sauver la mise face à un employeur paranoïaque…
Fait d’hivers
S’inspirant de la « fin de carrière » du véritable Donald Lavoie, assassin repenti, Crépuscule pour un tueur dresse un aperçu sordide de la criminalité québécoise du Montréal de 1980. Un sujet en or, rarement abordé par le cinéma de la Belle Province et que le scénariste et réalisateur Raymond St Jean s’approprie avec un certain savoir-faire. Réaliste, intimiste, traversé par une poignée d’explosions de violence qui glacent le sang, le résultat souffre aussi considérablement de son manque d’ambition et d’une écriture trop elliptique qui échoue à nous offrir la fresque criminelle promise. Tabarnak !
Pour le spectateur français moyen, le Québec a des allures de contrée lointaine figée dans un hiver perpétuel, peuplée de francophones à l’accent pittoresque et rythmée par les chansons de Céline Dion et de Robert Charlebois et les drames de Xavier Dolan. Mais au-delà des clichés, cette province du Canada a aussi sa part d’ombre et a eu fort à faire avec des gangsters dont les méthodes n’avaient rien à envier aux mafias des quatre coins du globe. Au début des années 50, Montréal tombe ainsi sous la coupe du clan Dubois, rivaux de la mafia calabraise des Cotroni qui règne pour sa part sur le sud de la région. Composée d’une fratrie de neuf, les Dubois contrôlent la prostitution, le jeu et le trafic de drogues et pratiquent l’extorsion et le racket avec zèle. Protégés par une armée d’avocats, toujours prompts à faire disparaître les témoins ou les employés les moins fiables, ils parviennent à mettre la police en échec jusqu’au début des années 80. Et il suffira d’un seul homme, Donald Lavoie, pour que cette organisation en apparence solide s’effondre comme un château de cartes. Tueur à gages méthodique au tableau de chasse intimidant (15 meurtres avoués mais on en soupçonne plus du double), Lavoie se retourne contre les Dubois lorsqu’il apprend que ces derniers envisagent de le faire abattre et se livre à la brigade anti-criminalité, jouant les balances pour sauver sa vie après une tentative infructueuse de créer son propre gang et de démarrer une guerre. Il faudrait sans doute plusieurs films et séries pour rendre justice à cette histoire digne d’une grande saga du gangstérisme. Malgré de nobles intentions, Raymond St Jean fait le choix décevant d’en tirer un objet un peu riquiqui.
Assassin’s Creed
Auteur de plusieurs courts, moyens métrages et téléfilms et reconverti dans le documentaire, Raymond St Jean fait de Crépuscule pour un tueur son retour à la fiction et marche ostensiblement dans les pas du Mike Newell de Donnie Brasco. Plutôt que de céder à la facilité en imitant Coppola, Scorsese et consorts, St Jean opte pour un naturalisme qui sied plutôt bien à son personnage principal, fonctionnaire du crime qui tente tant bien que mal de concilier son travail avec une vie de famille au bord du précipice. Drôle de croisement entre Pierre Niney et Vincent Cassel, Eric Bruneau est l’attraction majeure du film et campe un Donald Lavoie complexe, un homme pris aux pièges de ses allégeances et bientôt hanté par le sang qu’il a sur les mains. Sa relation très ambiguë avec l’inspecteur de police qui le harcèle et parvient à le faire craquer donne à Crépuscule pour un tueur ses meilleures scènes et esquisse le portrait d’un assassin aux fêlures de plus en plus évidentes, lancé dans une quête malsaine et sans fin d’une figure paternelle. Il est simplement dommage que le film ne s’engage dans cette voie que bien trop tard, à vingt minutes du générique de fin, laissant un goût d’inachevé.
Il est aussi regrettable que Raymond St Jean, obligé de composer avec un budget visiblement bien chiche, semble se satisfaire d’un empire du crime qui se résume à quelques malfrats éparpillés dans le cadre. À l’écran, ne subsiste qu’un seul frère Dubois (le reste de la bande n’est jamais mentionné) interprété par un Benoït Gouin mauvais comme un cochon et guère menaçant. La crédibilité revendiquée en prend un sacré coup et ce morceau d’histoire de la pègre de Montréal se révèle en bout de course particulièrement frustrant. Le constat est le même pour les personnages qui gravitent autour de Lavoie, sa femme, sa fille, son frère, ses associés éphémères qui sortent d’on ne sait où.
Il y avait du potentiel mais Raymond St Jean se fend non pas d’un film mais d’un produit comme on peut en voir par centaines sur les plateformes de streaming. Bien fichu (globalement), vite vu, vite oublié.
Image
Une copie propre comme un sou neuf et un master aiguisé pour un film récent, bon, forcément, c’est la base. Avec une belle restitution des lumières automnales du Québec et des contrastes soignés entre les extérieurs en pleine nature et des intérieurs glauques à souhait.
Son
Malgré des accents québécois à couper au couteau, la version originale reste accessible aux francophones. Pour les plus réticents, l’éditeur propose une version française traditionnelle mais très inégale avec des scènes que l’on jurerait doublées par une IA qui n’aurait pas eu toutes les mises à jour de Google Translate. Les ambiances sont soignées avec un vrai soin pour la bande originale qui dégaine quelques tubes québécois de l’époque.
Interactivité
Rien du tout et c’est bien dommage. Quelques interviews du réalisateur pour la télé québécoise sont visibles sur Youtube et sont plutôt intéressantes.
Liste des bonus
Aucun.