CANNIBAL MAN : LA SEMAINE D’UN ASSASSIN
La semana del asesino – Espagne – 1972
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur, Drame
Réalisateur : Eloy de la Iglesia
Acteurs : Vicente Parra, Emma Cohen, Eusebio Poncela, Vicky Lagos
Musique : Fernando Garcia Morcillo
Durée : 107 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Espagnol PCM mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Artus Films
Date de sortie : 19 avril 2022
LE PITCH
Employé dans une usine de découpe de viande, Marcos vit solitaire entre misère et déprime, dans sa cité d’immeubles gris, malgré sa petite amie Paula. Un soir que les deux s’embrassent sur la banquette arrière d’un taxi, le chauffeur les fait sortir et gifle la jeune fille. Marcos le tue involontairement. Paula le poussant à aller voir la police, il la supprime également. Mais chaque nouveau meurtre entraîne un témoin que Marcos doit éliminer. Il va se retrouver ainsi au centre d’une spirale meurtrière à laquelle il ne pourra pas échapper.
I’ve been working like a dog
Cinéaste culte qui aura œuvré aussi bien dans les dernières années du Francisme que dans une Espagne plus libérée, Eloy de la Iglesia reste cependant encore très méconnu en France, et souvent totalement inédit même. En dehors d’un étrange giallo d’anticipation Le Bal du vaudou et ce Cannibal Man que les spécialistes considèrent souvent comme la synthèse de son cinéma.
Comme beaucoup de cinéastes espagnols un tant soit peu habités durant ces années 60/70, Eloy de la Iglesia dû composer, parfois très difficilement, avec la censure du gouvernement franciste et des autorités religieuses. Bien compliqué pour un homme qui se déclare anticlérical, communiste et qui cumule ces tares avec une homosexualité relativement bien assumée, et qui va donc dans la première partie de sa carrière se tourner vers le cinéma d’exploitation pour trouver un cadre plus libre où s’exprimer, où en tout cas pour dissimuler un propos des plus personnels. A l’instar de La semana del asesino (La Semaine d’un assassin) dont les distributeurs mirent le plus souvent en avant les détails les plus graveleux (une pincée d’érotisme, quelques meurtres frontaux) quitte à le renommer très librement aux USA Cannibal Man et lui octroyer en affiche une victime frappée en plein front par un hachoir. Une manière de réduire tristement un film largement plus complexe qu’il n’y parait, qui dû d’ailleurs dès son écriture revoir ses ambitions à la baisse suite à un premier passage devant le comité de censure, avant de se voir couper dans les grandes largeurs une fois l’objet fini (le montage original a semble-t-il totalement disparu). Non pas forcément pour ses excès de brutalités, finalement secs et presque expéditifs, mais surtout pour son atmosphère déliquescente et son regard cru et noir sur la société espagnole de l’époque.
Le tueur se met à table
Un contexte aliénant où les codes moraux écrasent les libertés, ou le simple ouvrier est forcément suspect et où la condition humaine s’inscrit directement dans le paysage. Ainsi Marcos vit dans l’unique maison d’un gigantesque terrain vague aussi large qu’un désert, entouré d’une jeunesse désœuvrée et écrasée par l’ombre d’immense immeubles cossus figurant une modernité dévorante. Conditionné par le fameux Metro, Boulot, Dodo, il subit sa vie à l’abattoir comme ailleurs. Une victime, même lorsqu’il tue par erreur un chauffeur de taxi qui s’en prenait à sa fiancée. Le début de l’escalade, ou plutôt d’une chute inlassable et journalière puisque serial killer malgré lui il devra mettre fin aux jours de sa dulcinée pour qu’elle ne le dénonce pas à la police, puis à ceux de son frère, son ex potentiel beau-père, la charmante propriétaire du bar restaurant…. Une farce tragique à l’humour noir féroce pour un psychokiller totalement désespéré qui oscille entre l’inhumanité inquiétante et la solitude pathétique, en particulier lorsqu’il doit trouver des solutions pour se débarrasser des cadavres qui pourrissent dans sa chambre et empestent tout le quartier. Et lorsqu’il transforme leurs restes en viande qu’il enfourne dans le four à son boulot les transformant en jus pour futur soupes goutteuses, la portée politique se fait plus évidente que jamais. Idem lorsqu’il accepte une nuit à la piscine avec le charmant Nestor et qu’ils batifolent comme deux adolescents sous les jets d’eau, où là le besoin d’affirmation de soi, de sa nature profonde prend un tout autre sens.
Pas très loin dans sa grisaille et son grain naturaliste du Maniac de William Lustig, La Semaine d’un assassin est un drame horrifique marquant, frappant par sa beauté pessimiste et le cri sourd, douloureux qu’il véhicule à chaque instant.
Image
Produit par Severin le nouveau master HD a été effectué à partir d’un scan à la source. De quoi assurer des textures naturelles, des couleurs bien pêchues et une définition parfois surprenante pour un film si mal exploité au cours des années. Très jolie copie même si, par sa nature composite avec la réintégration de quelques scènes censurées, on note quelques plans encore marqués par des restes de griffures et parfois un peu de bruit sur certains plans nocturnes. Largement pardonnable.
Son
Les pistes audios ont bien entendu elles aussi connues une petite mise à jour. Les sources sont plutôt propres, avec de petites fluctuations discrètes et de rares chuintements. Le montage US est présenté uniquement avec la bande sonore anglaise, alors que le montage étendu, majoritairement en espagnol comporte trois – quatre courts échanges en anglais.
Interactivité
Disposée sous la forme d’un petit fourreau cartonné comportant un digipack recueillant les disques Bluray et DVD, l’édition contient aussi un livret bien fourni de 64 pages signé par l’indispensable David Didelot. Un ouvrage consacré à la carrière oh combien méconnu d’Eloy de la Iglesia, à ses récurrences d’auteurs, ses évolutions et sa place à part dans l’histoire du cinéma espagnol et bien entendu quelques pages uniquement consacrées au film en question. Avec une écriture légère et érudite, le journaliste signe un document passionnant qui attise la curiosité.
Une approche que l’on retrouve presque à l’identique (et c’est un peu dommage) dans la présentation vidéo du film signée Emmanuel Le Gagne et dans l’intervention du réalisateur Gaspard Noé lui-même grand fan du cinéaste et du film. La galette contient aussi le montage américain, cut donc, du film dans une copie toute aussi réussie que la version longue.
Liste des bonus
Livret 64 pages de David Didelot « La semaine d’un assassin », Montage américain (99’), Présentation du film par Emmanuel Le Gagne (31 ‘), Souvenirs de Gaspar Noé (16’), Diaporama d’affiches et photos, Film-annonce.