CHINATOWN
Etats-Unis – 1974
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Policier, Film noir
Réalisateur : Roman Polanski
Acteurs : Jack Nicholson, Faye Dunaway, John Hillerman, Perry Lopez, John Huston, Roman Polanski, James Hong, Burt Young…
Musique : Jerry Goldsmith
Durée : 131 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Dolby True HD 5.1 Anglais, Dolby Audio 2.0 mono français, italien, espagnol…
Sous-titres : Français, anglais, italien, allemand…
Editeur : Paramount Pictures France
Date de sortie : 19 juin 2024
LE PITCH
Le détective privé Jake Gittes, gagne sa vie grâce aux mœurs légères du Los Angeles d’avant-guerre. Embauché par une jolie femme pour enquêter sur l’aventure extraconjugale de son époux, Jake se trouve plongé dans un tourbillon de mensonges et de scandales.
Bye Bye L.A.
Vu comme un auteur adoubé par l’inteligencia (genre Les Cahiers du cinéma), tout autant qu’un objet de scandale, Roman Polanski n’en reste pas moins un cinéaste attaché, fasciné, par le cinéma de genre. Un cinéma populaire et aventureux auquel il s’est souvent efforcé de rendre hommage avec Pirates, Le Bal des vampires ou l’inoubliable Chinatown relecture des chefs d’œuvre du film noir Hollywoodien.
Comme beaucoup avant lui, le réalisateur ne peut s’empêcher de dissimuler quelques emprunts et clin d’œil plus ou moins visibles à Citizen Kane, Howard Hawks ou Le Faucon Maltais, mais cette déclaration n’a rien de l’œuvre nostalgique, puisque passé un très joli générique d’ouverture au format 4/3 presque noir & blanc, vibrant sur les cordes de Jerry Goldsmith (ou sous-estime trop souvent ses musiques pour films policiers comme L.A. Confidential), Chinatown s’étend vers un cinémascope fabuleusement riche, combinant les montages dans le plans, les profondeurs de champs vertigineuse et les compositions d’une minutie rare. C’est que le changement de format, transforme littéralement les ambitions du genre : de petit polar sombre et scabreux, le film noir rejoint par son amplitude la force des grands westerns et surtout leur idée de l’épique contant la naissance d’une nation. Mais Polanski en est revenu du rêve américain en particulier depuis le meurtre terrifiant de sa femme par Charles Manson, et le tournant névralgique des années 30 conditionné par le décorum puant sous la chaleur étouffante de Los Angeles est le cadre idéal pour égratigner la surface clinquante. Avec Chinatown, l’Amérique moderne (personnifié par LA Compagnie des eaux) nait sous nos yeux. Mais une Amérique fondée sur la corruption, le mensonge, le sexe, la perversité et un fatalisme d’une noirceur implacable.
Assoiffé
Dans les arrière-cours troubles des demeures des riches propriétaires locaux et des hauts fonctionnaires, le détective incarné par Jack Nicholson court littéralement après le mal, mais en remuant la merde provoque un chaos incommensurable. Finis le temps des redresseurs de torts charismatiques et séducteurs, impassible et retors, Nicholson use de sa gueule carnassière pour mieux souligner l’injustice qu’il rencontre, même divine tant son parcours ressemble parfois à un chemin de croix où chaque chapitre entraine une mise à l’amende (extraordinaire idée du sparadrap sur le nez comme pour mieux émousser son flair). Baladé, séduit par la femme fatale terriblement magnétique incarné par Faye Dunnaway, totalement dépassé par un mielleux mais malsain John Huston, l’antihéros de Chinatown est un jouet du destin que le futur auteur de Frantic ramène constamment à échelle humaine (voir les plans toujours en amorce de ses épaules) autant pour plonger le spectateur dans les méandres d’une enquête poisseuse, que pour empêcher le détective Gittes de s’en échapper. La tragédie s’achève d’ailleurs comme un opéra grandiose dans des quartiers chinois reconstruit en studio, là où « tout a commencé » (mais pour qui ?), sur un plan de grue retrouvant une vision omnisciente, écrasante, reléguant l’enquête à l’anecdote tristement anodine. Une conclusion en forme de révélation implacable où résonne à nouveau le blues obsédant d’un Jerry Goldsmith au sommet de son art.
Habile, élégant, troublant, le film de Roman Polanski est le meilleur film noir de l’ère moderne et clairement l’un des plus fascinant du genre.
Image
Annoncé comme issue d’une toute nouvelle restauration effectuée à partir d’un scan 4K des négatifs, l’UHD de Chinatown impressionne clairement par la limpidité et la propreté de ses cadres et le traitement crépusculaire des couleurs. Des teintes légèrement éteintes, brulées qui retrouvent enfin tous leurs dégradés, leurs variations et une fibre réaliste que l’on pensait gommée par des contrastes autrefois peut-être un peu trop boostés. Le film s’offre comme il se doit une nouvelle jeunesse, délivrant au passage une définition costaude soulignant la richesse des décors, des costumes et de l’atmosphère de ce très grand film. On peut tout de même évoquer deux petites retenues. La première est un traitement qui est parfois légèrement trop sombre (ce qui est une petite tendance chez Paramount) et une image qui peut sembler parfois un peu trop douce et où une part du grain (le film fut tourné en Panavision) aurait été étrangement gommé. Un soupçon de matière en plus n’aurait pas été de refus.
Son
Magie de la modernité, le mono d’antan nous parvient ici auréolé d’un Dolby Atmos d’une pureté inédite laissant chaque note de Goldsmith rivaliser d’imprécation (sa bande originale est absolument mirifique, il faut le dire et le redire) et les dialogues sonner avec une justesse constante. Pas d’inquiétude à avoir du coté de la spatialisation annoncée, celle-ci reste étonnement proche du mixage d’origine, ne laissant entendre que de rares et parcimonieux effets dynamiques, laissant à l’ensemble sa nature frontale, directe. A coté la version française immuable paraît un peu plus vieillissante, aplatie, même si le doublage est d’une qualité trop rare de nos jours.
Interactivité
Outre le plaisir de redécouvrir le film dans un écrin 4K inédit, cette édition UHD est aussi une excellente surprise pour les cinéphiles français puisque qu’elle nous permet d’accéder aux nombreux bonus produits il y a une quinzaine d’année pour la sortie HD américaine. On peut donc enfin déguster le commentaire audio passionnant et amoureux réunissant le scénariste Robert Towne et le réalisateur David Fincher s’arrêtant sur le moindre détails à l’image, s’intéressant au long documentaire retraçant l’historique et les conséquences de la construction du véritable aqueduc géant de Los Angeles, suivre l’hommage au film réunissant les interventions de Steven Soderbergh, Kimberly Pierce, Roger Deakins, et James Newton Howard et bien entendu plonger dans le making of rétrospectif de presque une heure signé Laurent Bouzereau pour un plus ancien DVD collector, avec les participations passionnantes de Polanski, Nicholson, du producteur Robert Evans et toujours du scénariste Robert Towne.
On peut difficilement faire plus complet et pourtant pour cette sortie 4K, la Paramount a choisi d’ajouter une petite intervention de l’assistant réalisateur qui se remémore deux prises de bec bien spectaculaires durant le tournage (mais déjà évoquée dans le making of) et surtout une présentation du film par Sam Wasson, auteur de l’excellent ouvrage The Big Goodbye, complément parfait au film dont il reprend ici quelques réflexions et analyses.
Pas de trace par contre, à contrario de l’édition US, du disque Bluray de The Two Jakes, suite beaucoup moins mémorable signée Jack Nicholson, remplacé chez nous par l’ancien Bluray de Chinatown.
Liste des bonus
Commentaire audio de Robert Towne et David Fincher (VOST), « Un état d’esprit : L’Auteur Sam Wasson parle de Chinatown » (16’), « Souvenirs de Chinatown » (6’), « La Trilogie qui n’existe pas » (2’), « Eau et pouvoir » (78’), « Chinatown : Un commentaire » (26’), « Chinatown : Début et fin » (19’), « Chinatown : Le Tournage » (25’), « Chinatown : L’Héritage » (9’), Bande-annonce cinéma (3’).