CASBAH & FORT ALGER
Casbah, Fort Algiers – États-Unis – 1948,1953
Support : Blu-ray & DVD
Genre : Drame, Aventures
Réalisateur : John Berry, Lesley Selander
Acteurs : Yvonne De Carlo, Tony Martin, Peter Lorre, Màrta Torén, Carlos Thompson, Raymond Burr, Leif Erickson, …
Musique : Harold Arlen, Walter Scharf, Michel Michelet
Durée : 94 et 78 minutes
Image : 1.37 & 1.66 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 19 septembre 2023
LE PITCH
Réfugié dans la casbah d’Alger où il est intouchable, le truand Pépé le Moko tombe amoureux d’une jeune parisienne, Gaby, et court à sa perte…
Inquiet du soulèvement de tribus berbères, le gouvernement français dépêche en Algérie Yvette Delmar, une espionne, pour enquêter sur les agissements du sheik Amir, un homme riche et influent…
Yvonne Superstar
Elle fut Sephora, épouse de Moïse, pour Cecil B. De Mille dans Les Dix Commandements. Elle fut une Lola Montez plus vraie que nature dans le western Bandits de grand chemin de George Sherman. Elle fut aussi l’iconique Lily Munster, femme d’Herman Munster, dans la série culte The Munters. Yvonne De Carlo était une star, une vraie, et l’éditeur Sidonis Calysta lui rend hommage en dénichant deux films rares qui raviront les cinéphiles, Casbah, second remake de Pépé le Moko, et Fort Alger, ancêtre très très très lointain du Lion et le Vent de John Milius, où la belle brune joue les Mata-Hari auprès d’un cheikh berbère. Des œuvres mineures certes, mais qui font passer en très bon moment en compagnie d’une actrice charismatique aux mille et un talents.
Née en 1922 à Vancouver d’un père néo-zélandais (qui disparaît de sa vie alors qu’elle n’a que trois ans) et d’une mère française d’origine sicilienne et écossaise, Margaret Yvonne Middleton se destine aux feux de la rampe dès son plus jeune âge. Formée à la danse (où elle excelle tout particulièrement) et au chant, elle débarque en Californie avec sa mère à l’âge de 18 ans, enchaîne les prix dans des concours de beauté et débute sa carrière au Florentine Gardens, un night-club fréquenté par le gratin d’Hollywood. Ses numéros de danse exotique, de plus en plus populaires, lui permettent d’obtenir la citoyenneté américaine, une réputation de valeur sûre et … un contrat à la Paramount où elle enchaînera les tout petits rôles pendant deux ans pour un salaire hebdomadaire de 60 dollars. En un sens, ces premières années vont façonner toute la carrière cinématographique de celle qui prend le pseudonyme d’Yvonne De Carlo, reprenant le nom de jeune fille de sa mère. Pas aussi bankable qu’Ava Gardner ou Dorothy Lamour auxquelles elle est souvent comparée ou à qui elle sert de faire-valoir, Yvonne De Carlo ne va jamais s’arrêter de travailler jusqu’à sa retraite officielle en 1995, se spécialisant dans la série B, le western, le film d’aventures et poussant la chansonnette à l’occasion. Sa percée spectaculaire sur le devant de la scène (et tout en haut de l’affiche) dans Salome, Where She Danced, joli mélodrame en Technicolor réalisé en 1945 par Charles Lamont l’enferme en réalité dans une image dont elle s’accommodera avec philosophie, celle de la brune volcanique et sophistiquée, hypnotisant le spectateur en deux pas de danse, une « distraction » de premier plan que l’on semble redécouvrir à chaque film pour la première fois. Oui, Yvonne De Carlo, décédée en 2007 à l’âge de 84 ans était bel et bien une star. Et pas qu’un peu.
Bons baisers d’Algérie
Curieusement, la participation d’Yvonne De Carlo au Casbah de John Berry que produit Universal en 1948 relèverait presque du second rôle. Jouant Inez, la maîtresse et confidente de Pépé le Moko, l’actrice ne bénéficie pas d’un temps de présence très élevé à l’écran. Elle parvient pourtant à donner du relief et de l’émotion à un personnage un peu cliché de beauté exotique, jalouse et fatale. Ce qui n’est pas rien. En inspecteur retors et opportuniste, véritable serpent, Peter Lorre vole pour sa part à la vedette à … presque tout le monde. Onctueux, ambigu et sans scrupules – ou presque – il est l’attraction majeur d’un long-métrage à la réalisation très solide. De là à dire que John Berry en remontre à Julien Duvivier, c’est un pas que l’on serait bien tenté de franchir si Casbah n’avait pas à souffrir de sa formule hybride et d’un acteur principal appliqué mais pas toujours crédible. Dans le rôle de l’anti-héros au centre de tous les enjeux, le crooner Tony Martin est donc forcé de donner de la voix, ponctuant une trame de film noir d’intermèdes musicaux parfaitement facultatifs. Plus latin lover facile à berner que roi de la pègre, son Pépé le Moko ne tient pas une seule seconde la comparaison face à celui de Jean Gabin. Ces ruptures de ton, John Berry tente de faire au mieux pour les intégrer dans une narration soutenue mais les chansons et les longs regards langoureux prennent trop souvent le pas sur le drame et sur les personnages féminins, totalement sous-exploités.
Inédit au cinéma en France, Fort Alger est un tout autre animal. Au centre d’une intrigue cousue de fils blancs, Yvonne De Carlo n’hésite pas investir de ses propres deniers dans cette série B d’aventures confiée à Lesley Selander, l’un des stakhanovistes les plus discrets d’Hollywood. Avec ses berbères poussés à la révolte par un chef de tribu riche et respecté (Raymond Burr, en service minimum), ses légionnaires héroïques et son héroïne belle et amoureuse, espionne et femme fatale mais pas trop, Fort Alger s’avère prévisible de bout en bout et comble les trous dans son budget en insérant aussi discrètement que faire se peut une ribambelle de stocks-shots issus de La dernière charge de Robert Florey avec George Raft, luxueux long-métrage à la gloire de la Légion Étrangère. Assez court (moins d’1h20 au compteur, douche comprise), le film de Lesley Selander témoigne d’un certain savoir-faire, ne s’embarrasse jamais d’ambitions déplacées et met en valeur sa grande vedette féminine, qu’elle entame une roucoulade de son cru dans une séquence entre Gilda et Casablanca ou qu’elle flirte gentiment avec le grand méchant pour gagner sa confiance. Routinier mais parfaitement divertissant, avec un petit parfum vintage en prime.
Image
Les films sont rares et anciens mais les copies sont de fort belle facture, très propres, bien définies et aux contrastes appuyés pour un noir et blanc de qualité supérieur. Quelques pétouilles et artefacts de compression viennent jouer très brièvement les troubles-fêtes mais c’est bien parce que l’on cherche la petite bête. Une exclusivité mondiale pour l’éditeur.
Son
Dans les deux cas, prière de ne pas pousser le son trop fort, les pistes mono atteignant très vite leurs limites et ayant tendance à saturer. Un peu de souffle mais les dialogues sont clairs et les pistes musicales jouissent d’une dynamique somme toute raisonnable si l’on en attend pas trop.
Interactivité
Chaque film a droit à la même valeur ajoutée avec une double présentation assurée par les tauliers de l’éditeur, à savoir François Guérif et Patrick Brion, à chaque fois complémentaires et très informatives malgré la fatigue un peu visible de ces vénérables historiens du 7ème Art. Leur érudition et leur amour du cinéma demeure toutefois insurpassable.
Liste des bonus
Présentations de François Guérif, Présentations de Patrick Brion, Bandes-annonces.