CLASH
France – 1984
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Raphaël Delpard
Acteurs : Catherine Alric, Pierre Clémenti, Bernard Fresson…
Musique : Angélique Nachon, Jean-Claude Nachon
Durée : 98 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Anglais
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 21 juillet 2021
LE PITCH
Au début des années 1980, dans une usine de mannequins désaffectée, une jeune femme, Martine, attend la venue de son ami Bé Schmuller, qui lui a confié le butin d’un hold-up perpétré par ses hommes de main. Tandis qu’elle patiente avant l’arrivée des gangsters, Martine, en proie à des hallucinations, réalise qu’elle n’est pas seule dans ce lieu désolé. Un mystérieux inconnu, surgi de nulle part, vient à sa rencontre. La présence du jeune homme silencieux finit par la réconforter. Mais cet individu étrange existe-t-il vraiment, ou n’est-il que le fruit des fantasmes de Martine ?
Martine découvre la solitude
Invisible, depuis sa sortie initiale, dans des conditions honorables (le DVD était un simple lissage de la VHS dégueu) Clash de Raphaël Delpard revient dans une nouvelle copie 4K et sur support UHD. Une résurrection qui invite à la réévaluation d’un essai courageux, atypique même si effectivement maladroit.
Aujourd’hui connu et reconnu pour ses ouvrages historiques et pour des documentaires comme Les Convois de la honte sur l’implication de la SNCF dans la déportation, Raphaël Delpard était dans les années 80 un jeune aspirant réalisateur plein d’espoir. Quelques friponneries pour ouvrir quelques portes, un Les Bidasses aux grandes manœuvres on ne peut plus populaire et finalement sa première réalisation personnelle : La Nuit de la mort ! Un film d’horreur français dans un paysage plutôt avare en la question, et qui s’avère même assez méritant, parsemé d’excellentes idées et plus particulièrement d’une ambiance pesante. Une note que l’on retrouve dans son second film fantastique, Clash, étrange production certainement moins tournée vers les codes de l’exploitation et du gothique moderne, mais plus volontiers vers une fable étrange, profondément européenne, qui avec un postulat de base extrêmement mince – une jeune femme attend son amant (Bernard Fresson vu dans French Connection 2, ou Espion, Lève-toi) dans une planque avec un sac de billets – construit peu à peu un voyage cauchemardesque dans son subconscient. Ici la réalité semble toujours abstraite, peut-être à cause aussi de personnages pas forcément très écrits et d’acteurs un peu livré à eux-mêmes, mais aussi par cette forme d’épure qui radicalise le dispositif vers l’abstrait, l’onirique.
Martine ferait mieux d’aller voir un psy
Le comportement de Martine, interprétée par Catherine Alric (Tendre Poulet, La Puce et le privé…) décontenance par ses sautes d’humeurs illogiques, ses changements de comportements (du calme évaporé à l’hystérie) et des réactions assez curieuses. Par exemple face à un duvet à la fermeture coincée (peut-être pas le meilleur moment du film…), semble beaucoup plus insoutenable pour elle que l’apparition d’un homme venu de nulle part. Un homme en noir, muet, aux mouvements lents tour à tour protecteur ou menaçant, profitant du visage étrange de Pierre Clémenti (Canicule), qui vient confirmer que c’est bien la psyché même de l’héroïne qui est la source de ses cauchemars éveillés ou non. Entre pur terreur nocturne et psychanalyse cinématographique, Clash ne caresse certainement pas le spectateur dans le sens du poil, le perdant aisément dans des apparitions de pouvoirs télékinésiques, dans une trame cyclique qui parfois tourne en rond, et plus généralement dans un refus général d’explications structurées ou rationnelles. Comme le dit la formule, Clash, est une proposition sincère, expérimentale, qui se casse les dents régulièrement, mais qui séduit pour peu qu’on accepte de s’y perdre, en particulier justement lorsque l’inspiration s’évade. Accroché par une superbe photographie signée Sacha Vierny (Belle de jour, Hiroshima mon amour, The Pillow Book), la mise en scène de Raphaël Delpard joue habilement du décor unique d’une usine désaffectée, grise et poussiéreuse et surtout des nombreux mannequins qui l’habitent. Un petit côté giallo où ces silhouettes démultipliées, aux têtes emportées par le vent ou brisées par les derniers mouvements mécaniques de l’usine, ouvrent la porte à une épouvante plus affirmée, jusqu’à apparition de quelques effets spéciaux plus graphiques signés par le regretté Benoit Lestang (Baby Blood, Martyrs).
On sent bien qu’ici tout le monde y croit et c’est certainement ce qui fait exister le film au-delà de ses petits défauts.
Image
Visible depuis sa rapide sortie en salle que sous la forme d’un master vidéo très abîmé, granuleux, neigeux et pas au format, Clash est littéralement sauvé par l’opération du Chat qui fume. Un nouveau scan 4K à la source, une restauration à partir du négatif original, pour d’emblée une propreté tout simplement inédite et une stabilité inespérée. Avec son grain de pellicule respecté et bien présent, ses reflets argentiques, et sa palette de couleurs généreusement ravivées, le film redécouvre le travail de chef op Sacha Vierny, ses teintes de plus en plus contrastées et ses noirs profonds. Un disque UHD impressionnant non pas dans ses excès mais dans la restitution minutieuse d’une intention artistique que beaucoup croyaient inexistante.
Son
Bien entendu la piste sonore française a connu les mêmes honneurs avec un nettoyage bienvenu et un rééquilibrage naturel des sources. Autrefois projeté en Dolby (alors que beaucoup de films français étaient encore en mono), le film offre un DTS HD Master Audio 2.0 forcément frontal mais qui sait installer quelques atmosphères intéressantes et de légères dynamiques.
Interactivité
Nouveau digipack avec fourreau, limitée à 1000 exemplaires, Clash y est disponible sur support Bluray et sur support UHD. Ce dernier est d’ailleurs vide de bonus laissant au premier disque le soin de faire découvrir deux nouvelles interviews du réalisateur Raphaël Delpard. Une première en solo où il évoque les origines du film, la rencontre avec l’actrice Catherine Alric, un tournage parfois un peu curieux (l’acteur Pierre Clémenti avait l’air euh particulier) mais essentiellement une expérience agréable malgré le petit budget. La seconde, où il est désormais accompagné du journaliste et ami Frédéric Albert Lévy, se concentre cette fois uniquement sur la sortie plus que difficile du film, la première catastrophique à Avoriaz, sa distribution hasardeuse et plus généralement ses rapports tendus avec la presse. Comme sur La Nuit de la mort, on sent un artiste profondément blessé et démuni finalement face à une critique injustement assassine.
Liste des bonus
Retour sur Clash avec Raphaël Delpard (26’), Souvenirs d’un Clash avec Raphaël Delpard et Frédéric Albert Lévy (30’), Film annonce.