CRAZY FAMILY
逆噴射家族 – Japon – 1984
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Sogo Ishii
Acteurs : Katsuya Kobayashi, Mitsuko Baisho, Yoshili Arizono, Yuki Kudo, Hitoshi Ueki, Kazuhiko Kishino…
Musique : 1984
Image : 1.85 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 107 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 21 janvier 2024
LE PITCH
Habiter une maison en banlieue, c’est enfin le rêve accompli pour la famille Kobayashi. Chacun à sa place : le père au travail, la femme au foyer, les enfants aux études. Mais l’arrivée du grand père constitue le petit grain de sable dans la machine…
Péril en la demeure
Réalisateur culte au Japon, essentiellement connu pour ses effusions punk, Sogo Ishii n’aura connu que deux sorties en salles en France. Avec l’insaisissable Labyrinthe des Rêves et ce Crazy Family, comédie hallucinée qui repeint la tendre famille japonaise au vitriol.
Un film qui reste foncièrement à part au sein de sa filmographie, cultivant les délires bien excités, les univers de la contre-culture et les expérimentations visuelles à tout va. C’est aussi plus ou moins sont premier vrai film entièrement professionnel, incluant une production relativement classique et un casting d’acteurs non amateurs. D’ailleurs dans un premier temps, passé un générique d’ouverture très pop et monté façon BD, Crazy Family se présente comme une petite chronique douçâtre d’une sympathique famille japonaise qui obtient enfin ce fameux pavillon de banlieue, symbole alors d’une certaine réussite dans le Japon du boum économique. Comme il se doit, le père se tue à la tache entre son travail administratif et ses aller-retour métro/boulot/dodo. De leur coté, son épouse tient la maison avec ferveur et réserve quelques surprises tendres à son époux, le fils se retranche dans la révision de ses examens et la petite dernière profite encore de son insouciance, hésitant entre une carrière d’idole et de star du catch. Tout est parfait, jusqu’à l’arrivée d’un grand-père, sympathique mais envahissant, qui met à mal l’équilibre fragile et la découverte de termites dans le sous-sol, soulignant la fragilité de cet équilibre précaire.
Sous le même toit
L’étincelle qui fait sombrer à peu près tout le monde, et assez rapidement, dans la névrose et la folie, le père se lançant dans l’aménagement d’un gigantesque trou dans le salon pour gagner de la place, tandis que les autres s’enfoncent graduellement dans leurs propres stéréotypes, versants maladifs, loufoques et/ou inquiétants. Si le montage ou la caméra se font généralement plus stables que dans ses films de motards rebelles, Sogo Ishii préfère jouer sur une accélération exponentielle de son dispositif, faisant descendre lentement mais surement le tendre tableau vers un pur chaos qui s’achèvera par une bataille rangée dans une demeure dévastée transformée en prison apocalyptique. Le tout sur fond de suicide collectif (mais tout le monde n’est pas d’accord – d’accord), de ressentiments familiaux et de codes sociétaux aussi étouffants qu’aliénants. Une crise qui se déjoue à coups de marteaux piqueur, de perceuse, de sabre ou même de prises de catch mais sans délires gores ou violence autre que « manga », le film préservant malgré sa dureté sous-jacente, une certaine forme de bonne humeur, d’absence de gravité joviale et colorée. Cette gigantesque bataille rangée entrainant l’effondrement des fondations de la demeure (tout un symbole) pour un nouveau départ, est l’occasion pour le réalisateur de rappeler aussi l’inventivité et la frénésie de sa caméra, jouant sur une énergie très cartoon pour mieux faire passer une rage et un humour noir qui peuvent se révéler des plus acides.
Sogo Ishii vise juste en détournant les codes de la comédie dramatique familiale, si chère au japonais et popularisée par les œuvres d’Ozu ou Naruse, en la confrontant à la réalité plus hystérique et industrielle des années 80, à l’étiolement de ses repères, au carcan de la réussite et le poids qu’elle fait peser sur les épaules de ces braves personnages, loufoques, délurés, et très vite assez paumés.
Image
Sans que l’on trouve énormément d’informations à son sujet, la copie proposée par Carlotta pour sa sortie Bluray correspond bien à celle croisée chez les camarades anglais de Third Windows Films en provenance directe du Japon. Une restauration datant de 2023 seulement, annoncée comme effectuée à partir des négatifs originaux, et qui en dehors des plans d’ouvertures et de fermetures (plus neigeux et instables) apporte effectivement un confort de visionnage indéniable. L’image est propre et bien posée avec une lumière toujours assez forte et surtout un piqué bien dessiné offrant reliefs et détails malgré une photographie justement assez froide. Là le grain de pellicule se fait élégamment discret mais présent, pour un résultat final tout à fait satisfaisant.
Son
Pas de grandes effusions ou de modernisation outrancière, la piste originale japonaise est préservée dans son mono d’origine. Bien nettoyé et équilibré, le mixage cajole surtout les dialogues, vifs et fermes, apportant des bruitages volontairement décalés, mais faisant aussi une belle place aux expérimentations électroniques du groupe 1984.
Interactivité
Petite édition simple pour Crazy Family mais avec deux suppléments loin d’être inintéressants. L’éditeur nous propose tout d’abord une assez longue rencontre avec le réalisateur. Celui-ci remonte le fil de la création de son film, de l’idée de départ à l’écriture du scénario, sa collaboration avec le mangaka Yoshinori Kobayashi, le choix des acteurs et leurs personnages et plus largement sa volonté de changer un peu de forme et d’ambiance pour cet essai qui reste particulier dans sa filmographie. Le ton est un peu laconique (japonais quoi) mais les informations sont nombreuses.
Le second supplément provient de l’édition anglaise, soit une analyse du film signée par un critique local, mais qui lui fait presque l’effort inverse, soulignant les grandes thématiques et formes du film, pour mieux les rapprocher d’autres œuvres du cinéaste, de Burst City à Gojo.
Liste des bonus
Entretien avec Gakuryu Ishii (28’), « Crazy Family : L’enfant rebelle de Sogo Ishii » : Analyse du film par James Balmont, spécialiste du cinéma de l’Asie de l’Est (19’).