CAMARADE DRACULA
Drakulics elvtárs – Hongrie – 2019
Support : Bluray & DVD
Genre : Comédie, Horreur
Réalisateur : Márk Bodzsár
Acteurs : Lili Walters, Ervin Nagy, Zsolt Nagy, Szabolcs Thuroczy
Musique : Gábor Keresztes
Durée : 95 minutesImage : 2.35
Son : Hongrois et français DTS HD Master Audio 2.0
S-T : Français
Editeur/distrib. : Extralucid Films
Date de sortie : 20 février 2023
LE PITCH
Au cœur des années 1970, un héros de la révolution cubaine attire l’attention de la police secrète hongroise : éternellement jeune et séduisant, le camarade Fábián ne serait-il pas un vampire ? Un couple d’agents pas franchement bien assortis est mis sur le coup.
Le vampire du kolkhose
Le vampire s’échappe enfin des griffes de l’impérialisme américain pour retrouver ses racines slaves dans la belle République populaire de Hongrie, prônant dignement la grandeur de la révolution communiste. Egészségedre !
Si le cinéma soviétique et ses antennes voisines n’ont pas vraiment renoué avec le mythe du vampire durant les grandes années de l’URSS, laissant ce privilège aux cinéma américains puis anglais, il n’aurait cependant pas été illogique qu’il y pointe son nez à un moment donné. Le vampire, et en particulier son plus célèbre représentant, provient en effet des abords de la Roumanie, pays à quelques encolures de la Hongrie où le hongrois est (était ?) une seconde langue couramment parlée. Et la première adaptation de Dracula, soit Drakula, n’était-elle pas un film muet hongrois aujourd’hui perdu laissant un peu trompeusement la place au plus célèbre Nosferatu ? Il y a alors comme un petit sentiment de revanche à réaborder le mythe sur sa terre presque natale, et le réalisateur Márk Bodzsár, qui a déjà connu un joli succès populaire avec la comédie noire Isteni müszak, le fait étonnement avec beaucoup de sérieux et de respect, renouant farouchement avec tout l’attirail classique (les pieux, l’ail… beaucoup trop d’ail dans les saucisses locales). Il renoue aussi surtout avec l’essence figurative de la créature. Si effectivement Fábián (Zsolt Nagy) est bel et bien un héros de la révolution, célébré comme tel par les autorités, il montre aussi constamment une défiance face au système étatique, et avec sa sensualité affichée, sa mustang rouge et son amour du rock vietnamien qui en font une figure libertaire et transgressive.
Révolution en dents de scie
Et voulant accaparer son secret de l’immortalité, Khrouchtchev (que le film rapproche discrètement de Poutine par une légère allusion) envoit à ses trousses un couple d’agents secrets pas forcément des plus doués… Comme tout la bureaucratie communiste hongroise d’ailleurs. Un couple aux portes de l’ennui, surtout que Kun, sorte de sosie graisseux de Staline, n’est ni un amant ni un partenaire attentionné. Comme souvent, c’est d’ailleurs la femme centrale qui devient l’enjeu et la force symbolique du film, interprétée par une Lili Walters (entre-apercue dans Le Bal de l’enfer) à la présence éclatante. Les ingrédients parfaits pour un triangle amoureux basique, mais le plus souvent décalé et qui ne cesse toute au long de son petit ballet d’égratigner l’âge d’or du bloc de l’est, en l’occurrence son immobilisme généralisé, son inefficacité totale, son absence de liberté et sa paranoïa étouffante, ici justement démontré par un couple de voisins trop curieux. Avec une mise en forme particulièrement réussie, entre une reconstitution historique très soignée, une photographie léchée et évocatrice et une mise en scène précise, Camarade Dracula se refuse les lourdeurs de la parodie, et même les élans de la comédie potache. Il lui manque alors sans doute un soupçon d’énergie et d’irrévérence plus rentre-dedans, mais le subtile mélange des genres avec des airs de comédie douce amer, de fantastique fané et de satire politique attachante, lui octroie un petit charme pas déplaisant.
Image
Transfert presque idéal pour Camarade Dracula qui profite d’une source entièrement numérique pour déployer une définition bien poussée et surtout un joli traitement des couleurs, certes souvent homogène (beaucoup de marron et de jaune), mais avec une sensible variété. Le piqué creuse efficacement les visages et les environnements même si on peu noter une ou deux zones d’ombres qui paquettent légèrement.
Son
Les deux pistes sonores sont proposées dans des DTS HD Master Audio 2.0 certes relativement sobres mais toujours efficaces. Quelques petits effets dynamiques latéraux sur les avants ne perturbent en rien la limpidité des dialogues. Le doublage français, économe, s’en sort plutôt bien.
Interactivité
Comme toujours Extralucid Films privilégie le packaging format DVD à celui du Bluray, mais avec un gros fourreau cartonné, et fourni une petite poignée de suppléments pas inintéressants. On retrouve ici en premier lieu des éléments en provenance de la sortie hongroise avec un making of relativement classique et un peu trop chargé en extrait du film et une série de bandes annonces façon sketch en plus de la chanson rock vietnamienne qui fait tant d’effet à Fábián.
Pour étoffer un peu cela, l’éditeur français ajoute deux interventions inédites. Celle du journaliste Fabien Mauro permet de revenir sur les liens historiques et cinématographiques entre la Hongrie et le vampirisme avant de s’attarder sur la peinture du pays sous le communisme, tandis que la rencontre avec le réalisateur (en visioconférence, mais l’habillage le fait oublier) plonge plus avant dans la genèse du film, le choix des acteurs, la direction artistique, la reconstitution historique et les références vampiriques.
Liste des bonus
Présentation par Fabien Mauro (26′), Entretien avec Márk Bodzsár (21′), Making-of (20′), Featurettes promotionnelles (6′), Vietkong Yeah (3′), Bande-annonce