CES MESSIEURS DE LA SANTÉ
France – 1934
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie
Réalisateur : Pierre Colombier
Acteurs : Raimu, Lucien Baroux, Edwige Feuillère, Pauline Carton, Paul Amiot, Guy Derlan…
Musique : Jacques Dallin
Image : 1.37 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0, Audiodescription
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Durée : 109 minutes
Editeur : Pathé
Date de sortie : 24 avril 2024
LE PITCH
Après s’être évadé de la prison de la Santé, Jules Taffard, un escroc notoire, décide de s’en prendre à la famille Génissier. Sous un faux nom, il se fait embaucher comme homme à tout faire par la mère, propriétaire d’un magasin de corsets. Une fois la confiance de toute la maisonnée gagnée, Taffard débute ses arnaques en compagnie de Zwerch, son nouvel acolyte. Amusé par ses combines et encouragé par la famille Génissier qui profite des bénéfices, Taffard multiplie les tours de passe-passe au point d’attirer l’attention des gendarmes…
L’as des escrocs
Le grand Raimu ne jouait pas que les grandes gueules marseillaises pour Pagnol. Son pouvoir comique allait bien plus loin que cela, comme le rappelle ce très sympathique Ces Messieurs de la santé, satire des joies de la nouvelle finance dans une France frappée par la grande crise économique.
Déjà rôle principal de la version théâtrale qui fut un triomphe à Paris dès 1931, c’est bien Raimu lui-même qui supervisa et organisa la production de cette version cinéma. Les auteurs Paul Armont et Léopold Marchand revinrent à l’écriture pour assurer la transition et surtout la pérennisation, le studio historique de Pathé donna du coffre à l’ensemble, mais d’après les témoignages ce fut bien le très populaire comédien qui choisit ses compagnons à l’écran (dont une Edwige Feuillère presque débutante) et qui jeta son dévolu sur Pierre Colombier pour la place de réalisateur. Un artisan de Pathé justement, un ancien dessinateur d’humour, mais aussi et surtout un grand connaisseur des ressorts de la comédie à la française à laquelle il a offert quelques jolis succès (Le Roi des resquilleurs, Sa meilleure cliente, Théodore et cie…), se montrant certainement bien plus fin que beaucoup, et surtout souvent bien plus ambitieux et innovant dans sa mise en scène. Tout en déjouant constamment le piège statique du théâtre filmé, Pierre Colombier multiplie ici les plans séquences élégants et accompagne l’élévation de son protagoniste en jouant sur une photo et des cadrages de moins en moins étroits jusqu’à un décor grandiose de bureau de chef d’entreprise entre Citizen Kane et Les Temps modernes.
L’Argent ne fait pas (totalement) le bonheur
Le symbole de la réussite imparable de ce Jules Taffard, récemment échappé de la prison de la santé dans laquelle il était écroué pour malversation, qui va rapidement refaire sa fortune en entrant comme simple gardien de nuit dans l’entreprise détenue par Madame Génission (Pauline Carton), spécialiste du corset sage et sans fioriture. A force de talent, de charme, d’élucubrations, de petites manipulations et d’une grande dose d’intelligence, le bonhomme va se mettre toute la boite dans la poche, monter les échelons et faire fructifier tout ce beau monde au-delà des espérances, transformant la petite boutique familiale entre entreprise fructueuse et étonnement diversifiée. Le film sort sur les écrans en mars 1934 soit seulement deux mois après le « suicide » d’Alexandre Stavisky, lui aussi génie de la finance et margoulin des hautes instances dont la découverte des détournements de fonds et multiples arrangements avec les hautes sphères de la politique et de l’industrie firent éclater un scandale national entrainant la chute de deux gouvernements. Ce n’est bien entendu pas un hasard, et même si cette comédie reste au demeurant bon enfant, puisque même l’achat de mitraillettes et de tanks, la reprise du système de Ponzi et la multiplication des entourloupes et des pubs mensongères (pléonasme) se font avec le sourire, Ces messieurs de la santé ne cesse de faire écho à la grande méfiance de la France d’alors aux systèmes financiers.
Raimu, alternant ses fameuses grandes effusions et des passages beaucoup plus louvoyants, interprète à merveille cet arnaqueurs génial, arrogant mais flamboyant, faussement modeste et véritablement paternaliste, qui réussit tout ce qu’il entreprend, ne tombant jamais bien longtemps entre les griffes de la police, et à qui on pardonne tous les mensonges pour quelques bénéfices bien sentis. Une jolie redécouverte dont bien entendu le thème et son illustration n’ont rien perdu de leur mordant et de leur pertinence en 2024.
Image
Pathé continue son grand travail de réhabilitation de son catalogue de classiques et signe une nouvelle et superbe restauration. Un travail effectué à partir d’un scan 4K des négatifs originaux, complété par quelques inserts du marron, suivi d’un nettoyage extrêmement soigné et précis et d’une stabilisation admirable. Difficile de faire la fine bouche ici, les cadres sont éclatants, assurant une propreté constante et une netteté impressionnante. Le grain très marqué d’origine est vibrant, organique, tendant délicatement vers les argentiques aux reflets bronze.
Son
Bel effort aussi du coté de la piste sonore française mono, forcément un peu changeante parfois dans ses échos (dû à la captation de 1934), mais tout est toujours clair, ferme et équilibré avec un joli gommage des ronflements et grésillements habituels des films de ces années-là.
Interactivité
Les documents d’époque ne sont bien entendu pas légion et Pathé a donc opté pour un documentaire de près d’une heure (tout de même !) réunissant les interventions de Jean Garrigues, historien, Didier Griselain, comédien, et Isabelle Nohain-Raimu, petite fille de l’acteur et fondatrice de l’Espace Raimu à Marignane. Le propos alterne entre un retour sur les grandes lignes de la carrière de Raimu, une réhabilitation du cinéaste Pierre Colombier mais aussi avec une remise en contexte importante sur ce début des années 30 et, entre autres, la crise de 29 et les grandes lignes de la célèbre affaire Stavisky et ses conséquences. Le propos est toujours intéressant, souvent passionné, et permet effectivement de mieux comprendre certains éléments du film et son joli succès rencontré dans les salles françaises à l’époque.
Liste des bonus
« À l’ère des grandes affaires » : Entretiens autour du film avec Jean Garrigues, Didier Griselain et Isabelle Nohain-Raimu (50’).