COFFRET TAKESHI MIIKE : AGITATOR / THE CITY OF LOST SOULS / YAKUZA APOCALYPSE / FIRST LOVE
荒ぶる魂たち, 漂流街 THE HAZARD CITY, 極道大戦争, 初恋 – Japon – 2001, 2000, 2015, 2019
Support : Bluray
Genre : Drame, Thriller, Fantastique, Comédie
Réalisateur : Takeshi Miike
Acteurs : Taisaku Akino, Mickey Curtis, Yoshiyuki Daichi, Teah, Michelle Reis, Kôji Kikkawa, Hayato Ichihara, Riko Narumi, Shô Aoyagi, Becky, Bengal, Masayuki Deai…
Musique : Koji Endô,
Image : 1.85, 1.77 et 2.39 16/9
Son : Japonais DTS-HD Master Audio 5.1, Japonais DTS-HD Master Audio 2.0, Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 150, 103, 115 et 108 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 27 décembre 2023
LE PITCH
Shirane en secret afin d’unir leurs forces et devenir le groupe le plus puissant du syndicat. Ils vont commencer les hostilités dans un club où Hashida, un membre du clan Higuchi, va poignarder un membre d’un clan rival.
City of Lost Souls : Après avoir attaqué un car rempli d’immigrants chinois sur le point d’être expulsés et abattu les flics escortant ce dernier, un bandit brésilien lunatique et dangereux du nom de Mario vient chercher Kei dont il est épris.
Yakuza Apocalypse : Kamiura est un chef Yakuza légendaire. On dit qu’il est immortel mais en fait c’est un vampire, un chef Yakuza vampire ! Kageyama est le plus fidèle membre de son clan, mais les autres yakuzas se moquent de lui : sa peau est trop sensible pour être tatouée.
First Love : Tokyo, la nuit. Leo est un jeune boxeur, il tombe sous le charme de Monica, une call-girl toxicomane mais vierge. La jeune fille est impliquée dans un trafic de drogue.
Love, Death & Yakuzas
Avec plus d’une centaine de réalisations au compteur, Takeshi Miike peut effectivement être taxé de réalisateur particulièrement prolifique. Parmi cette longue liste de réalisations inégales, du DTS au blockbuster, du film trash au divertissement girly, Spectrum Films en a choisi quatre pour former son coffret : Agitator, The City of Lost Souls, Yakuza Apocalypse et First Love, tous venant à leur façon dépeindre le petit monde du crime organisé, ces fameux yakuzas tant implantés dans la culture japonaise et si cinématographiques.
Et d’ailleurs comme beaucoup de japonais, Takashi Miike a un rapport relativement ambigu avec les yakuzas. Ayant grandis dans un quartier où ces derniers étaient omniprésents, ayant vu d’anciens camarades de jeunesse devenir yakuza à leur tour, Miike connait effectivement bien le milieu et n’en cache pas une certaine admiration. On sent dans ses propos, et parfois dans ses films, les restes de cette imagerie des descendants des anciens samouraïs, protecteurs de la population au code d’honneur immuable. On sent aussi sa défiance envers un système criminel violent, se tournant avec les années vers des systèmes anarchiques et corrompus. Son lien avec les yakuzas est aussi totalement professionnel, puisque ses premiers succès en tant que réalisateur, pour le marché du V-Cinema, florissant au Japon dans les années 90, se feront avec de purs films de yakuza : Shinjuku Triad Society, Rainy Dog et Ley Lines. De vrais chroniques de gangsters tournées avec économie mais inspiration dont le Agitator de 2000 apparait comme une forme d’aboutissement. Peu connu par chez nous, ce métrage se montre étrangement calme, ne laisse passer que de très rares excès de déviances ou de violence, et se concentre sur une multitude de personnages dans une fresque décrivant une guerre des gangs au milieu de laquelle seule une jeune garde a encore la tête sur les épaules et s’efforce de respecter les anciens préceptes. Un descendant direct des films cultes signés Kinji Fukusaku (la série des Combats sans code d’honneur) mais avec une forme d’épure et de simplicité des cadres qui n’est pas sans rappeler certains travaux de Takeshi Kitano. Assez classique mais parfaitement écrit, solidement interprété et réalisé avec une belle rigueur et une forme de rage contenue, Agitator est un versant souvent assez méconnu de la carrière de Takeshi Miike que l’on résume le plus souvent à ses délires les plus baroques et ses greffes de genre façon Frankenstein.
Maximum Carnage
Beaucoup plus démonstratif en l’occurrence, City of Lost Souls (2000) et Yakuza Apocalypse (2015) sont ainsi beaucoup plus conformes à l’idée que les aficionados se fond du bonhomme. Dans le premier un couple saute d’un hélicoptère et atterrit dans une explosion au cœur du quartier brésilien de Tokyo et les combats de coqs tournent au bullet time façon Matrix. Dans le second on croise des yakuza vampires, un kapa baveux, un homme grenouille pratiquant le kung fu caché sous un costume de grenouille et un mauvais kaiju piétinant des figurines maquettes. De joyeux foutoirs, improbables, inventifs mais terriblement bordéliques, où l’amateur d’OFNI fini toujours par y trouver son compte, y grappiller quelques séquences biens jouissives. Le premier reste essentiellement une histoire d’amour destructrice profitant de la présence, essentiellement glamour, de la sublime Michelle Reis (Les Anges déchus) et une vision assez inédite d’une communauté méconnue de l’archipel. Plus barré encore, mais peut-être aussi un peu plus intéressant Yakuza Apocalypse derrière son collage de séquences chocs et un budget largement plus confortable, n’hésite pas justement a illustrer un Japon durement frappé par la crise dans lequel les comportements des yakuzas deviennent de plus en plus anachroniques. Un film de contamination, mais où le virus vampirique transforme les citoyens lambdas en ersatz caricaturaux (mais hilarant) de yakuza de cinéma, prêts à prendre leur revanche et leur indépendance.
Love is in the air
Dernier coup d’éclat de la carrière de Miike, First Love résonne lui aussi comme un retour. Un retour aux portraits plus réalistes et approfondis d’Agitator, mais où justement le sens de l’humour du réalisateur, son sens imparable du ridicule et sa manière d’insuffler une folie totale à un monde pourtant bien réel, s’équilibre à merveille. Une forme de maturité est sans doute passée par là. On reconnaît de la même façon une histoire d’amour déchirante, battus par la dureté du monde des yakuza, comme dans The City of Lost Souls, mais avec cette fois-ci une étoffe moins poseuse, plus naturelle et certainement plus touchante. Absolument formidables, les deux jeunes acteurs incarnent avec fragilité un jeune boxeur persuadé qu’il va mourir d’une tumeur au cerveau et une pauvre gamine prostituée par son père et accro à l’héro, ballottés dans une course poursuite entre yakuzas, mafia chinoise et flic véreux pour récupérer un sac plein de drogue. Une affaire où rien ne fonctionne comme il le devrait, entraînant une succession réjouissante de quiproquo, se situations improbables, s’achevant dans un chaos sanglant, mais presque parodique, dans un centre commercial transformé en arène. Rarement Miike aura aussi efficacement tenue son rythme jusqu’au bout et mélangé aussi naturellement toutes les faces de son cinéma polymorphe, s’efforçant même là aussi de contrebalancer sa vision baroque des yakuza (plus à la masse que jamais) par le tableau sensible d’une jeunesse paumée peinant à créer son propre chemin.
Quatre films seulement dans la carrière du stakhanoviste increvable ? Certes, mais un panel assez pertinent, vivant et de multiples visions d’un monde criminel qui, comme le cinéma de Miike, n’a eu de cesse d’évoluer ces dernières décennies.
Image
Dans ce coffret, les films peuvent aller jusqu’à vingt ans d’écart et forcément entre le changement de statut (et de budgets) du réalisateur et les techniques Home Video, beaucoup de chose on évoluées. Les deux films les plus anciens, Agitator et City of Lost Souls nous parviennent donc dans de nouveaux masters vidéos mais dont la mise à jour a clairement été effectuée uniquement par quelques outils numériques. Si les cadres sont propres et la photographie relativement homogène, le rendu général est souvent un peu lisse et n’affirme pas un relief renversant.
Beaucoup plus récents Yakuza Apocalypse et First Love s’affirment eux avec des copies HD bien fermes, colorées et au piqué solide. Déjà proposé il y a quelques années en DVD chez Blaq Out, First Love est clairement plus réjouissant ici.
Son
Seul Yakuza Apocalypse propose une version doublée française (en DTS HD Master Audio 2.0) mais comme souvent avec les films japonais, elle reste vraiment très anecdotique.
Pour le reste, à l’instar des copies, les pistes sonores DTS HD Master Audio 5.1 n’ont clairement pas la même saveur sur les deux films du début des années 2000 et sur les deux autres. Pour Agitator et The City of Lost Souls ont privilégiera ainsi la version stéréo beaucoup plus équilibrée et naturelle, alors que pour les deux suivants la dynamique spatialisée correspond en effet pleinement aux mixages initiaux des films et se montre très efficace, voir assez fun quand elle accompagne les débordements du réalisateur.
Interactivité
Spectrum Films propose ici à nouveau un très alléchant coffret avec un fourreau cartonné (en dur, on note l’amélioration) comportant un large digipack venant recueillir tous les disques et un livre signé Tom Mes. Une signature pas inconnue des fans de Miike (en particulier ceux qui lisent en anglais), puisqu’il avait justement signé un premier volume très complet en 2006 intitulé Agitator The Cinema of Takashi Miike. Comme il l’explique lui-même en introduction, l’ouvrage de 142 de pages en est une relecture partielle et une version complétée avec quelques évènements et films plus récents pour obtenir un essai inédit. Une analyse très complète des débuts du réalisateur, de ses thèmes de prédilection, de la perception toujours un peu biaisée de son cinéma en occident et plus généralement de son inclusions fréquente du monde des yakuza dans son œuvre. On y trouve aussi le DVD inédit de la version longue d’Agitator doté d’une dizaine de minutes supplémentaires.
Et sur les Bluray proprement dit, on retrouve une réflexion sur « Miike et les Yakuza » découpée en trois segments répartis sur Agitator, City of Lost Souls et First Love, signée Arnaud Lanuque qui bien entendu souligne les grandes récurrences du cinéaste et les différentes approches du monde des yakuza qu’il plie systématiquement aux genres qu’il aborde, se servant des quatre films en présence ici comme d’exemples concrets.
A cela s’ajoute sur le disque de First Love une interview du réalisateur qui revient sur le film en question mais brasse aussi des réflexions plus larges sur le rapport de la société nippone avec les Yakuza ou quelques références cinématographiques qui l’ont marqué.
Enfin, last but not least, sur le Bluray de Yakuza Apocalypse, Spectrum Films a eu la très bonne idée de glissé le documentaire de près d’une heure : Electric Yakuza Go To Hell ! réalisé par Yves Montmayeur en 2004. Ce dernier se consacre exclusivement aux excès du cinéaste et à ses films les plus frappés et invite en plus de Miike quelques personnalités toutes aussi passionnantes comme Takeshi Kitano, Shinya Tsukamoto, Kinji Fukasaku et quelques-uns des acteurs ayant collaborés avec le cinéaste, a prendre la parole entre quelques images de tournages ou de visite au Festival de Cannes. Un très bon portrait de la partie la plus frénétique de sa carrière.
Liste des bonus
Le livre « Takashi Miike : Agitateur / Amuseur » de Tom Mes, Le DVD du film Agitator version longue (198’).
Agitator : « Miike et les Yakuzas, 1ère partie » par Arnaud Lanuque (14′), Bande-annonce
The City of Lost Souls : « Miike et les Yakuzas, 2ème partie » par Arnaud Lanuque (9’), Bande-annonce.
Yakuza Apocalypse : Présentation du film par Takashi Miike (2’), Documentaire « Electric Yakuza » de Yves Montmayeur (54’), Bande-annonce.
First Love : « Miike et les Yakuzas, 3ème partie » par Arnaud Lanuque (9’), Interview de Takashi Miike (15’). Bande-annonce.