CANDYMAN (2021)
Etats-Unis, Canada, Australie – 2021
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Nia DaCosta
Acteurs : Yahya Abdul-Mateen II, Teyonah Parris, Nathan Stewart-Jarett, Colman Domingo, Kyle Kaminsky, Vanessa Williams…
Musique : Robert Aiki Aubrey Lowe
Durée : 90 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Dolby Atmos Anglais et allemand, Dolby Digital 5.1 français, espagnol…
Sous-titres : Français, allemand, espagnol…
Éditeur : Universal Pictures France
Date de sortie : 16 février 2022
LE PITCH
D’aussi loin qu’ils se souviennent, les habitants de la cité Cabrini-Green à Chicago ont toujours été frappés d’effroi à l’évocation d’une légende urbaine selon laquelle il suffirait de répéter 5 fois le nom d’un tueur démoniaque en se regardant dans un miroir, pour invoquer sa venue. Une décennie après la démolition des dernières tours de Cabrini-Green, l’artiste peintre Anthony McCoy et sa compagne emménagent dans un loft de l’ancien quartier reconverti et désormais réservé à de jeunes professionnels et artistes aisés.
Say My Name
Comme réalisateur puis producteur, Jordan Peele s’est fait le chef de file d’une nouvelle génération d’auteurs noirs s’efforçant de se réapproprier les codes du cinéma de genre et plus particulièrement celui de l’horreur. Un cheminement qui devait inévitablement croiser la route de Candyman, boogieman mythique et unique, autant pour sa couleur de peau, son reflet d’enjeux sociaux terriblement ancrés dans l’histoire américaine que sa mythologie moderne, profonde et inquiétante.
Le film de Bernard Rose, sorti sur les écrans en 1992, marqua sans doute plus encore toute une génération de jeunes blacks qui se reconnaissaient enfin à la fois dans le visage d’un monstre aux contours de martyr et une description sans fard des décors du quartier délabré de Cabrini-Green. Ce sont ceux-là qui, d’une certaine façon, offrent aujourd’hui un nouveau départ au personnage plus de vingt ans après un Candyman 3 Le Jour des morts de sinistre mémoire, en jouant sur la corde sensible d’un faux reboot / remake. Ce nouveau Candyman revient d’ailleurs plus ouvertement aux racines même de la nouvelle de Clive Barker, renouant avec un personnage aux formes changeantes, nourri de la rumeur de la communauté dont il est issu, de leurs rages et de leurs peurs, qu’il vient lui-même alimenter par ses agissements. Si le film reprend le titre simple de Candyman, il s’inscrit pourtant dans le prolongement direct du film de Bernard Rose, rebondissant sur un élément de son scénario, et l’inscrivant désormais dans le décor transformé d’un quartier de Cabrini-Green, métamorphosé en zone huppée, aux bâtiments de verre lumineux et aux galerie d’arts embourgeoisées. Jeune réalisatrice new-yorkaise et elle-même habituée de ce milieu artistique, Nia DaCosta (Little Woods et bientôt The Marvels) en fait le nouveau décor de l’apparition de la malédiction du Candyman qui vient habiter les toiles et créations d’un artiste en mal d’inspiration.
Les enchaînés
Avec une mise en scène d’une impressionnante profondeur, une élégance constante dans la construction des plans, sculptée par la lumière et les textures, la réalisatrice impose un riche contraste entre les restes de la zone urbaine rasée, gommée de l’histoire, et le résultat d’une gentrification brutale. S’il s’offre désormais de nombreux visages, Candyman est encore et toujours l’excroissance d’une injustice sordide subie par la population noire, et plus précisément ici les exactions sanglantes d’une police aveugle et raciste. Un écho évident aux évènements entourant la mort de George Floyd et la violence systémique, et historique, des autorités américaines envers une certaine catégorie de la population. Le message du film se fait plus clair et frontal que par le passé, et s’accompagne autant d’un verbe théorique omniprésent que d’une grande sophistication formelle. Une fois encore la réalisation, admirable, offre une atmosphère unique, complétée par les expérimentations musicales étouffantes et contemporaines de Robert Aiki Aubrey Lowe (avec une superbe reprise du thème de Philip Glass) ou ces splendides flash-back, prenant la forme de théâtre d’ombres macabre et cauchemardesque à souhait. Un maniérisme qui joue malheureusement aussi contre le film et qui ne laisse alors que peu de place à l’horreur pure. Les meurtres y interviennent presque à rythme égal, tout en hors-champs, invisibilité et jeux de miroir abyssaux, confortant à une abstraction où manque l’impact funèbre du film de 1992, son implacable viscéralité poétique.
Un quatrième épisode (avec une apparition mémorable de Jason Todd en personne) qui reste particulièrement surprenant, exigeant et inventif, mais qui à force de vouloir échapper au cadre du cinéma d’exploitation primaire perd une part de son âme en route.
Image
Capturé en 4K numérique, Candyman malgré sa très haute tenue montrait quelques légers effets de glissements en Bluray. Des défauts qui disparaissent totalement sur la galette UHD, assurant une définition plus ferme encore, parfaite même, venant souligner le moindre détail de l’image et surtout jouant plus avant sur la profondeur des plans, particulièrement marqués dans la mise en scène du film. Même hausse du côté des couleurs, avec des noirs à la fois plus profonds et plus subtiles, et des teintes beaucoup plus fluides et tranchées qui participent considérablement à l’atmosphère très particulière du film. Superbe.
Son
Sans doute l’une des meilleurs pistes Dolby Atmos disponible actuellement sur le marché. Jamais un seul effet ronflant ou trop massif à l’horizon, mais systématiquement une utilisation subtile, vibrante et obsédante de la dynamique de l’installation. La bande originale de Robert Aiki Aubrey Lowe s’imprègne dans chaque recoin, tandis que les atmosphères tour à tour urbaines et horrifiques sculptent littéralement l’espace sonore. Une abeille qui volette d’un niveau à l’autre, la pluie qui frappe les fenêtres du salon, les sirènes de la police au loin… Précis, tendu, incroyablement immersif : le spectateur a constamment l’impression d’être au centre du dispositif. Le Dolby Digital 5.1 du doublage français semble bien anecdotique forcément.
Interactivité
La « featurettite » a encore frappé avec une série de petits sujets plus ou moins creusés venant explorer les liens avec le premier film, les effets de maquillage, la personnalité de la réalisatrice, le message, les superbes toiles présentées dans le film, les séquences animées en marionnettes et bien entendu la redoutable bande originale. Beaucoup de chose intéressantes et une vraie volonté de présenter l’impact de chacun sur l’objet final mais qui aurait certainement gagner à prendre la forme d’un authentique Making of.
On est un peu plus circonspect devant le plus long segments, Candyman : l’impact du black horror, qui laisse place à une table ronde de spécialistes de la question communautaire et qui viennent souligner l’importance du personnage et celle du film, sa symbolique… Comme s’il fallait encore surligner le sous-texte du métrage et affirmer l’importance que cet opus ait été conçu essentiellement par des artistes noirs à contrario du film de Bernard Rose, qui du coup en deviendrait presque suspect… La limite de ce type de réflexion en somme.
A noter aussi la présence de quelques scènes rallongées peu mémorables et d’une fin alternative beaucoup moins marquante.
Liste des bonus
Fin alternative, Scènes coupées et version longues, Dis mon nom, Le body horror, L’oeil de la réalisatrice : Nia DaCosta, Peindre le chaos, L’art de Robert Aiki Aubrey Lowe, La terreur dans l’ombre, Candyman : l’impact du black horror.