CASIER JUDICIAIRE
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You and Me – Etats-Unis – 1938
Support : Bluray & DVD
Genre : Film noir
Réalisateur : Fritz Lang
Acteurs : Sylvia Sidney, George Raft, Barton MacLane, Harry Carey, Roscoe Karns, Warren Hymer…
Musique : Kurt Weill
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 94 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 26 février 2025
LE PITCH
Travaillant dans le même magasin, Joe et Helen, deux condamnés, libérés sur parole, sont épris l’un de l’autre. Des deux amants, seul Joe a avoué son passé. Lorsqu’il découvre la vérité sur Helen, trahi et déçu, il se lance par désespoir dans la préparation d’un mauvais coup.
Les amants coupables
Troisième film américain de Fritz Lang après les films noirs et âpres Furie et J’ai le droit de vivre, Casier judiciaire poursuit l’analyse, et la critique, du système judiciaire américain mais en optant cette fois ci pour un mode beaucoup allègre, entre screwball comedy, romance, comédie musicale et film de gangster. Un peu à part forcément.
Exilé fuyant l’arrivée des nazis aux pouvoir en Allemagne, Fritz Lang sera passé du statut de grand ordonnateur de son cinéma, autorité absolue et maitre à bord de ses navires cinématographiques, à celui de metteur en scène dans une industrie hollywoodienne entièrement au service de la machine générale, des producteurs et du studio. Une acclimatation tendue et qui malgré le succès de son premier long métrage, Furie, rend son appréhension de nouveaux projets beaucoup plus ardues qu’autrefois. Ça et le manque d’engouement du public pour le suivant J’ai le droit de vivre, explique en grande partie l’arrivée du cinéaste sur le projet de Casier judiciaire. Le récit presque badin de la rencontre amoureuse entre Joe et Helen, deux anciens repris de justice, embauchés dans le même grand magasin dont le patron privilégie justement les chemins d’insertion. Elle n’osera pas avouer son passé à celui qu’elle finit rapidement par épouser. Une comédie romantique, avec son petit lot de non-dits, de secrets à demi avoués et forcément d’équivoques, qui devait au départ être dirigé par le scénariste Norman Krasna (Noël Blanc, Le Milliardaire…). Mais Fritz Lang semble une option beaucoup plus solide pour la Paramount, décision largement appuyée par le duo de stars George Raft (Scarface) et surtout Sylvia Sydney avec qui il vient de signer justement ses deux films précédents.
Le chemin de la repentance
Une œuvre de commande en sommes, que Lang va tenter de transformer à son image, prenant de la distance avec le film noir attendu pour s’efforcer de retrouver une forme hybride bien plus en vogue en Allemagne mêlant fable morale (presque éducative), divertissement enjoué et élans musicaux. Très marqué par le fameux Opéra de quat’sous il s’assure même la collaboration du compositeur Kurt Weil pour signer cinq morceaux chantés (seuls deux persisteront au final), mais les pressions de la production, la mésentente avec la scénariste Virginia Van Upp (Lune de miel à Bali, La Reine de Broadway…) auront finalement raison de son enthousiasme et surtout de la cohésion d’une œuvre qui s’essouffle un peu à force de courir tous les lièvres, tous les genres. C’est surtout la seule véritable comédie de Fritz Lang et on sent le metteur en scène nettement moins à l’aise avec l’exercice. Pourtant l’alchimie entre le dur George Raft et la superbe Sylvia Sidney, aux airs de moineau fragile (mais pas tant que ça), fonctionne à merveille, mais leur petit tango ne passionne jamais autant qu’il ne le devrait vraiment. L’humour même reste à distance, plus pince-sans-rire que gaguesque, se montrant cependant plutôt malin lorsqu’il faut évoquer l’idée que le « crime ne paie pas » en en faisant la démonstration la plus scolaire et pragmatique possible avec Sydney en guise de maitresse d’école devant son tableau noir.
Là où Casier Judiciaire fascine véritablement c’est dans certaines scènes « à côté » où le film semble véritablement échapper à sa modeste condition. Comme dans cette chanson entendue dans un casino qui évoque les filles qui tombent toujours amoureuses des mauvais garçons et qui donne lieu à une mise en image onirique et théâtrale aux lisières de l’expressionnisme. Superbe séquence aussi lorsque les camarades de geôle du protagoniste se remémorent en quelques murmures et surimpression nostalgiques, leur temps d’incarcération communs. Des retours à une forme plus figurative, atmosphérique et sérieuse qui charpentent admirablement ce petit film du grand Fritz Lang .
Image
Sortie en DVD il n’y a pas si longtemps chez ESC, Casier Judiciaire s’octroie enfin une vraie sortie Bluray. La nouvelle copie, observée avec quelques variations aux USA chez Kino Lorber et en Angleterre chez Indicator, est visiblement une remasterisation 2K s’appuyant sur un matériau un peu plus daté. Les reflets argentiques se font alors assez discrets et le noir et blanc se montre particulièrement tranché, mais cela n’empêche pas le résultat d’être tout à fait agréable. Quelques restes de griffures ou de taches persistent parfois mais les cadres sont très propres et surtout assez stables, et réussissent à faire persister un léger grain délicat. La définition est plutôt solide et redonne de sa superbe au métrage.
Son
Pas de version française ici, seule la version originale mono a fait le voyage. En DTS HD Master Audio 2.0 tant qu’à faire. L’écoute est directe et assez claire, autant pour les dialogues que les passages musicaux. La restauration reste un peu limitée cependant puisque persistent encore régulièrement en arrière-plans divers craquements et grésillements.
Interactivité
Premier titre de la nouvelle collection consacré à Fritz Lang chez Rimini Edition, Casier judiciaire est proposé sous la forme d’un digipack deux volets comprenant copie Bluray et copie DVD. Sur les deux disques on retrouve la même présentation du film signée par le journaliste Nicolas Tellop, collaborateur de La Septième Obsession. Un exercice simple, face caméra, mais rondement mené puisque l’intervenant retrace par le menu les origines du projet et toutes les évolutions et déconvenues qu’a pu connaitre la production. De nombreuses infos et anecdotes sont délivrées offrant un éclairage bienvenu à cet essai un peu particulier dans la longue et fructueuse carrière du grand Fritz Lang.
Liste des bonus
Interview de Nicolas Tellop, essayiste et critique (38’).