CRÉPUSCULE

Szürkület – Hongrie – 1990
Support : Bluray
Genre : Policier, drame
Réalisateur : György Fehér
Acteurs : Péter Haumann, János Derszi, Gyula Pauer, Judit Pogány, László Németh, Miklós Székely…
Musique : László Vidovszky
Durée : 100 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Hongrois DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 18 mars 2025
LE PITCH
Le corps de la petite Anna, huit ans, est découvert au fin fond d’une forêt. Deux inspecteurs sont dépêchés sur place pour mener l’enquête et retrouver le dangereux tueur en série qui a déjà sévi deux fois dans la région. Lorsque leur unique suspect met fin à ses jours, les enquêteurs décident de partir sur une nouvelle piste, s’aidant pour cela d’un dessin de la dernière victime…
50 Nuances de gris
Réalisé en 1990 par György Fehér, Crépuscule fait enfin son apparition en France, en format physique après une ressortie en salles l’été dernier. Tout en s’inspirant de Ça s’est passé en plein jour de Ladislas Vajda, le cinéaste hongrois signe ici une œuvre unique, mélancolique et tortueuse.
Petit à petit le cinéma hongrois nous dévoile ses œuvres, et force est de constater qu’il ne laisse pas indifférent entre les films fleuves de Béla Tarr (Satatango), l’œuvre engagée de Miklós Jancsó (Les sans-espoir) ou encore l’international István Szabó (Mephisto). En sortant pour la première fois en France Crépuscule de György Fehér, Carlotta Films nous fait découvrir un autre cinéaste « magyar » important. Auteur de nombreux court-métrages notamment pour la télévision hongroise, il réalisera seulement deux long-métrages, Crépuscule primé à Locarno en 1991 et Passion présenté au Festival de Cannes en 1998. D’ailleurs, il est à noter que Béla Tarr fut conseiller sur le premier et coscénariste sur le second alors que Fehér avait produit Satatango….
Nous ne serons donc guère étonnés au vu des liens entre les deux hommes de retrouver chez Fehér cette approche exigeante, singulière et contemplative qui marque un récit se servant du prétexte du Polar pour amorcer une descente dans les ténèbres, le crépuscule d’une communauté à l’aube de bouleversements, le film est situé dans les années 1930, et en pleine angoisse face à l’assassinat d’une petite fille. Comme pour signifier cette tension, le film adopte un Noir et Blanc où la brume et une « lumière » grise sont omniprésents. Les tonalités sont ainsi envoûtantes nous happant et nous transportant dans la grisaille de la campagne hongroise et de ses habitants. Le travail du directeur de la photographie, Miklós Gurbán (Les Harmonies Werckmeister), s’avère être admirable, tout comme la direction artistique en général avec ses travellings incessants et une excellent Bande Originale signée László Vidovszky. Sourde, empreinte de lyrisme avec ces chœurs enfantins et lorgnant vers le digital, la musique nous plonge au cœur d’une désespérante et frustrante enquête.
La promesse
Une enquête qui semble rapidement assez secondaire pour Feher qui multiplie les ellipses et préfère s’attarder sur son étrange duo de policiers pour qui la quête du satyre devient obsessionnel après le suicide du coupable idéal du début, un colporteur vagabond qui avait eu le malheur de tomber sur le cadavre de l’enfant. Une entame de récit qui nous renvoie à un autre excellent polar, bien que radicalement différent sur la forme et sur le déroulé de l’enquête, Ça s’est passé en plein jour réalisé en 1958 avec l’inénarrable Michel Simon en victime d’erreur judiciaire. Toujours inédit en DVD en France, cette œuvre admirable de Ladislas Vajda, réalisateur hongrois (!) naturalisé espagnol, avait été scénarisée par Friedrich Dürrenmatt, romancier suisse (Le juge et le bourreau), qui en tira une novélisation, La promesse, également adaptée par Sean Penn en 2001 sur The pledge, avec Jack Nicholson.
Si, à l’instar de Vajda, Feher montre bien l’inutilité et la vanité des interrogatoires de police ainsi que la vindicte populaire, il semble s’attacher plus au roman pour la seconde partie qui voit les enquêteurs sombrer jusqu’à une fin qui ne conclura rien, laissant un goût encore plus amer que l’œuvre originale.
Festival de technique, doublé d’une direction artistique renversante, Crépuscule pourra toutefois laisser des spectateurs sur le carreau à cause de son rythme indolent, la théâtralité des scènes dialoguées, une absence de repères chronologiques et une enquête policière escamotée.
Image
Une restauration 4K a été réalisée en 2022 par le National Film Institute Hungary – Film Archive & Film Lab à partir du négatif original image et du son magnétique du film. Une sublime restauration faisant la part belle au grain argentique, admirablement conservé.
Son
Le Master DTS-HD 1.0 propose uniquement la version originale sous-titrée. Elle laisse la part belle à l’envoûtante BO de Vidovszky. Les dialogues sont clairs et bien restitués.
Interactivité
Inédit en France jusqu’alors, Crépuscule sort sous les meilleurs hospices entre sa restauration 4K et le travail éditorial autour du film. Présenté dans un fourreau sobre, le Bluray contient environ 1h30 de bonus, dont les pièces historiques que sont les court-métrages Öregek et Tomikám, réalisés pour la télévision d’État. Les deux films traitent des conditions de vie des personnes âgées. Le premier court s’apparente plus à un documentaire mettant en avant la Croix-Rouge et les associations d’aînés chapeautées par l’État. Le second s’oriente plus vers la fiction et se révèle encore plus ironique, avec un personnage retraité particulièrement procédurier.
Enfin, deux interviews réalisés en 2024 sont également présentes. Le directeur de la photographie Miklós Gurbán, revient sur son engagement en cours de film, puisque c’est János Kende, habituel collaborateur de Miklós Jancsó qui avait démarré en tant que directeur photo. Gurbán nous apprend qu’il dut « abîmer » une séquence tournée part son collègue pour qu’elle colle à l’ambiance grisâtre du reste du film ! Il explique les tonalités grises du film par l’utilisation de diverses pellicules pour mieux « capter la beauté du crépuscule ».
Enfin, le dernier entretien permet à Mária Czeilik, la monteuse et fidèle collaboratrice de Feher, d’évoquer sa première vision du film en salle de montage (« je me suis assoupi ») et le rythme épuisant et chronophage du montage : « J’ai mis deux ans à m’en remettre ! ».
Liste des bonus
« Une lumière particulière » : Entretien avec Miklós Gurbán, directeur photo (33’), « Le Long Affrontement » : Entretien avec Mária Czeilik, monteuse (23’), 2 courts métrages inédits de György Fehér (VOST) : « Öregek » (1969, N&B, 16’), « Tomikám » (1970, N&B, 23’) ; Bande-annonce 2024 (2’).