CANDYMAN
États-Unis – 1992
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Bernard Rose
Acteurs : Virginia Madsen, Tony Todd, Xander Berkeley, Kasi Lemmons, Vanessa Williams
Musique : Phillip Glass
Durée : 99 min
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : ESC Editions
Date de sortie : 15 juin 2023
LE PITCH
Helen Lyle est une étudiante diplômée de l’université de Chicago qui écrit une thèse sur les légendes urbaines. À l’occasion d’entrevues menées dans le cadre de ses recherches, elle entend parler d’une légende locale appelée Candyman – un mystérieux tueur armé d’un crochet qui apparaîtrait lorsque l’on prononce cinq fois son nom devant un miroir. Convaincue de tenir une piste intéressante pour sa thèse, Helen se rend, avec son amie Bernadette, à Cabrini Green, une cité qui serait le « territoire » de Candyman.
Sweets to the sweet
Pas moyens de passer à côté de Candyman lorsqu’il est question d’adaptations de l’illustre Clive Barker, tant le film est considéré comme la transposition la plus réussie de ses écris. Impossible non plus de passer à côté lorsque le sujet vient à se poser sur la figure du croquemitaine moderne. Et pour cause.
Film totalement inattendu au début des années 90, Candyman est sans aucun doute un petit miracle à lui tout seul. Adapté d’une nouvelle presque théorique, ou en tout cas vaporeuse de Clive Barker (The Forbidden) autour du concept de la légende urbaine, le film aurait pu rapidement devenir, avec son croquemitaine iconique, un simple slasher du samedi soir pour ados en recherche de sensations fortes. Candyman aurait pu n’être qu’un sous-Freddy de plus, remplaçant (admirablement certes) les griffes par un crochet de boucher, les brûlures par un essaim d’abeilles logé dans sa cage thoracique. Mais ne serait-ce que par ses origines, la créature incarnée par un impeccable Tony Todd (rien que sa voix…) dépasse les attentes en s’inscrivant dans une légende du martyr, celle d’un artiste noir massacré par quelques riches sadiques blancs qui ne voyaient pas d’un bon œil sa romance avec une jolie blonde de leur rang. Loin de poursuivre les descendants de son supplice, Candyman hante le quartier pauvre où il est né, habitant les rumeurs, personnifiant les crimes nés de la misère, de la drogue et de la ségrégation contemporaine.
In the flesh
Alors auteur d’un méconnu mais fascinant Paper House, Bernard Rose s’attache tout particulièrement à éclairer cette réalité sale et triste (le tournage dans un quartier entièrement délabré crédibilise la démarche), en suivant l’enquête de Helen (bouleversante Virginia Madsen) avec une discrétion louable, préférant faire éclater sa blondeur immaculée sur les bâtiments gris ou recouvert de tags, plutôt que de jouer les réalisateurs trop malins. En l’occurrence, Rose fait surtout preuve une intelligence sidérante dans sa lente montée en tension, faisant passer le récit d’une illustration quasi-documentaire, d’une peinture urbaine détaillée, à un film d’horreur brutal, dérangeant. Mais il tend aussi et surtout vers un ésotérisme étonnant, montrant par quelques effets spéciaux efficaces et une caméra qui se fait de plus en plus fluide la création d’une nouvelle mythologie, d’une nouvelle légende urbaine (rappelant celle de la « vraie » Bloody Mary). Ou quand un concept impalpable devient corps. Maîtrisé de bout en bout, Candyman est sans aucun doute l’un des plus grands films d’horreur modernes, imprimant dans la mémoire collective l’image d’un boogeyman sadique mais aussi et surtout foncièrement tragique, voire romantique, dont le souvenir se propage au son d’une sublime bande originale de Philip Glass. Le compositeur de musique conceptuelle, minimaliste et entêtante, transcende ici quelques notes de piano, les voix lointaines d’un chœur restreint, les sonorités d’un synthé désincarné ou d’un orgue d’église pour créer séquence après séquence un opéra baroque et mélancolique absolument inoubliable.
Une œuvre cinématographique sophistiquée, adulte et près de vingt ans après sa sortie toujours aussi terrifiante.
Image
Passé le fourmillement discret des premiers plans, c’est le plaisir de découvrir (enfin !) une toute nouvelle copie, parfaitement équilibrée et respectueuse du grain cinéma, qui prédomine. Les contrastes sont joliment appuyés et les couleurs sont d’un naturel indiscutable. Sur les nombreux plans aériens de la cité délabrée de Cabrini Green, la définition se révèle le plus souvent acérée et la stabilité de la compression doit être saluée. Une copie restaurée à partir d’un scan 4 du négatif de la version cut avec réintégration des plans censurés tirés d’un interpositif, qui gagne clairement à passer sur support UHD. Ce dernier lui assure une plus grande homogénéité, une intensité et des matières plus organiques que jamais.
Son
La version française pose soucis, c’est un fait. Malgré un doublage réussi, les effets se font rares et la réverbération qui accompagne les interventions du Candyman rend ses dialogues incompréhensibles. Seule la musique totalement hypnotique de Philip Glass tire son épingle du jeu. Dès lors, le choix de la version originale ne se pose même plus, avec une nette préférence pour le mixage stéréo original, moins artificiel que le 5.1.
Interactivité
A défaut d’égaler le packaging somptueux du collector sorti chez Arrow, l’édition proposée par ESC propose un contenu similaire. On y retrouve d’ailleurs certains des bonus produits par l’éditeur britannique, à commencer par des interviews récentes de Virginia Madsen, Tony Todd et le trio en charge des effets spéciaux de maquillage (Bob Keen, Mark Coulier et Gary J. Tunnicliffe). Soit un total de 30 minutes riches en anecdotes croustillantes. Dommage que la featurette sur la direction artistique du film et la création des impressionnants graffitis de l’antre du boogeyman soient passée à la trappe.
On garde cependant les trois courts-métrages de jeunesse du réalisateur Bernard Rose tournés entre 1975 et 1977 et présentés dans des conditions optimales eu égard à des sources variables (super 8 et 16 mm, couleur et noir et blanc). Le cinéaste en herbe y faisait déjà preuve d’une réelle aptitude à marier images et musique, symbolisme et subjectivité. Des archives précieuses.
Mais ESC ne s’est pas contenté de piocher chez son concurrent d’outre-Manche et a décidé de recycler l’interactivité de la très solide édition DVD de 2006 avec deux featurettes correctes (en SD upscalée), la comparaison film/storyboard et le commentaire audio à plusieurs voix bricolés à partir d’interventions diverses de Bernard Rose, Clive Barker, Virginia Madsen, Kasi Lemmons, Tony Todd et le producteur Alan Poul. Au rayon des exclusivités, enfin, l’éditeur ne s’est pas tourné les pouces et il n’est pas interdit de se régaler de la longue et passionnante analyse croisée du film par deux journalistes de Mad Movies, Laurent Duroche et Alexandre Poncet, et du portrait érudit de Philip Glass par Olivier Desbrosses, le rédacteur en chef d’Underscores.
Liste des bonus
Commentaire audio avec le réalisateur Bernard Rose / Entretien croisé avec les journalistes et critiques Laurent Duroche et Alexandre Poncet (34 min.) / Entretien avec Olivier Desbrosses à propos de Philip Glass (17 min.) / 3 courts-métrages du réalisateur Bernard Rose : A bomb with no name on it (4 min.), The Wreckers (6 min.), Looking at Alice (27 min.) / Storyboards (7 min.) / Be My Victim : entretien avec l’acteur Tony Todd (9 min.) / It Was Always You : entretien avec l’actrice Virginia Madsen (13 min.) / Forbidden Flesh : effets spéciaux de maquillage de Candyman et entretien avec Bob Keen, Gary J. Tunnicliffe et Mark Coulier (8 min.) / Le Mythe de Candyman (24 min) / Bande annonce originale / Clive Barker : un créateur d’enfer (11 min).