Tourné aux alentours, avant ou après les sources se contredisent, de l’autre Agent 077 Opération sexy, Chasse à la Mafia en reprend une grande part des éléments. Que ce soit dans un nouveau décors très exotiques d’un pays imaginaire d’Amérique centrale (contre une Jamaïque très fantasmé dans le premier) où cette disparition initiale, ici un barman homme à femmes qui servait d’indic, et qui va permettre de lancer la machine dramatique. Le réalisateur cajole toujours autant, voir même mieux, ses séquences de performances scéniques particulièrement swinguées, mais aussi fait preuve d’une plus grande fermeté dans la construction de son scénario, adaptation toute personnelle du roman Vous souvenez-vous de Paco ? de Charles Exbrayat, qu’il habille avec tous les oripeaux du grand film noir américain. Peu ou pas de digressions et d’envolées flottantes, le film suit pas à pas d’un coté l’enquête parfois musclée de l’Inspecteur Ruiz (Fernando Fernán Gómez, grand acteur espagnol qui fait ici parfois bizarrement penser physiquement à Leslie Nielsen), lancé aux trousses du charismatique, mais inquiétant, Maurice Leprince (Jean Servais inoubliable dans Du Rififi chez les hommes auquel le titre original fait écho), politicien ayant fui l’Europe en 1944 (tiens, tiens) et préparant sa glorieuse réélection.

La mort dans les urnes

Et son portrait d’un leader populiste, manipulant les foules et les opinions, n’est bien entendu pas sans rappeler le Président Franco qui écrasait alors encore l’Espagne sous sa coupe. Une teneur politique bien marquée qui était absente du texte original et qui porte la marque de Jess Franco. Tout comme d’ailleurs cette trame parallèle qui vient constamment hanter l’écran où un étrange assassin caché derrière un long manteau et un chapeau, armé d’une lame brillante, élimine un à un les hommes de mains de Leprince après leur avoir murmuré à l’oreille « Vous souvenez-vous de Juan ? ». Des accents de giallo ou de slasher avant l’heure, un soupçon de mystère voir de fantastique, qui se marie parfaitement à l’atmosphère poisseuse d’un roman noir mélancolique et souvent désespéré, et qui là encore ne cache jamais son admiration totale pour le cinéma d’Orson Welles et son sublime La Soif du mal. Avec talent, Jess franco en reprend le noir et blanc en clair obscur, l’utilisation de longue focale, les enchainements d’amples plongées et de contre-plongées, et plus généralement des cadrages parfaitement millimétrés et élégants.  Un exercice de style parfois trop appliqué et un poil fauché, mais bourré de charmes et d’un talent alors naissant mais évident.