CŒUR DE PIERRE (LA LÉGENDE DE LA FORET NOIRE)
Das kalte Herz – Allemagne – 1950
Support : Bluray & DVD
Genre : Conte, Fantastique
Réalisateur : Paul Verhoeven
Acteurs : Lutz Moik, Hanna Rucker, Paul Bildt, Paul Esser, Lotte Loebinger…
Musique : Herbet Trantow
Image : 1.37 16/9
Son : Allemand et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 104 minutes
Editeur : Artus Films
Date de sortie : 5 novembre 2024
LE PITCH
Le charbonnier Peter Munch travaille dans la Forêt-Noire. Pauvre, sale et négligé, il est la risée des habitants du pays, et la main de la belle Lisbeth lui est refusée. Il va alors demander de l’aide au bon esprit de la forêt. Ce dernier lui accorde la richesse, qui va hélas considérablement changer son comportement.
Cœur tendre
Fut un temps où les contes de fée et les grands spectacles pour enfant ne venaient pas que des USA, mais aussi des frontières plus proches des nations sous contrôle soviétique. Petit classique du genre, enchanté et moral, Cœur de pierre fut en outre le premier film produit par la DEFA à afficher fièrement le fameux Agfacolor.
Encore un de ces procédés imaginés par le bloc soviétique pour concurrencer directement l’éclatant Technicolor hollywoodien, qui s’il n’était pas parfait dans son procédé (entrainant un vieillissement accéléré des teintes) aura directement marquée toute une esthétique bucolique, une certaine idée du divertissement de terroir, avec ses superbes couleurs aux accents pastels, qui ont fait des merveilles sur des productions comme Le Rossignol et l’Empereur de Chine ou Sissi. Preuve s’il en est donc que la société d’état Deutsche Film AG (ou DEFA) mettait de grands espoirs dans cette adaptation du célèbre conte de Wilhelm Hauff (L’Histoire du petit Muck, Le Nain au long nez…), imaginé comme une grosse production locale aux airs de blockbuster familial. Le récit d’un gentil charbonnier, jeune, travailleur mais pauvre, qui voudrait devenir riche afin d’apporter le confort espéré à sa mère et assurer son mariage avec Lisbeth, la plus belle fille du village. Pour cela, il va se tourner vers l’Homme vert, un esprit habitant la fameuse Forêt noire, qui va lui exaucer trois vœux, dont les effets ne seront malheureusement pas aussi spectaculaires qu’attendus. Restera alors à Peter de se tourner cette fois-ci vers le géant inquiétant Hollandais-Michel, afin d’échanger son cœur (comme tous les nantis du village) en échange de la fortune.
Un gros gâteau un peu acide
Dans un mélange de paysages naturels champêtres et de superbes décors en studio, Cœur de pierre allie comme il se doit un certain naturalisme campagnard et quelques séquences à effets spéciaux (l’un des esprits est de la taille d’un lutin, l’autre un géant, quelques animaux son reproduits en stop-motion) pour donner corps à une fable, très, morale sur le refrain bien connu de « l’argent ne fait pas le bonheur ». Forcément conditionné par la pensée soviétique, le film affirme ainsi assez lourdement que l’attrait pour la propriété et source de grandes déceptions, que la fortune entraine la chute dans le mal, l’égoïsme et la perte d’identité, poussant ici la démonstration jusqu’au meurtre par Peter de sa gentille épouse dans un grand accès de rage. Une pointe de noirceur présente tout au long du métrage, comme une mise en garde avec un gros doigt qui pointe le spectateur, qui heureusement pour les enfants retrouvera in extremis une issue plus positive lorsque se rendant compte de ses erreurs, notre brave héros reconquerra son cœur, fera revivre son épouse et retournera travailler laborieusement avec ses camarades ouvriers du bois. Le film ne fait pas vraiment dans la subtilité ou la légèreté, particulièrement démonstratif dans son message, il peut ainsi s’avérer régulièrement plombant malgré les efforts notables du réalisateur Paul Verhoeven pour enchanter et dynamiser tout cela.
Bien entendu il ne s’agit pas là de l’auteur de Robocop ou Total Recall, mais bien d’un homonyme de la génération précédente, véritable pilier du cinéma populaire allemand a qui ont doit aussi L’Implacable destin, N’oublie pas l’amour ou Le Beau Danube bleu. Il signait là l’un des plus gros succès de sa carrière et l’une des plus belles réussites commerciales de DEFA (dans le bloc de l’est mais aussi à l’internationale) qui entrainera la mise en production de nombreux autres contes de fée locaux.
Image
Premier film Est Allemand profitant donc de l’Agfacolor, Cœur de pierre aura comme beaucoup donc été longtemps accompagné de copies fatiguées, défectueuses et aux couleurs totalement dégradées. Les récentes restaurations de très haute qualité, avec scans (2K ou 4K) à la source et re-stabilisation du matériau permettent ainsi de véritablement redécouvrir les intensions photographiques et l’esthétique très particulière de ces couleurs pastelles et bucoliques. Dans le cas présent, si quelques plans sont encore marqués par quelques fluctuations ou des restes de taches ou de décalages, le résultat est des plus ravissants, pimpant même, avec au passages une définition la plupart du temps aussi inattendue qu’exemplaire. Il y a bien une ou deux sections plus abimées, ou le grain devient plus floconneux et où les affres du temps n’ont pu être gommés, mais cela reste assez fugace.
Son
Si la piste sonore allemande retrouve elle aussi une nouvelle jeunesse avec une stabilité certaines et un naturel enjoué, le doublage français lui est plus difficile à apprécier. Le doublage est très souvent complètement aux fraises dans le jeu des acteurs, les échanges semblent déconnectés les uns des autres et un échos métallique croisé à un léger souffle disgracieux n’arrange pas l’affaire. Dommage pour le confort des plus jeunes spectateurs.
Interactivité
Présenté comme les autres titres de la collection « Aventures et Merveilles » de l’éditeur dans un fin digipack deux volets avec fourreau cartonné, Cœur de pierre est lui aussi accompagné par une nouvelle présentation du spécialiste du cinéma est européen Christian Lucas. L’occasion de revenir sur les débuts de la DEFA, les qualités et défauts de l’Agfacolor, la filmographie de Paul Verhoeven (toujours pas celui-là, l’autre), l’origine du conte adapté et les particularité esthétiques et thématiques du film. Toujours aussi didactique, efficace et complet.
Liste des bonus
« Le Petit Charbonnier et les esprits de la forêt » : Présentation du film par Christian Lucas (23’), Galerie photos : Diaporama (3’), Bande-annonce (3’).