Réhabilitée et appréciée par de nombreux cinéphiles, l’œuvre de Monte Hellman arrive en HD avec l’édition de Cockfighter par Carlotta. Peu aimé par son réalisateur, ce film, sorti en 1974 trois ans après Macadam à deux voies l’œuvre phare du réalisateur, fait pourtant partie des pièces maîtresses de sa filmographie. Comme toujours avec Hellman, le film se situe entre le cinéma Bis et le « Nouvel Hollywood », et lorgne même pour le coup vers une démarche documentaire avec ici une infiltration dans le milieu des combats de coqs !

Pour l’occasion, Monte Hellman renoue avec le producteur qui lui avait mis le pied à l’étrier, Roger Corman. Des retrouvailles semble-t-il difficiles, Corman refusant la moindre modification du scénario, retitrant le film en Born to Kill, allant même jusqu’à ajouter une scène onirique non tournée par le réalisateur… Fait récurent dans la carrière du cinéaste, le film ne fit pas recette notamment en raison d’une distribution chaotique…

Autre retrouvaille, cette fois-ci plus agréable pour Hellman, avec la présence de l’excellent, comme toujours, Warren Oates, acteur fétiche du réalisateur (4 films ensemble). Alors en grande forme (il tournera cette même année Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia de Sam Peckinpah, l’une de ses plus grandes interprétations), l’acteur caméléon se révèle impeccable en dresseur de coqs malchanceux, silencieux durant la quasi-totalité du film. Avec sa dégaine de plouc et son regard désabusé, Oates signe une grande performance valant à elle seule la vision de ce Cockfighter.

Coqs en vain

Même si Monte Hellman n’est pas Ruggero Deodato (Cannibal holocaust), les traitements infligés aux volailles durant le film pourront toutefois en choquer certains d’entre nous ! Alors que les combats de coqs sont officiellement interdits dans tous les Etats américains depuis seulement 2008, à l’époque du film cette tradition avait encore lieu entre autres dans le Sud où se déroule l’histoire tirée du roman éponyme de Charles Willeford sorti en 1962.

Le romancier, principalement connu pour la création du personnage du détective Hoke Moseley, qui servira de base au film Miami Blues (qui sort en Blu-Ray chez MDC Films au mois de juin), fait également partie d’un casting de qualité constitué de fidèles d’Hellman comme les excellents Harry Dean Stanton, Millie Perkins ou Laurie Bird. On retrouve aussi Robert Earl Jones, en éleveur de coqs, et le méconnu Richard B. Shull, parfait en associé volubile d’un Warren Oates aphone.

Bien accompagné par la musique Folk de Michael Franks, Cockfighter se démarque également par la qualité de sa photographie réalisée par l’espagnol Nestor Almendros. Principalement connu pour ses collaborations françaises avec Barbet Schroeder, François Truffaut ou Éric Rohmer, il amène avec lui une touche organique et une lumière naturelle (le film se déroule principalement en extérieur) sublimant les combats de gallinacées. Tournés comme des chorégraphies, ces duels à mort restent, d’un point de vue cinématographique, remarquables et non dénués d’humour.

Rempli de losers magnifiques, avec un Warren Oates au sommet de son art, cette balade sanglante dans la campagne américaine ne manque pas de sel et demeure un témoignage important de la carrière d’un réalisateur qui méritait bien plus de reconnaissance. Espérons désormais que ses autres films cultes des années 1960-1970 (The Shooting, L’ouragan de la vengeance…) aient aussi droit à leur version HD et qu’ils se retrouvent bientôt dans les catalogues de nos éditeurs !