CONFIDENTIEL – MARCHÉ SEXUEL DES FILLES
(秘)色情めす市場 – Japon – 1974
Support : Bluray
Genre : Érotique, drame
Réalisateur : Noboru Tanaka
Acteurs : Meika Seri, Junko Miyashita, Genshu Hanayagi, Moeko Ezawa, Sakumi Hagiwara…
Musique : Yasuo Higuchi
Image : 2.39 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 84 minutes
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 3 septembre 2024
LE PITCH
À Osaka, la vie des prostituées du quartier pauvre de Kamagasaki est difficile. Tome, dix-neuf ans, vend ses charmes tout comme sa mère – une rivale. Un jour, elle quitte la maison close et décide de travailler en indépendante…
La rue sans honte
Affublé d’un terme qui prête vite confusion hors japon, le fameux Roman Porno par la grande liberté qu’il laissait aux cinéastes, a permis l’éclosion de vrais cinéastes, détournant les attentes purement exploitations pour délivrer des œuvres plus personnelles et revendicatrices. Certes encore peu connu en France, Noboru Tanaka est pourtant considéré comme l’une de ces signatures incontournables.
De prime abord donc le Roman Porno était simplement un moyen pour la firme Nikkatsu, alors en pleine crise, de renouer avec le public en repoussant plus loin encore les frontières déjà explorées dans les anciens pinku eiga. Une société de production qui pendant quelques années ne va quasiment plus produire que des films érotiques, toujours aux lisières de la permissivité limitée de la censure japonaise, faisant bien entendu appel aux instincts primaires des spectateurs tout en ne demandant en définitive que de faibles investissements. Mieux, le catalogue en construction va être systématiquement confié à de tous jeunes réalisateurs qui vont pouvoir y faire leurs armes, et ce dans une liberté créative unique, avec comme seul impératif de délivrer à un rythme efficace les scènes de sexe attendues. Ancien assistant de Seijun Suzuki et Shohei Imamura (excusez du peu), Noboru Tanaka (Nuits félines à Shinjuku, L’école de la sensualité, Bondage), va d’autant bien se glisser dans le moule qu’il va immédiatement faire preuve d’un regard extrêmement personnel sur la sexualité japonaise. Si ses films changent constamment d’époque et de lieu et passent du conte érotique aux rives presque documentaires aux drames modernes, ils soulignent constamment des portraits de femme résistantes, combattant le monde et l’injustice avec leur corps, leur sexualité et leurs lucidités.
Les jours et les nuits de Tome
Pas étonnant que Tanaka ait réalisé un an avant L’Empire des sens, sa propre vision du fait divers avec La Véritable histoire d’Abe Sada, beaucoup plus resserré justement sur la femme en question et les quelques jours passés enfermés dans la chambre d’hôtel avec son amant. Se déroulant dans le Japon contemporain et dans un microcosme bien plus misérable, Marché sexuel de filles brosse déjà le portrait frondeur d’une jeune femme maitresse de ses désirs, de ses instincts et surtout d’une liberté totale. Tome, fille elle-même de prostituée, traverse ainsi le quartier pauvre de Kamagasaki comme une créature insaisissable, semblant sautiller dans sa petite robe à fleur presque transparente, faisant la nique aux clients qui ne lui plaisent pas, boudant les mères maquerelles et les petits yakuzas qui voudraient l’instrumentaliser, quitte même à se faire passer à tabac. Rien ne semble l’atteindre, sauf peut-être les regards perdus de son petit frère, limité mentalement, et la possibilité de quitter sa ville au risque de perdre son identité. Sans jamais cacher la détresse des habitants des lieux, la promiscuité douteuse (tout le monde couche devant tout le monde et l’inceste n’est pas loin), la violence présente à chaque instant et la barbarie d’une prostitution forcée et subie (toute la trame secondaire avec la superbe Junko Miyashita), le film quête la beauté dans le quotidien de ces rues. On la trouve dans les étreintes passionnées ou les passes pathétiques, refaçonnant les corps à corps dans des tableaux noir et blanc élégamment composés, dans des échappées poétiques, alterné avec caméra portée pas loin du pur documentaire.
Jeune actrice marquée, déjà survivante d’un destin compliqué (délinquance, prostitution et drogues, le trio gagnant), Meika Seri que l’on rêvera dans l’important Le Cimetière de la morale, est sublimée à chaque plan autant pour sa fougue que pour son éternelle légèreté, jusqu’à une dernière bobine entièrement en couleurs, venant confirmer le satiné de sa peau et l’étincelle qui habite son regard. Certains y verra même sans doute une œuvre féministe, on ne pourrait leur donner tort.
Image
Le film a profit en 2021 dernier d’une luxueuse restauration au Japon à partir d’un scan 4K des négatifs 35 mm Comme le veut l’usage, le moindre débris, tache, griffure ou autre défaut de pellicule ont été consciencieusement gommés, les cadres stabilisés et les images réétalonnées. A l’arrivé le master est estomaquant par sa pureté visible, sa solidité à toutes épreuves et surtout sa chaleureuse restitution des arguments pellicules avec un grain organique et naturel, des argentiques délicats et des contrastes noir et blanc admirablement composés… jusqu’au ultimes minutes en couleurs, chaleureuses et fluide, qui semblent presque avoir été tourné il y a quelques jours.
Son
Exercice plus simple pour la piste mono d’origine, sobrement retranscrite par un DTS HD Master Audio constamment clair, direct et bien balancé.
Interactivité
Du coté des suppléments, Carlotta a invité Stéphane du Mesnildot, spécialiste effectivement d’un cinéma d’exploitation érotique, à présenter le métrage. Quelques clefs sont données sur les années phares du Roman Porno, leur origine économique, les contraintes et les libertés par le studio, mais aussi sur la carrière trop méconnue de Noboru Tanaka et son approche du genre, et celles des actrices aux parcours particuliers entre prostitution et revendication féministes. Une bonne entrée en matière.
Liste des bonus
« Pan-Pan Girl » : entretien inédit avec Stéphane du Mesnildot, essayiste, spécialiste du cinéma asiatique (21’), Bande-annonce originale.