COFFRET LIU CHIA-LIANG
中華丈夫 / Heroes of the East, 爛頭何 / Dirty Ho, 武館 / Martial Club, 十八般武藝 / Legendary Weapons of China, 御貓三戲錦毛鼠 / Cat Vs Rat, 五郎八卦棍 / The Eight Diagram Pole Fighter – Hong-Kong – 1978, 1979, 1981, 1982, 1984
Support : Bluray
Genre : Action, Comédie
Réalisateur : Liu Chia-Liang
Acteurs : Gordon Liu, Yuka Mizuno, Yasuaki Kurata, Yue Wong, Lieh Lo, Kara Ying Hung Wai, Te-Lo Mai, Liu Chia-Lianf, Chia-Yung Liu, Sheng Fu, Adam Cheng, Lily Li…
Musique : Yung-Yu Chen, Eddie Wang, Chin-Yung Ching, Chen -Hou Su,
Image : 2.35 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1 Cantonais, Mandarin et Français
Sous-titres : Français
Durée : 97, 98, 110, 105, 109 et 103 minutes
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 11 octobre 2024
LE PITCH
Heroes of the East : Ah To, jeune chinois, se marie avec une japonaise. Tous les deux sont férus d’arts martiaux et chacun tente de convaincre sa moitié que sa technique est supérieure.
Dirty Ho : Le 11ème prince de la Dynastie Qing et probable futur héritier du trône fait la rencontre d’un voleur qu’il souhaite prendre comme disciple en secret afin de tuer le prince rival.
Martial Club : Trois écoles d’arts martiaux se partagent les élèves d’un quartier. Une démonstration de « Danse du Lion », censée marquer une rencontre amicale, se termine en bagarre générale lorsque les élèves du fourbe Maître Lu provoquent ceux de Maître Zhang.
Legendary Weapons of China : En pleine Guerre des Boxeurs, les écoles d’arts martiaux tentent désespérément de développer des techniques pour résister aux balles des Occidentaux via l’utilisation de la magie alliée au kung-fu.
Cat VS Rat : Chat et Rat sont les deux disciples d’un vieux maître barbu dont la seule ambition est d’être meilleur que l’autre.
The Eigth Diagram Pole Fighter : Le général Pan Mei, figure politique de la dynastie des Sung, complote afin de détruire une famille rivale et proche du pouvoir. Seul le 5ème frère réchappe, enfin, avec son 6ème frère devenu fou. Avec la seule force de sa rage, il va parvenir à atteindre le temple shaolin pour tenter d’y forger plus encore ses aptitudes.
Les combats du maitre
Chorégraphe, cascadeur, acteur, réalisateur, Liu Chia Liang est l’un de ces grands noms du cinéma Hong-kongais qui aura naturellement éclos au sein de la triomphante Shaw Brothers durant les belles décennies 60/70. Le Sifu comme l’appellent certains, auteur de la trilogie culte de la 36ème Chambre de Shaolin ou de l’extraordinaire Drunken Master II avec Jackie Chan, et qui offrit au grand studios ses meilleurs kung-fu comedy. Et ce sont cinq d’entre elles, accompagnées par le très dramatique The Eight Diagram Pole Fighter, que nous propose de redécouvrir Spectrum Films dans son superbe coffret.
C’est l’un des grands maitres du cinéma d’art-martiaux, souvent considéré d’ailleurs comme le plus grand, Liu Chia-Liang, également nommé Lau Kar-leung (soit son patronyme en cantonais), a considérablement marqué l’histoire du cinéma d’art-martiaux. Il faut dire que là où de nombreux artisans du cinéma populaire chinois d’alors venaient le plus souvent de milieux purement artistiques (comme le fameux Opéra de Pekin), Liua Chia-Liang lui a véritablement étudié les arts martiaux en tant que disciple de Lin Shirong, lui-même élève du fameux Wong Fei-hung. Un véritable connaisseur de cet art complexe, exigeant et ancestral, qui va effectivement lui permettre d’afficher une précision et une efficacité unique. Surtout les valeurs inculquées, celle du dépassement de soi, de l’amélioration de l’être dans l’effort et l’apprentissage et plus généralement l’idée que les arts martiaux et leurs traditions sont des préceptes vertueux, vont totalement nourrir et motiver son cinéma. Débutant comme chorégraphe, en particulier pour l’incontournable Chang Cheh sur des classiques comme Le Trio Magnifique, Un Seul bras les tua tous ou Le Retour de l’Hirondelle d’or, il finira par passer lui-même à la réalisation en 1975 avec Le Boxeur spirituel, mais c’est véritablement avec le suivant Le Combat des maitres que son style et son approche se fait plus claire, mêlant humour cantonnais, récit de vengeance, combat de génération sur fond d’apprentissage.
L’art de bien accommoder la comédie
Chez Liu Chia-Liang les bons combattant ne sont jamais omniscients et les héros de ses films doivent toujours en passer par une redécouverte des arts martiaux et une meilleure compréhension, souvent dans la douleur, de ceux-ci. D’ailleurs cette première évocation de la jeunesse du mythique Won Fei Hong, qui sera largement moqué en 78 par le Drunken Master de Yuen-woo Ping et Jackie Chan, sera suivie en 81 d’une quasi-suite intitulée Martial Club. Toujours interprété par le frère adoptifs Gordon Liu (présent dans tous les films du présent coffret, et dans presque tous les films du monsieur), le jeune Wong Fei Hong est certes plus habile que jamais, mais se comporte (à nouveau) comme un gamin gâté, s’amusant avec son pote, allant montrer ses muscles dans le bordel du coin, à défier tout ce qui bouge. Il faudra alors une guerre quasi-déclarée entre les trois grandes écoles d’Art Martiaux de la ville déclenchée par une danse du lion irrespectueuse (Tsui Hark s’en inspirera pour ses Il était une fois en Chine) et que la farce juvénile tourne plus volontiers vers l’action cruelle pour que le personnage devienne la sommité impassible que l’on connait. Un déroulé classique mais parfaitement construit et rythmé, véritable florilège des meilleurs chorégraphies kung-fu de Liu Chia Liang (dont un duel mémorable dans une ruelle de plus en plus étriquée) et vitrine technique (tous les mouvements sont justement lisibles et clairs) du genre.
Certainement l’une des plus grandes réussites du cinéaste, aux cotés ici du réjouissant Heroes of the East autrefois connu par chez nous sous les titres débiles de Shaolin contre Ninja ou Les Démons du karaté, où de jeunes gens nouvellement mariés (arrangés) doivent apprendre à composer avec les différences de l’autre… D’autant plus difficile que lui est chinois et elle japonaise et qu’ils passent leur temps à mesurer leurs cultures et donc leurs arts martiaux respectifs. Si la comédie du remariage n’a malheureusement qu’un temps, la jolie Yuka Mizuno laissant le champ libre à ses homologues mâles venus sur place pour se mesurer à ce « freluquet » de Gordon Liu, la confrontation technique et spectaculaire entre les deux mondes est aussi passionnante visuellement que dans ses accents de comédie, et vient surtout à nouveau transmettre l’idée d’Art Martiaux non pas comme simple arme patriotique mais bien comme outil de partage et de compréhension. Un sous-texte de réconciliation assez rare dans le cinéma chinois d’alors.
Dans le même corpus, on peut certainement ajouter le tout aussi réussi Dirty Ho, autrefois connu sous le sobriquet de Le Prince et l’arnaqueur, où après de longues chamailleries et quiproquos, un prince sous le joug de multiples tentatives d’assassinats prend un voleur (autant ami que concurrent) sous son aile comme garde du corps. Un plat particulièrement relevé, qui rebondit de scène en scène, souvent au dépend du pauvre Dirty Ho interprété par Wang Yu mais où s’amorce déjà quelques tentatives de varier un peu la formule, saupoudrant le tout d’un bon soupçon de cynisme (jusqu’au bout les hommes de pouvoir instrumentalisent leurs « inférieur ») et se lançant même dans une grande séquence d’assaut crépusculaire mélangeant l’atmosphère du western avec les envolées des films de ninja et les délires du wuxia.
Variations dans le mouvement
Un genre justement auquel il va s’essayer plus directement dans Legendary Weapons of China. Les années 80 sont en effet marquées par une transformation considérable des attentes du public local et une importante perte de vitesse de la Shaw qui pousse alors son écurie à expérimenter les genres à la mode. Un an avant le mythique Zu Les Guerriers de la montagne magique, Liu Chia Liang en donne sa propre version du genre prenant pour prétexte une vaste histoire de recherche d’un vieux maitre reclu, pour multiplier les démonstrations de force, les duels survoltés et les techniques puissantes (sans jamais se perdre dans les combats câblés, il ne faut pas pousser) jusqu’à un affrontement final estomaquant dans lequel Liu Chia-Liang en personne et son frère Lau Kar-Wing déploient tout leur savoir-faire en enchainant une passe d’arme incluant les 18 armes légendaires du Kung-fu annoncées (lance, épées diverses, trident, bouclier…). L’apothéose d’un spectacle où la sublime Kara Hui (elle aussi présente tout au long du coffret) aura à nouveau montré toutes ses qualités de danseuse et d’actrice, tandis que l’inénarrable Fu Sheng, ici faussaires pris à son propre piège, jouera les funambules possédé par une poupée vaudou qui va le tordre dans tous les sens.
Les deux derniers films du coffret sont eux aussi les témoins des tentatives de diversification du cinéaste qui va justement dévier de son habituel mélange des genres, de son équilibre bien marqués entre le sérieux des valeurs véhiculées, la tension dramatique des enjeux sous-jacents et l’énergie de la comédie. Ainsi, si naturellement les séquences de kung-fu sont toujours présentes et toujours assez excitantes dans Cat vs Rat, le film se tourne plus volontier vers la grosse farce opposant deux disciples ennemis d’un même maitre, vivant chacun d’un coté et de l’autre d’une ligne séparant leur rue, qui vont passer leur temps à se mesurer l’un à l’autre, à se tendre les pires pièges jusqu’à ce que bien entendu un danger plus grand les forces à se réunir et à collaborer. Fu Sheng et Adam Cheng (l’autre héros de Zu) en font des tonnes tandis que Gordon Liu dans le rôle, à nouveau, d’un prince qui passait par là, semble un peu triste de devoir se restreindre à jouer les faire-valoir.
Pas désagréable, mais mal équilibré et même un peu laborieux parfois, ce dernier laisse place à sa quasi-antithèse avec l’unique The Eight Diagram Pole Fighter, seul film véritablement tragique de la carrière de Liu Chia-Liang. Une sorte d’hommage ou de filiation au camarade d’autrefois Chang Che (avec lequel il s’était finalement brouillé) qui s’ouvre sur un massacre en règle, autant théâtral que sanglant, de la quasi-totalité de l’honorable famille Yang, trahie par un général félon. Seul deux survivent. L’un restera traumatisé et définitivement fou (Fu Sheng qui périra dans un accident de voiture et ne pourra donc achever le tournage) et Gordon Liu, désespéré, qui décide d’entrer au service de Shaolin malgré sa rage aveugle. Une fresque d’une rare noirceur, violente, sadique et désespérée qui tranche véritablement avec la bonne humeur habituelle des divertissements du sifu, mais où l’on perçoit tout de même les grandes valeurs du kung-fu permettant de « sauver » le 5ème frère et de dépasser le cercle destructeur. On reconnait aussi bien entendu une nouvelle fois le chorégraphe, dont la brutalité nouvelle n’empêche certainement pas l’élégance et la vivacité des mouvements, les mises en place brillantes (le combat dans l’auberge avec les cercueils superposés) et les duels à l’intensité fascinante (Gordon Liu Vs le maitre de Shaolin). Un très grand film d’art martiaux à nouveau, qui certes tranche avec le reste du programme et plus généralement de la filmographie du maitre, mais qui conclue en apothéose un coffret dopé aux classiques du cinéma d’arts martiaux.
Image
Même si le niveau de propreté et la précision de la définition peut varier légèrement d’un film à l’autre, les copies des six films réunis ici sont tout de même assez équivalentes. Reposant une nouvelle fois sur le travail de restauration considérable effectué par Celectial Pictures à l’époque de son acquisition du catalogue Shaw Brothers pour l’ère du DVD. On n’atteint donc pas ici l’excellence de nouveaux scans des négatifs en 4K, mais en tout cas à chaque fois les cadres sont extrêmement propres, respectueux des matières et des argentiques d’origines, et surtout déploient à nouveau ces fameuses couleurs éclatantes qui ont fait l’image de marque du studio. Les transfert HD sont on ne peut plus solides, stables et confortables.
Son
Du coté des pistes sonores c’est un peu plus compliqué avec systématiquement la présence des versions doublées en Mandarin et en Cantonnais, le plus souvent dans des DTS HD Master Audio 2.0 clairs et équilibrés, mais aussi quelques apparitions de DTS HD Master Audio 5.1 (comme sur Cat vs Rat) plus moderne mais pas toujours plus convaincants.
On note aussi la présence de Dirty Ho et Martial Club dans leurs moutures doublées françaises. Un doublage partiel pour le premier (laissant place à des segments en vost) et plus complet et assez réussi pour le second.
Interactivité
Après les doubles et les triples programmes, Spectrum Films passe directement au coffret six films pour sa remarquable collection dédiée à la Shaw Brothers. Un très beau coffret en carton solide, avec une nouvelle fois un design très réussi, qui accueille un digipack six volet et un livret regroupant une belle pelletée de photos d’exploitations.
Le soin apporté à l’objet se poursuit de bien belle manière sur l’ensemble du programme éditorial avec pour chaque film une présentation solide, précise et informative d’Arnaud Lanuque qui redonne les contextes cinématographiques et culturels de chaque film, retrace les grandes lignes des filmographies des acteurs mis en avant et ne cesse de souligner et de louer les talents du grand Liu Chia-Liang.
Des introductions systématiquement suivies d’un nombre variable, mais à l’arrivée particulièrement conséquents, d’interviews inédites. Certaines ont été produites par Spectrum Films, d’autres proviennent des archives de l’habitué Frederic Ambroisine, toutes permettent à des figures comme Gordon Liu, Kara Hui, Yasuaki Kurata, Wilson Tong ou Yeung Ching-Ching (la liste n’est pas exhaustive) de revenir sur l’ensemble de leur carrière, de partager leurs souvenirs de tournage, leur travail avec le cinéaste et la Shaw Brother et plus généralement de traverser le temps. Des entretiens toujours assez complets qui peuvent même se répondre d’un disque à l’autre et qui font revivre la belle époque de ce cinéma d’arts-martiaux.
Liste des bonus
Heroes of the East : Commentaire audio de Bey Logan, Présentation d’Arnaud Lanuque (10’), Entretien avec Gordon Liu (9′), Entretien avec Yasuaki Kurata (25′), Interview de Wilson Tong (21′), Bande-Annonce.
Dirty Ho : Présentation d’Arnaud Lanuque (13’), Interview de Lawrence Wong (29’), Bande-Annonce.
Martial Club : Présentation d’Arnaud Lanuque (10’), Interview de Robert Mak (18’), Interview de Johnny Wang (16’), Interview de Hung San Na & Tony Tam (25’), Entretien avec Kara Hui (24’), Entretien avec Robert Mak (14’), Bande-Annonce.
Legendary Weapons of China : Présentation d’Arnaud Lanuque (10’), Interview de Lau Jar Wing et Hsiao Hou (27’), Entretien avec Titus Ho (14’), Entretien avec Hsiao Hou (16’), Entretien avec Gordon Liu -15’), Bande-Annonce.
Cat Vs Rat : Présentation d’Arnaud Lanuque (11’), Interview de Jason Ng (43’), Bande-annonce.
The Eight Diagram Pole Fighter : Présentation d’Arnaud Lanuque (12’), Interview de Yeung Ching-Ching (20’), Entretien avec Yeung Ching-Ching (15’), Entretien avec Lily Li (15’), Entretien avec Gordon Liu (20’), Bande annonce.